QUAND NOUS RETROUVONS « NOTRE MONDE »
POUR L’ADMIRER ET LE DEFENDRE
Ces dernières semaines m’ont apporté une grande joie de retrouver Morante de la Puebla « intact », plutôt meilleur que jamais devant les toros braves. Je vous en parlais depuis plusieurs mois car j’estimais que sa présence dans les ruedos était indispensable pour maintenir le résultat de l’harmonie et de la grandeur qu’il apporte à la corrida.
Le comportement hors normes de nos jours du Maestro de la Puebla del Rio, m’a apporté des moments d’émotion uniques qui m’ont permis de retrouver la corrida dans la maîtrise, l’entrega, l’émotion que ressentent toutes les plazas concernées. J’ai eu l’occasion de le
connaître très jeune dans les arènes de Guillena, aux portes de Séville, le 16 avril 1994 lors de sa première novillada piquée avec le novillero local Jose Luis Cobo. Sa jeunesse, sa facilité nous avaient étonnés. Il faisait déjà parler de lui dans l’aficion sévillane. Certes, le niveau de Morante a évolué, explosé pendant sa carrière de novillero et ses débuts de matador de toros.
Un excès de facilité dans les arènes de La Maestranza lui a fait connaître son premier grave accident dans le ruedo. Il est revenu difficilement à son niveau pendant près de 10 ans, avec des hauts et des bas jusqu’à ces 10 dernières années et son arrêt brutal en 2024 avant sa réapparition lors de la temporada actuelle.
Je le retrouve encore plus étonnant, avec un niveau de maturité que je ne lui connaissais pas.
Le monde taurin attend toujours la nouveauté qui va lui apporter l’oxygène pour qu’il puisse vivre. L’intérêt de l’aficion et du mundillo dans ce cas n’est pas le même. Si le monde professionnel veut précipiter l’apparition de nouveaux prodiges, dans un intérêt lucratif,
l’aficion attend que « son monde » puisse continuer à créer ces êtres géniaux qui lui permettent de vivre pleinement sa passion.
Les antis, les animalistes déchaînés, les végans, les politiques récupérateurs, même s’ils n’ont pas les mêmes motivations dans leurs comportements, n’ont rien compris en confondant ou en faisant semblant de confondre le combat du toro bravo, animal exceptionnel, et le talent, la passion de l’homme torero avec une tuerie sanguinaire. Les amoureux du toro bravo combattant, au contraire, ont une grande admiration pour ce fauve évolué descendant de l’auroch que les humains peignaient dans les cavernes jusqu’à les affronter il y a plus de 10 000 ans.
Il est la véritable cause de leur intérêt pour la corrida. Le torero est l’élément qui permet de le mettre en valeur en utilisant sa bravoure et ses charges. Ils l’admirent aussi parce que, suivant le comportement du toro (noble, brave ou combatif), le torero est à même de créer dans les critères de sa tauromachie, l’art, la maîtrise dominatrice et toutes les attitudes possibles.
Nous avons déjà vu dans les éditos précédents d’autres points marquants des ferias majeures.
Nous avons apprécié Escribano, Roca Rey, Castella, Saul Jimenez Fortes… triomphant suivant leur efficacité à l’épée. Je n’arrive pas à valoriser actuellement les qualités que je connais de Talavante à qui j’ai organisé en 2004 à Samadet (Landes) ses débuts avec picador.
Il manque de continuité et de réserve pour ses adversaires triés sur le volet et les triomphes préparés et retentissants. N’oublions pas aussi les méritoires triomphes de David de Miranda et de Pepe Moral.
Le point majeur de l’actualité reste l’augmentation sensible du nombre de spectateurs dans les tendidos et gradas, tant à Séville qu’à Madrid et dans plusieurs plazas de moins d’importance, notamment grâce à la jeunesse. Le peuple a su réagir aux agressions ignobles de certains politiques « sin verguenza » qui attaquent la corrida sans aucune retenue ni sens de l’éthique.
Le comportement abject du Premier Ministre et de son acolyte de la culture écolo-catalanistes ont marqué la haine qu’ils portent à la tauromachie et au toro bravo. Ils se sont trompés, leurs décisions ont réveillé les tenants de l’activité taurine espagnole qui dormaient sur leur ancienneté.
J’ai retenu trois évènements majeurs de ces dernières semaines qui, en plus des taquillas, exprime la volonté du public et de la jeunesse de faire savoir à leurs adversaires que leur passion existait avant et que leurs initiatives avaient fait remonter la profondeur de l’histoire
du peuple espagnol avec le toro bravo et les toreros qui les affrontent :
- Le jeune sévillan d’Espartinas, Borja Jimenez, avait connu de grandes difficultés devant les 6 toros de Victorino Martin qu’il affrontait le 9 juin, seul dans le ruedo ovale des arènes de Nîmes pour sa confirmation d’alternative lors de la dernière feria.
Ce fut un échec. - L’empresa madrilène avait programmé le 15 juin dans la Plaza de Las Ventas, une corrida « in memoriam » de Victorino Martin Andres, le grand ganadero madrilène qui a marqué ces arènes depuis les années 60 et toute l’Europe taurine, par des triomphes
exigeants de ses toros gris qu’il avait ramenés de Séville. La sortie « a hombros » de Borja Jimenez et de Victorino Martin Garcia ce jour-là est une marque de reconnaissance de l’éleveur de Galapagar et d’admiration de l’engagement du jeune Borja qui sut, face au magnifique « Mihijas », oublier la déception de sa tarde nîmoise de la Feria de Pentecôte contre les décevants 6 toros marqués du A couronné rappelant l’origine du Marquis d’Albasserada, sans oublier la partie Saltillo, venue d’Andalousie jusqu’à Galapagar avant de les implanter dans la province Cacereña. - Le sommet de tous les triomphes a été celui de Morante de la Puebla devant les Juan Pedro Domecq. Plusieurs centaines d’aficionados, particulièrement la jeunesse, l’ont porté sur leurs épaules à la sortie de Las Ventas par la calle de Alcala jusqu’à l’hôtel Wellington, malgré les interventions de la police. L’image symbolique du Maestro de la Puebla apparaissant à la fenêtre de sa chambre pour saluer la foule en délire qui criait sa reconnaissance, est exceptionnelle. Ce jour-là, Morante était vêtu au paseo d’un traje inhabituel bleu marine et noir et d’une montera bleutée. Je pense que la foule voulait honorer le Maestro, outre ses magnifiques gestes face aux Juan Pedro de cette tarde, pour tous les autres succès qu’il a montrés depuis le début de la temporada,
tant à Séville, qu’Aranjuez, Jerez, Madrid…
Le peuple du toro s’est réveillé car les toreros, après les interventions de Séville « Habemus Morante », ont compris qu’il fallait faire l’effort pour ne pas disparaître, noyés dans les vapeurs du Sévillan de la Puebla del Rio. Même Talavante a compris qu’il fallait
nous faire croire à la qualité de ses triomphes… pour une tauromachie historique qu’il est sensé ambitionner.
Ne négligeons pas la journée triomphale des 3 indultos (?) des toros El Freixo du Juli à Marbella même si l’on peut les trouver excessifs. Je préfère vous rappeler que cette sortie triomphale aurait pu être appliquée aussi à Saul Jimenez Fortes (voir édito n° 10) qui a réalisé le toreo le plus profond, dominateur, puissant et majestueux devant ses deux toros d’Aranz de Robles. Il est caractéristique de ces moments, courts mais intenses, qui sont la raison majeure de la participation de l’aficionado à cette « messe » qu’est la corrida. Il perdit les trophées avec l’épée mais il a réalisé des gestes importants, sublimes même, qui auraient pu l’amener vers une exceptionnelle sortie en triomphe.
Dans l’édito de février 2025, je vous ai présenté la situation très préoccupante de la corrida dans les pays latino-américains dominés pour la plupart par les narcos associés ou « tolérés » par la gauche au pouvoir comme en Colombie, Vénézuela, Equateur et maintenant au Mexique où le crime organisé montre des actions barbares contre lesquelles l’état est complètement dépassé quand il n’est pas complice. Tous ces pays ont connu la même politique taurine depuis près de cinquante ans : interdire l’effusion de sang et la mort du toro dans les arènes de leur capitale pendant la corrida. La conclusion a toujours été la même : fermeture des arènes de Caracas, Quito, Bogota (?) et bientôt la plus grande
Plaza de toros du Monde « La Mexico » si la solution gauchiste se confirme.
Heureusement, au Mexique, la réaction contre la décision de la Présidente Claudia Sheinbaum et du parti gauchiste Morena prend de la puissance : la cinquième Marche Nationale en défense des traditions s’est déroulée le 26 juin en plein centre historique de Mexico avec la participation d’une « multitude » de personnes réunissant le monde agricole en général, les éleveurs de plusieurs races animales, les toreros… sous la dénomination « Vive Libre » (Vis libre). L’objectif : exiger le respect et la garantie du plein exercice des libertés individuelles et collectives de leurs professions ainsi que la protection des traditions de la culture mexicaine, sachant que la corrida en provenant d’Espagne existe à Mexico depuis le XVIème siècle.
« La culture des peuples ne peut se décider par des enquêtes… le rôle d’un Etat Démocratique est de protéger les droits culturels de tous les mexicains ».
Quand on connait les causes évoquées par la nouvelle Présidente pour modifier les règlements de la corrida qui aboutiraient immanquablement à sa destruction dans un Etat où les narcos dominent la plus grande partie du pays et qui voit ses habitants tenter de fuir aux Etats-Unis !!!
Cette démarche démontre que seule une résistance organisée et active permettra à la longue à « nos » pays du Sud de : VIVRE LIBRE – Quand nous retrouvons « notre monde » pour l’admirer et le défendre.
Le responsable de rédaction : Francis ANDREU
