ÉDITORIAL JUILLET 2018

NO ESTABA COMODO !

Nous avons appris par la presse taurine espagnole, que le Maestro Curro Vazquez vient de déclarer « me voy porque no estaba comodo ». Cette déclaration accompagnait l’annonce de la cessation de son contrat avec l’empresa Plaza 1 de Las Ventas de Madrid dont il avait le titre de directeur institutionnel et artistique. En fait, je sais, pour l’avoir vécu à titre personnel, que Curro Vazquez avait, au moins au début 2017, dans l’organigramme effectif de Plaza 1, la responsabilité des prises de contact et les négociations des contrats avec les apoderados des toreros. La précision de la réponse du maestro madrilène, si on l’introduit dans son contexte castellano, signifie dans son usage traditionnel « je ne suis pas à l’aise dans ce costume ». Il est bien évident que Curro voulait dire : je ne suis pas d’accord pour le rôle que l’on me fait jouer. Il aurait pu dire aussi : no estoy a gusto en vuesta empresa. Je ne pense pas que la raison soit financière mais qu’elle concerne plutôt le rôle qu’il est amené à jouer ou, en particulier, son désaccord sur l’annonce que vient de faire Simon Casas pour la constitution des cartels de la prochaine feria d’octobre : tirage au sort préalable par les toreros des ganaderias à combattre : Puerto de San Lorenzo, Adolfo Martin, Victoriano del Rio, Fuente Ymbro (pour le moment…). Il faut reconnaître que ce montage médiatique annoncé par Casas qui, ne l’oublions pas, revendique le titre d’organisateur d’évènements, n’est qu’une nouvelle forme de communication démagogique, en y incluant en plus le détail que le tirage au sort se fait en public, en présence des représentants d’aficionados, comme pour le tirage au sort de la Coupe du Monde. Je comprends que dans les bureaux ou dans les hôtels, un empresario réuni avec leurs représentants, essaye de proposer aux toreros des ganaderias inhabituelles. Dans cette nouvelle démarche médiatisée si le torero refuse, qui va jouer le premier rôle ? Le beau rôle va toujours à l’empresa organisatrice de cet évènement. Le torero n’est pas un professionnel comme un autre. Autant je peux être exigeant pour leur actuation dans le ruedo, autant j’estime que c’est une profession hors du commun qui demande une certaine intimité, une certaine sensibilité, du respect, tout du moins jusqu’à ce que sa décision soit prise. Le torero doit soigner son image, sa communication mais pas à n’importe quel prix. Certains d’entre eux l’oublient. Curro peut se trouver mal à l’aise après cette décision. Ce comportement ne correspond pas à sa tradition de torero et d’homme de tauromachie pendant 50 ans, d’autant plus qu’il a certainement était choisi par Plaza 1 comme image qualitative représentative de Madrid. La plupart des autres toreros qui font partie du team Casas, en dehors de Sébastien Castella, sont représentés par des collaborateurs de l’empresa. Cela ne peut pas être le cas de Curro, surtout vis-à-vis de Cayetano Rivera Ordoñez qu’il apodère, torero d’une grande personnalité dans le ruedo et qui porte en plus un nom prestigieux. J’ai pu écrire récemment ce que je pense de cette nouvelle organisation du monde empresarial et apoderamiento confondu, qui n’a d’autre objet que de manier les toreros en dehors des cinq figuras qui gardent des représentants indépendants. Un torero n’est pas un homme de spectacle comme les autres. Un chanteur, tout en étant professionnel d’exception parfois (il en reste peu à mon goût), n’a à aucun moment la responsabilité et la pression de se jouer la vie en direct devant 20 000 personnes à Madrid, sans oublier la télévision. Le torero doit être fidèle à sa sensibilité et à son expression, tout en conservant la maîtrise de son adversaire. Il doit adhérer totalement à sa présence dans le ruedo. Je comprends tout naturellement la nécessité pour l’organisateur de rentabiliser son activité dans les conditions difficiles du monde taurin actuel. Mais je comprends aussi qu’un maestro à l’ancienne, comme Curro, qui a vécu dans la recherche d’une expression artistique dans sa propre tauromachie, ne puisse accepter l’évolution mercantile proposée par Plaza 1 en créant l’évènement, le BUZZ du tirage au sort préalable des ganaderias. C’est pervers et ce n’est motivé que par le côté évènementiel tant recherché. Comment se prêter dans ces conditions à un jeu hasardeux qui ne s’accorde pas avec la tauromachie. A mes yeux, le différend vient du principe lui-même, plus que de la différence des difficultés des ganaderias. Le comportement des organisateurs de Madrid est à mes yeux déplacé.

La Feria de Béziers 2018 est là, après cinquante ans de succès, d’émotions, de déboires et de déception de voir nos arènes perdre leur image. Nous lui souhaitons sincèrement un grand succès. Nous en avons besoin.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Edito n°63 – Juillet 2018