RECONQUISTA
Ce terme symbolique a été utilisé dans l’histoire d’Espagne pour matérialiser en l’an 718 l’arrêt de l’invasion du territoire ibérique par les Maures à Covadonga au cœur des Picos d’Europa en Asturies par le Roi Pelayo (Pelage) descendant des rois wisigoths. Le Serment de Pelayo des survivants wisigoths et des montagnards asturiens après leur victoire miraculeuse, sera le départ de la Reconquista de la péninsule qui se termina près de huit siècles plus tard après le départ de Boabdil dernier roi de Grenade en 1492 et la conversion forcée au catholicisme des Moriscos en 1502. Ce fut une période très cruelle de l’Espagne, tant pour les nombreuses batailles qui l’illustrèrent, que pour les affrontements sociétaux permanents entre les deux religions. Pourtant, ce fut aussi une période positive pour le développement qu’amorça jusqu’à la fin du 11ème siècle la culture et l’activité économique prospère apportée par l’envahisseur.
Les années 2015 et surtout 2016 viennent de démontrer que dans le monde, si l’aficion et les taurins savent s’organiser, s’entendre et lutter, ils peuvent apporter des solutions fiables face aux anti-taurins extrémistes (il est vrai soutenus par certains intellectuels et les opportunistes de tous bords : médias et politiques). Au contraire, pendant plus de 10 ans, l’Espagne taurine les avait laissé jouer à leur guise. Combien de fois l’ai-je écrit ? Ce mouvement nécessaire de résistance a touché aussi bien la vieille Europe méditerranéenne que les Amériques. J’ai préféré commencer par l’inique décision (28 juillet 2010) des Cortes Catalans qui entraîna l’interdiction des corridas, sans aucune raison valable, dans les arènes de Barcelone à partir du triste 25 septembre 2011. Suite à la décision du Tribunal constitutionnel du 4 octobre 2016 déclarant que le Parlement de Barcelone n’avait pas le droit de prononcer l’interdiction des corridas sur son territoire (après 6 ans de silence, merci démocratie..!). Paco Aguado, chroniqueur taurin madrilène a titré la Reconquista de Barcelona Il estime que l’intransigeance, l’inculture, le fanatisme catalaniste ont agressé pendant plusieurs années les aficionados et les gens exemplaires (j’en ai connu plusieurs) qui s’étaient sentis exilés politiques sur une terre qui était la leur et qui, jusqu’à il y a quelques années, malgré ceux qui veulent faire croire le contraire, une des plus taurines d’Espagne. La décision du TC espagnol ayant cependant laissé au Parlement catalan le droit de réglementer la corrida à l’avenir, nous pouvons craindre qu’ils essayent de la dénaturer en profitant de la situation exacerbée de l’idéologie catalaniste. Objectif : lui enlever le caractère mythique de la rencontre ancestrale de l’homme avec la force privilégiée de la nature qu’est le Toro. Certes, il est vrai que ce n’est pas une nouveauté. Les parlements régionaux espagnols ont déjà le pouvoir d’adapter la règlementation de la corrida. En Andalousie, l’organisation des présidences et la longueur des puyas ont été modifiées sans dénaturer la corrida, mais il n’y avait pas de mauvaises intentions derrière ces décisions, bien au contraire. Pourrons-nous faire confiance aux Catalanistes uniquement intéressés par la destruction d’un symbole afin de diminuer l’influence espagnole et récupérer des voix auprès des sécessionnistes avec l’objectif d’un prochain référendum… ? Dans un passé récent, les forces vives du monde taurin (ganaderos, toreros, empresarios et aficionados) ont tellement négligé leur devoir et tardé à faire face à l’attaque de destruction massive du Parlement, qu’elles ont permis à leurs adversaires de croire que leur initiative passerait facilement puisqu’elle n’entraînait pas de véritable réaction. Heureusement, il existait des irréductibles qui ont permis au T.C. de se prononcer. Nous vous en serons éternellement reconnaissants. Cette dernière décision du T.C. laisse au monde taurin espagnol deux éventualités qui demandent un choix rapide :
1 – Reprendre le comportement des 10 dernières années qui ont permis aux antis de s’organiser pour éventuellement pervertir la décision du T.C. et enlever à la corrida toute sa quintessence, même dans d’autres communautés, en profitant de majorités de compromis. Ils l’ont déjà fait. Il se murmure que certains préfèreraient l’indemnisation. Scandale pour ceux qui ont lutté.
2 – Se battre sur les bases de l’interdiction appliquée au Parlement régional d’interdire la corrida pour passer en force, relancer l’organisation des corridas à la Monumental afin de reconquérir cette place forte du monde taurin. Cela demandera certainement des sacrifices tant financiers qu’humains.
Le monde taurin est-il prêt à faire ces sacrifices indispensables à un tel résultat alors que la situation politique du pays est très compliquée pour plusieurs mois. Ils sont au pied du mur. S’ils continuent leurs luttes intestines, la situation ne sera pas modifiée. Pour certains aficionados espagnols, il s’agit d’une véritable Reconquista. Espérons qu’ils sont nombreux à en être convaincus sans en arriver aux extrémités de leurs antepasados (ancêtres) pour rétablir leurs droits ancestraux. Nos amis espagnols sont à un tournant de l’histoire de la corrida sur leur territoire. Le peuple espagnol a démontré parfois, par le passé, qu’il pouvait avoir la force et l’efficacité nécessaires. Espérons que le monde taurin saura avoir les deux pour sauver son identité. Nous avons besoin d’eux. Ils sont la base moderne de l’histoire des liens viscéraux entre l’homme et le toro et de la codification de ce combat ancestral sous la forme de la corrida. Sans eux, les efforts valeureux, tant en Amérique hispanique qu’en France, ne résoudront pas les mouvements importants qui attendent la corrida dans un monde en changement.
De leur côté, les sud-américains viennent de démontrer en Colombie que dans un pays où la structure de la démocratie et de l’État de droit est arrivée, malgré des affrontements douloureux avec les groupes révolutionnaires, à se maintenir, il est possible de défendre loyalement ses droits. Suite à tous ses abus de pouvoir, Gustavo Petro, maire ex terroriste de Bogota, avait fermé par une décision arbitraire, sans explication éthique, les arènes de la capitale construites en 1931 pour leur destination naturelle – l’organisation de corridas de toros répondant à tous les critères espagnols – prohibant ainsi une tradition vieille de plus de 4 siècles en Colombie. Précisons que les arènes de Bogota font partie des ruedos où les matadors de toros peuvent confirmer leur alternative. La décision de la Cour constitutionnelle colombienne de 2015 a confirmé que les maires (dont celui de la capitale) ne pouvaient pas interdire la corrida quand il existe une tradition tauromachique. En conséquence, le District de Recreation y Deportes de Bogota vient d’attribuer la gestion des arènes à Colombia Taurina qui annonce déjà la temporada 2017 : une novillada – 4 corridas avec des figuras. Il fau remercier le courage des novilleros colombiens mobilisés pendant plusieurs mois pour défendre leur droit à vivre leur passion, ainsi que le rassemblement des figuras mondiales en appui à leur démarche lors d’une manifestation pacifique. Ce ne fut pas une Reconquista belliqueuse mais une démarche loyale et règlementaire.
En Équateur, la tradition taurine remontant à plus de 5 siècles a été contrariée à Quito par la décision électoraliste du maire et du Président de la République Écologiste Populiste Rafael Correa, s’appuyant sur un referendum inconstitutionnel manipulé, pour interdire la mort du toro dans le ruedo. Cette décision de 2011 ne permet plus l’organisation des corridas de toros formelles à Quito pour la Feria del Grand Poder dans la Plaza Monumental (1960) qui attirait de nombreux aficionados du monde dans la magnifique capitale Quiteña. La corrida en Équateur est très vivace, tant dans les pueblos que dans des arènes importantes : Ambato, Riobamba, Guayaquil, Latacunga… Sébastien Castella va même toréer dans cette dernière Feria à 80 kms de Quito les 25 et 26 novembre prochain. Le 5 décembre, Andrès Roca Rey se présentera seul dans les arènes typiques Belmonte de Quito dans une encerrona goyesque. Si l’aficion et le monde taurin équatoriens continuent leur démarche sans défaillir vers leur objectif, la situation du président Correa par rapport à la restriction de Quito devient insoutenable et sans aucune mesure avec les problèmes qu’il rencontre par ailleurs dans sa politique qui ne s’améliore pas avec l’absence du soutien vénézuélien du chaviste Maduro en très grande difficulté.
Si nous revenons en France, nous constatons depuis les 20 dernières années, que la règlementation de la corrida évolue favorablement, malgré quelques exaltés soutenus plus ou moins ouvertement par certains médias proches de l’agitation écologique et des agitateurs professionnels en recherche de médiatisation (Crac et assimilés). Historiquement :
– la première étape de cette tendance vint de l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse en 2000, confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation du 7 février 2006 qui a créé la notion de zone géographique de tradition taurine, ce qui a stoppé toutes les plaintes qui étaient déposées depuis 1960 contre l’organisation dans des communes qui ne pouvaient justifier d’une tradition taurine continue ;
– la deuxième étape de cette lutte commença par l’Appel de Samadet à l’occasion de la Feria de la Faïence 2007. A l’initiative d’André Viard, toutes les entités représentatives de la tauromachie française se réunirent pour commencer une démarche de responsabilisation et de coordination de toutes ses composantes, qui aboutit à la création de l’Observatoire National des Cultures Taurines en Arles en 2008 : progression logique et constante (2000 – 2006 – 2007 – 2008). La mise en place de cette organisation permettra de changer toute la démarche française. Il ne s’agit plus de participer à des débats stériles avec nos opposants officiels ou des moralisateurs expérimentés dans la médiatisation, mais d’agir avec l’ensemble des institutions françaises, politiques, juridiques et taurines susceptibles d’intervenir dans la démarche de reconnaissance de l’antériorité des tauromachies, ce qui a abouti à l’inscription de la tauromachie au Patrimoine Culturel Immatériel reconnu par les conventions de l’UNESCO (2003 et 2005), du moment qu’elle ne porte pas atteinte aux Droits de l’Homme. La dernière initiative de l’ONCT concertée avec l’UVTF, vient de se réaliser au Sénat de la République en présence du Président Larcher, avec la collaboration des villes taurines françaises dont les arènes sont classées en 1ère catégorie. Sous la dénomination Esprit du Sud, cela a abouti à la ratification par les villes taurines majeures de notre territoire réunies au Palais du Luxembourg, de La Charte pour les libertés et la diversité des cultures, conclusion du colloque l’Homme et les Animaux : vers un conflit de civilisations ? Cette charte a été remise le 5 octobre 2016 au Président Larcher pour sa demande de prise en compte par le Sénat de la République française. C’était la conclusion du colloque précité avec la participation d’éminents professeurs d’universités et chercheurs spécialisés.
En France, historiquement, la stratégie de défense de nos prédécesseurs correspond à une prise de conscience bien antérieure à celle de nos amis espagnols, immergés dans le monde taurin depuis plus de 5 siècles, alors que les Français du Sud ont dû gagner leur liberté face aux dogmes parisiens depuis le début, sur notre territoire, du face à face public du Toro et de l’Homme au XIXème siècle. Je pense que l’évolution actuelle de ces 20 dernières années est le résultat de cette mobilisation qui sut commencer par la Levée des Tridents en 1921 et qui a su dépasser le verbiage avec des farfelus(ues) fumeux(euses) de 1950 à 1980. La professionnalisation de nos adversaires nous a obligés à quitter ce terrain pour une nouvelle organisation et une défense plus démocratique et juridique de nos valeurs.
Merci à ceux qui ont su prendre ce tournant, d’autant plus qu’ils sont compétents et je dirai même brillants. Cette démarche n’est pas terminée car en face de nous ils s’arment avec persévérance pour de nouvelles attaques de tout type. Heureusement les pouvoirs publics de notre pays ont compris de quel côté étaient les démocrates et les défenseurs de la Loi et de quel côté étaient les extrémistes, groupe de pression obnubilé par un objectif de destruction qui n’oublie pas de s’appuyer maintenant sur des communicants compétents pour médiatiser leur nouvelle philosophie de l’Homme face à l’Animal, avec la complicité active des groupes animalistes.
Pendant ce temps à Béziers :
– J’ai pris connaissance par internet des communiqués de la Fédération des Clubs Taurins Biterrois, de la Commission Taurine Extra Municipale et même de la Fédération des Sociétés Taurines de France qui sont inquiètes des résultats de la Feria 2016 et de l’évolution de nos arènes. Ces trois institutions invitent l’empresa à prendre en compte leurs remarques et à la concertation pour améliorer la situation, qui me rappelle de tristes souvenirs. Pourtant, la situation n’est pas la même qu’à l’époque désolante 1960-1980. Actuellement, nous pouvons nous réjouir :
– Sébastien Castella, figura incontestable de la tauromachie, porte haut le nom de notre ville, tant en Europe qu’aux Amériques ;
– Nos jeunes matadors de toros, Tomas Cerqueira et Gaëtan Ortiz, issus de l’École Taurine de notre cité, luttent dans la difficulté mais avec passion, pour faire reconnaître leur professionnalisme et pourquoi pas leur place dans l’escalafon.
Ces résultats positifs sont le fruit de l’engouement et de la mouvance positive de nos arènes pendant plus de 20 ans, à partir de 1980. Par la suite, nous avons pu surfer doucement sur la vague jusqu’en 2005. Progressivement, la situation a changé dans nos arènes car la motivation des décideurs n’est plus la même depuis plus de 10 ans.
– Les arènes de Boujan annoncent une temporada 2017 intéressante avec : la Feria des Novilladas des 1er et 2 juillet avec 2 ganaderias intéressantes : Dolorès Aguirre, novillada triomphatrice de la temporada 2016 du Sud-Ouest et Los Maños triomphateurs à Zaragoza en 2014 et à Vic-Fezensac en 2016. Et aussi, la Corrida des Vendanges qui clôturera la temporada biterroise.
Tout me paraissait positif dans ces informations pour l’aficion biterroise, mais le chroniqueur taurin local du ML vient de créer une polémique sur la récente motion de la Fédération des Clubs Taurins locaux. Étrange. Ses conclusions d’après Feria étaient très similaires et le mélange des genres avec la référence aux querelles politiques est hors sujet. Quel intérêt à déstabiliser une vraie action des clubs taurins qui paraissait enfin se mettre en place ? Pendant 10 ans nous avons entendu, sur l’évolution préoccupante des arènes de Béziers, un silence assourdissant dont nous récoltons malheureusement les fruits aujourd’hui. Pour une fois que l’aficion jouait son rôle… !!!
Afin de conserver votre sérénité, sans tenir compte de ce comportement aberrant, je vous laisse méditer sur les deux derniers vers de la chanson mythique de Léonard Cohen qui vient de nous quitter :
I’ll stand before the Lord of Song (Je me tiendrai debout devant le Seigneur de la Chanson)
With nothing on my tongue but Hallelujah (Avec rien d’autre à mes lèvres qu’Hallelujah)
Je vous conseille, si vous pouvez, de le voir et de l’écouter dans la chanson complète, dans ses dernières versions.
Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Edito n° 43 – Novembre 2016