Edito n° 2 – Juillet 2024

PACO CAMINO

Francisco CAMINO, le « Niño sabio de Camas » nous a quittés le 29 juillet.

J’ai pensé que l’annonce de son décès ferait la une de la presse taurine européenne et mexicaine. J’ai voulu lui dédier cet édito car j’ai toujours eu pour le Maestro sévillan une affection particulière.

Le chroniqueur sévillan Carlos Crivell vient d’écrire « Adieu à l’intelligence torera » quand Aplausos déclare « Paco Camino un torero incommensurable et un homme immense ».

Après une alternative à l’âge de 18 ans le 17 mars 1959, j’ai pu le voir pour sa présentation à Béziers en 1961. Certes, le rugby était à cette époque-là ma principale motivation, fier d’avoir représenté victorieusement la France avec l’équipe des moins de 19 ans face à l’Angleterre. Pourtant, ayant vécu ma jeunesse à 500 mètres des arènes, la corrida de toros était déjà un élément majeur.

Ce jour-là, le 11 juin 1961, le cartel était composé du chevronné Victoriano Valencia et de deux jeunes sévillans Diego Puerta et Paco Camino face aux Conte de la Corte. Nous n’avions pas encore assez de référence mais son visage enfantin de jeune andalou et son art si naturel nous expliquèrent rapidement pourquoi la presse spécialisée lui avait donné le surnom de « Niño sabio » – enfant savant.

Nous ne le reverrons pas à Béziers avant le 16 août 1970 avec le « Mejicano de Oro » Manolo Martinez et Damaso Gomez devant des arènes combles. Paco sortait de son historique corrida de la Beneficencia de Madrid, seul devant 7 toros à qui il coupa 8 oreilles.

Il revint en 1971 dans l’inoubliable mano a mano face à Paquirri qui ouvrit à Béziers la prodigieuse carrière du torero de Barbate. Paco Camino, excellent, avait dû affronter un sobrero inintéressant.

Rapidement, j’ai eu et je la garde encore, une profonde admiration pour le torero de Camas qui représentait « l’art naturel » dans son comportement face au toro. C’était un grand styliste au capote où ses chicuelinas sont restées les plus pures et devraient être un exemple pour la jeune génération.

Sa muleta était simple et magnifique à la fois, notamment de la main gauche. Nous ne pouvons oublier l’exécution pure de ses estocades qui concluaient ses faenas templées et dominatrices avec une prodigieuse facilité.

Sa tauromachie ne cherchait pas d’effets spectaculaires car elle restait douce et authentique sans jamais être ennuyeuse, comme le sont trop souvent les faenas dans ce cas-là. Elle avait du cachet, de l’élégance et une distinction particulière. Cela nous fait comprendre que Paco soit sorti 12 fois en triomphe des arènes madrilènes de Las Ventas lui qui fut déjà à 23 ans en tête de l’escalafon européen des matadors de toros. Ce fut aussi l’enfant chéri de l’aficion du Mexique avec des triomphes inoubliables tant à la Mejico qu’à Querétaro où il toréa 11 fois entre 1976 et 1978. Il faut noter aussi qu’il était plus apprécié dans les plazas de Madrid et Bilbao que dans celle de Séville.

J’ai vu toréer plus souvent Paco Camino lors de déplacements en Espagne où le fameux trio Puerta/Camino/El Viti était annoncé dans tous les arènes de catégorie, sans oublier la France. Ces trois toreros nous montraient des critères différents de leur tauromachie. Malgré la majesté de Santiago Martin de Vitigudino, Paco sut maintenir sa personnalité inégalable qui s’appuyait sur la simplicité et la pureté de son art alors que Puerta « Diego Valor » les accompagnait avec son courage et sa détermination.

La tauromachie de Paco Camino était marquée par l’Honor (l’Honneur) et la Honra (Dignité) qui ne s’ajoutent pas toujours au courage indispensable à tous les toreros.

Le chroniqueur taurin du Midi Libre des années 50 à 80, Fernand Lapeyrère qui signait Don Fernando, me raconta une soirée à Séville dans les salons du matador de toros américain John Fulton : un critique taurin fameux parlant avec Paco Camino lui déclara « mais Paco, si tu avais voulu, tu serais le Numero Uno ». Le torero réagit avec stupeur à cette question avec un visage étonné et répondit « Don… mais je n’ai jamais voulu être le Numero Uno ». Il voulait simplement faire sa tauromachie avec ambition mais sans rechercher de polémique avec ses compagnons de ruedos ni sans faire le buzz comme on dirait maintenant.

Oui, je peux dire que Paco Camino a été un torero d’époque. Il avait le sens des responsabilités et acceptait parfois d’affronter des toros moins recherchés. Ce fut le cas notamment des élevages d’origine Santa Coloma, Buendia, Hernandez Pla… Je me rappelle que dans une feria de Bilbao, Paco Camino se laissa annoncer devant les Miura. Le matin, on signala la présence dans les corrales, bien connus des aficionados français, d’un toro de Zahariche de 701 kg que le sorteo attribua à Paco pour être combattu. Je revois encore dans le patio de cuadrillas de la plaza Vistalegre de Bilbao le banderillero Joaquim Camino, son frère, l’aidant à mettre sa cape de paseo. Bien entendu il paraissait très concentré, plutôt figé. Il resta digne et maître du jeu malgré la médiocrité de l’énorme Miura (surtout à cette époque-là).

Paco arrêta sa carrière en 1983 et accepta de donner l’alternative à son fils Rafi le 26 septembre 1987 à Nîmes. Plus tard, je l’ai aperçu plusieurs fois quand je résidais à Séville, dans les rues de Séville, plutôt discret, avec des amis près de la plaza de toros de la Maestranza ou près du bar-restaurant d’El Cairo qui était, à l’époque, le lieu de rendez-vous des taurins sévillans.

Malheureusement, il dut recevoir en 2007 une greffe de foie. Son visage était très marqué par sa maladie. Il préféra vivre dans la finca de sa ganaderia brava d’origine Santa Coloma installée dans la province de Cacérès dans la commune de Madrigal de la Vera.

Le Maestro Santiago Martin El Viti vient de déclarer à l’annonce de son décès : « Je me rappelle de Paco Camino. Avant la rivalité, il y avait l’admiration. Paco est une histoire du toreo dans le monde entier ».

Nous devons malheureusement ajouter le décès à 67 ans, le 26 juillet de l’excellent Matador de toros sévillan Pepe Luis Vazquez Silva. C’était le fils de l’historique Maestro Pepe Luis Vazquez Garces (1921-2013) « El Socrates del Toreo » – Socrate le Maître de la Grèce –

Adios Maestros

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU