« O NOS UNIMOS, O EL TOREO TIENE LOS DIAS CONTADOS »
(Ou nous nous unissons ou les jours de la tauromachie sont comptés)
Cette déclaration n’a pas été faite par un aficionado illuminé ou un ganadero désespéré devant les difficultés à maintenir son élevage de toro brave. C’est un matador de toros historique de ces 20 dernières années qui a fait cette déclaration dans l’Extra des Toreros 2013 de la revue Aplausos. Certes, les défenseurs du statu quo nous diront que Finito est un torero du passé dont l’avenir est derrière lui (même si en 2013 il avait le soutien de Simon Casas) et qu’il fait partie des toreros aigris ou désabusés.
Quelle que soit la représentativité de Juan Serrano « Finito de Cordoba » dans l’escalafon actuel des matadors de toros, il reste un « maître » de la tauromachie moderne dont la technique et l’expression artistique font l’admiration des aficionados avertis et des toreros (matadors et novilleros). En fait, sa déclaration est plutôt « désintéressée ». Certes, nous n’oublions pas que Juan est né en 1971 à Sabadell, aux portes de Barcelona, de parents andalous venus en Catalogne pour « gagner leur vie », comme beaucoup de leurs congénères. Il a certainement très mal vécu la fermeture des arènes de Barcelona et les oppositions du catalanisme dans une région qui a marqué sa première jeunesse mais aussi ses succès inoubliables à la Monumental où il attirait un nombreux public. En fait, Finito fait référence à d’autres dangers qui viennent du monde taurin lui-même.
Nous avons dénoncé, en plusieurs occasions, l’évolution actuelle de la tauromachie qui ne peut servir qu’un petit groupe (toreros, empresarios et ganaderos punteros) qui se satisfont d’une situation qui, tant au niveau économique que médiatique, en fait encore des privilégiés dans une Espagne exsangue où le nombre de spectacles taurins s’est écroulé en cinq ans, surtout dans les arènes de 3ème catégorie (corridas et novilladas piquées). Nous devons rester vigilants face à des adversaires virulents où nous retrouvons mêlés des intérêts « philosophiques » et « politiques » très différents, unifiés dans un « amour » exacerbé de la gens animale, mais nous pensons que la première solution au problème actuel de la corrida se trouve dans le monde taurin lui-même.
Dans le même esprit, Juan Antonio Gomez Angulo, Président de la Commission de Travail pour le Développement et la Protection de la Tauromachie, déclare que les ganaderos sont les moins responsables de la situation économique et au contraire doivent être protégés.
A l’exception des 5 ou 6 élevages punteros imposés par les figuras, ils sont pour la plupart dans une situation financière catastrophique. Leurs efforts de gestion, en diminuant le nombre de vaches et donc de naissances, donneront-ils des résultats suffisants car comment amortir les frais fixes pour maintenir une finca (hommes et matériels, sans oublier les frais financiers). Par contre, Gomez Angulo affirme que le coût de production des spectacles taurins doit baisser, de la réduction des honoraires jusqu’à la diminution du prix des places.
Cela demande un profond processus de transformation pour maintenir les spectacles taurins ! Il pense que « tous doivent renoncer à une partie de ce qui leur correspond, tous doivent réviser leurs prix et leurs marges parce que si rien ne change, le spectacle ne pourra pas se maintenir longtemps ».
Nous ne pouvons qu’approuver ces affirmations. Elles concernent tous les intervenants :
Les grandes empresas car sans changement, les petites arènes vont disparaître les unes après les autres. Un comportement égoïste de leur part serait suicidaire à moyen terme.
Les toreros figuras qui pratiquent des tarifs exorbitants qui :
- font augmenter le prix des places qui atteint un niveau insupportable
- oblige les arènes (1ère et 2ème catégories) à multiplier les mano a mano, les « encerronas » pour négocier avec les toreros la diminution du coût du plateau avec comme conséquences de :
- lasser le public par la répétition des mêmes cartels qui ne sont plus des évènements ni des « competencias »
- diminuer les possibilités pour les toreros jeunes ou pour les toreros moins médiatisés car le « people » fonctionne encore même s’il est aussi en régression.
Ce ne sont pas leurs initiatives de marketing ridicules et à « contra estilo » pour améliorer leur image ou le « glamour » pour aller vers le grand public qui amènent plus de monde aux arènes. Au contraire, il faut rendre au spectacle taurin sa « vérité » d’hommes extraordinaires (qu’ils sont) qui vont affronter des animaux tout aussi extraordinaires.
Les professionnels des cuadrillas ont aussi leur part de responsabilité : ils ont obtenu des rémunérations et une couverture sociale qui certes leur apportent des garanties pour leur période d’arrêt et leur retraite, mais qui entraîne un coût exorbitant, notamment pour les arènes de 3ème catégorie ainsi que pour les novilladas en général. Ils s’accrochent à leurs avantages acquis alors que le système court à sa perte. Leurs représentants ont toujours eu comme réel interlocuteur, l’ANOET (Association regroupant les empresas des grandes arènes) qui se soucie peu des problèmes de leurs collègues des petites arènes et qui leur a concédé, dans des périodes faciles, des conditions très avantageuses car elles n’étaient pas prioritaires pour eux. Il est regrettable que les empresas des petites arènes n’aient jamais pu constituer une association structurée, représentative, apte à négocier avec force car ce sont elles qui organisent (ou qui organisaient…) le plus de spectacles et qui ont subi la situation qui pesait déjà sur leur rentabilité, même quand les temps étaient meilleurs.
Les organisations syndicales oublient que la majorité des « subalternes » qu’elles représentent, intervient dans les novilladas et spectacles mineurs ou dans les arènes de 3ème et 4ème catégories (portatives). Les coûts fixes de l’organisation vont entraîner une disparition progressive de ces spectacles car les aides des municipalités diminuent ou disparaissent et le nombre de spectacles diminue suite à la crise économique et au conformisme des toreros. La tendance de la part des empresas « représentatives » (ANOET) serait de remettre en cause la prise en charge des cuadrillas, tant au niveau de la rémunération que des charges sociales puisque les « subalternes » sont choisis par les toreros qui sont leurs vrais « patrons ». Cette solution serait envisageable pour les matadors de toros « figuras » qui ont des cachets élevés mais ne serait pas applicable pour les toreros modestes qui perçoivent des cachets minimes, surtout dans les petites arènes et encore moins pour les novilleros qui ont des difficultés à faire face à leurs frais.
Il nous paraît plus juste de :
- baisser le coût des figuras : il est vrai qu’elles interviennent surtout dans les arènes de 1ère et 2ème catégories bien qu’en fait, en 2013, malgré la crise, certaines ont toréé près de 10 corridas dans les arènes de 3ème, sur un total de 40 à 30 « festejos » seulement !
- baisser le coût des cuadrillas pour les novilleros et les plazas de 3ème et 4ème catégories (rémunérations et charges sociales)
- alléger l’organisation des « sans picadors » en diminuant le nombre de banderilleros et le coût de la sécurité sociale.
Il faut noter que le milieu associatif français qui depuis 20 ans a fait des efforts importants pour les novilladas, surtout dans le Sud-Ouest, rencontre de grandes difficultés pour pérenniser ces organisations qui sont l’avenir de la corrida.
Les propriétaires des arènes (publiques ou privées) qui ne sont pas en gestion directe (Pamplona, Bilbao, Dax, Bayonne…) ont établi des conditions de location intéressantes et même très avantageuses dans certains cas, grâce à la concurrence entre empresarios qui augmente le coût de l’organisation et participe à l’augmentation du prix des places de corridas. La situation actuelle ne permet plus de maintenir cette situation car elle aggrave la rentabilité pour les empresas et pour les spectateurs avec comme conséquence la baisse de fréquentation, surtout si le spectacle est ennuyeux ou répétitif (voir éditos antérieurs). Les solutions existent mais elles demandent des sacrifices de la part de tous et de vraies initiatives généreuses. En effet, nous assistons à certaines initiatives artificielles qui relèvent du marketing communicatif pour se donner une image positive vis-à-vis des aficionados et du grand public, « para darse une cara de bueno » comme disent nos amis espagnols. Ce n’est pas cette mascarade que nous attendons des toreros mais un comportement vraiment responsable et respectueux de l’aficion « tanto en el ruedo que a la calle ». Mais tous ces sacrifices n’auront de justifications et de résultats que si les empresarios baissent le prix des places quand ils le peuvent et si le public revient aux arènes afin d’empêcher la chute du nombre de spectacles.
Durant cette temporada, nous n’avons pas voulu vous décrire un monde taurin idyllique mais réaliste, dont l’avenir nous préoccupe fortement, comme vous l’avez certainement constaté. Vous pouvez nous adresser vos commentaires par mail :
- uniontaurinebiterroise@gmail.com Nous pourrons échanger nos idées, même divergentes, tout en restant courtois.
Ce dernier édito de l’année 2013 clôture cette nouvelle expérience qui, nous l’espérons, vous a intéressés. Souhaitons que le ciel s’éclaircisse pour la temporada 2014 et que nous puissions vivre ensemble de grands moments à travers la passion qui nous unit.
P.S. Les « Figuras Réunies… » Morante, Juli, Manzanares, Perera et Talavante viennent d’adresser une lettre aux Maestrantes de Sevilla pour les informer qu’ils se refusent à négocier avec Canorea (Empresa Pagés), actuel empresario de la Real Maestranza, pour leur participation à la Feria 2014. Ils confirment qu’ils n’ont rien compris (?) à la situation.
Si nous ne connaissons pas les détails des litiges, nous pensons que cela concerne la possible baisse de leurs rémunérations. Nous estimons ce chantage inacceptable de la part de ces toreros qui ne savent s’unir que pour défendre leurs propres intérêts financiers. Question : leurs apoderados approuvent-ils cette manœuvre ?
A SUIVRE…
Le responsable de rédaction, Francis ANDREU
Edito n° 9 – Décembre 2013