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POURTANT, NOS PRÉDÉCESSEURS ONT LUTTÉ…
Si notre pays n’a pas connu de conflit majeur traumatisant sur le territoire métropolitain depuis 1945, tout ne s’est pas passé sans vagues ni dégâts, tant au niveau social que dans les guerres des colonies et plus particulièrement celle d’Algérie qui vit arriver chez nous, dans des conditions douloureuses, de nombreux compatriotes. Par contre, la lente baisse de l’influence de notre ville dans la région a commencé :
– par l’impossibilité de maintenir une activité industrielle motrice, comme l’ont pu être les Ets Fouga ;
– après une longue crise viticole, par la destruction obligatoire et les arrachages massifs subventionnés des années 80. Nous ne pouvons nier que 30 ans après, la production vinicole régionale connaît une évolution qualitative positive, mais à quel prix pour la valeur moyenne du foncier agricole : jachères, cultures inadaptées non valorisables. Certains ont toujours pensé qu’il y avait autre chose à faire mais nos politiques et les technocrates de Bruxelles préférèrent oublier les autres vertus agro-alimentaires du raisin et prendre des solutions malthusiennes de destruction de 50% du vignoble, comme l’avait déjà décidé au 1er siècle l’empereur romain Diocletien, qui fit arracher la moitié du vignoble du sud de la Gaule pour défendre la viticulture italienne. Déjà pour conserver des avantages acquis…
Si nous revenons aux arènes et à l’aficion, elles ont connu aussi cette longue descente… comme l’ensemble du biterrois, mais pour des raisons en partie différentes. Même si notre ville manqua de dynamisme, Ferdinand Aymé, homme de spectacles (théâtre lyrique, music-hall, tauromachie) à Nice, Fréjus, Nîmes et Béziers, n’a jamais su donner à nos arènes une image taurine adaptée à notre histoire. Les grandes figuras firent le paseo de 1946 à 1975 à Béziers, remplissant parfois mais sans ligne directrice nécessaire pour fidéliser un public attaché à ses critères. Ce fut le résultat de la collaboration avec l’empresario Javier Martinez Uranga qui montait les spectacles à sa guise, utilisant Béziers comme une annexe nîmoise, qu’ils dirigeaient également ensemble. Ils n’arrivèrent à créer ni une image, ni des dates de référence en dehors de la traditionnelle Corrida des Vendanges qui perdit petit à petit son intérêt pour disparaître en 1964. Comment faire une temporada avec une corrida en mai ou juin et uniquement une deuxième en octobre ? Avaient-ils vraiment l’objectif de consolider l’avenir de nos arènes ? Certes, durant les années 50, l’empresa présenta quelques cartels et ganaderias intéressants. Pourtant, c’est l’inconstance qui marquait nos arènes et ne pouvait fidéliser un public.
Le sommet de cette période fut le 9 mai 1959 pour la Corrida du Centenaire, où 12 000 spectateurs assistèrent un lundi à la corrida reportée de la veille à cause du très mauvais temps : Luis Miguel Dominguin, Jaime Ostos et Miguelin face aux Comte de la Corte. L’aficion biterroise démontra ce jour-là son attachement à son histoire et à son époque glorieuse qu’elle avait assimilée comme SA TRADITION.
Les années 60, malgré quelques exceptions, marquent à nouveau un déclin d’autant que l’aficion ne montre plus la même ténacité. Nos illustres prédécesseurs qui ont présidé la Fédération des Sociétés Taurines de France, alternativement pendant plusieurs années, vont se dévouer pour défendre la corrida sur le territoire national ou du moins dans les zones de tradition. Mais leur pression à Béziers sur l’empresa perdit de sa force, d’autant plus que l’unité de combat, démontrée 20 ans avant, présentait quelques fissures. Ne jetons la pierre à personne, même si certains se trompaient de combat. Brutalement, l’empresa se permit de n’organiser que 3 novilladas en 1967. Il se rendait compte que l’aficion n’avait plus d’influence. Heureusement, Jules Faigt, adjoint au maire, décida de créer la Feria de Béziers en 1968 pour relancer le commerce après les évènements de mois de mai et essayer de faire vivre la corrida à la dérive. Ferdinand Aymé ne prêtait aucune attention aux toros à Béziers. Jules Faigt, conscient que les querelles et désillusions de l’aficion avaient laissé nos arènes en quasi désuétude, en appelle à l’unité des clubs. L’Union Taurine Biterroise naît en novembre 1968, de la fusion de la Société Tauromachique et du Club Taurin.
Malgré ses échecs, Ferdinand Aymé fut maintenu à l’organisation des corridas. Son expérience pour les spectacles musicaux aux arènes ainsi que sa gestion du théâtre municipal jouèrent en sa faveur. La Feria du mois d’août progresse alors lentement et s’installe dans la temporada française sans évènements majeurs.
Deux toreros ont marqué l’aficion biterroise de 1970 à 1980 : Paco Camino et Francisco Rivera Paquirri qui remplissaient les arènes. L’Union Taurine a essayé de prendre des initiatives pour inciter Ferdinand Aymé à « booster » la temporada. En octobre 1970, le vice-président de l’UTB, Paul Semene et ses amis organiseront même une belle novillada avec picadors, avec du bétail du Marquis d’Albasserada. Le résultat fut positif, tant au niveau de la qualité des novillos que de l’équilibre financier. Malgré ce, la Feria devient poussive et ne parait pas motiver l’empresa et son partenaire espagnol, particulièrement à partir de 1975 où les lots de toros sont imprésentables et parfois invalides :
– 15 août 1975 : 6 toros de 4 ganaderias différentes,
– 17 août 1975 : 6 toros de 3 ganaderias différentes.
On appelle cela en termes taurins : Limpieza de corrales
Devant l’immobilisme de la municipalité, c’est à nouveau l’aficion qui dut intervenir pour sauver l’image de nos arènes. Max Tastavy, alors Président de l’Union Taurine, obtient de la ville en 1980, la participation d’aficionados biterrois à des postes décisionnaires au Comité d’Organisation Feria. C’est la fin de la trop longue période Aymé.
Un nouveau fonctionnement commence avec l’augmentation des spectacles taurins et une présentation irréprochable des toros marquée par le retour de Miura en 1982 et surtout l’inoubliable combat de Nimeño, Victor Mendes et Richard Milian face aux toros de Zahariche en 1983, sans oublier les Sepulveda de 1980 et de 1984 de présentation madrilène. Ce fut aussi la découverte d’un torero d’exception, Paco Ojeda, qui lors de sa présentation en France en 1982 à Béziers, éblouit l’aficion. Les aficionados de l’Union Taurine peuvent être fiers de cette période où ils participèrent activement au Comité Féria et à la régie municipale des arènes. Cette aficion put agir et défendre la qualité et la présence des toros : Miura, Sepulveda, Atanasio Fernandez, S. M. el Viti, Alvaro Domecq, Jandilla, Baltasar Iban dont on parle encore. Nous assisterons aussi en 1983, à la naissance de la Peña Oliva, très active en soutien d’Emilio, triomphateur, tant comme novillero que matador de toros. Elle anima et anime encore l’aficion locale par ses multiples facettes.
Malheureusement, comme souvent, les politiques et les décisionnaires n’aiment pas rencontrer face à eux, une organisation indépendante, structurée et donc gênante. Leur objectif à Béziers fut de diviser pour mieux régner.
– La nouvelle municipalité Barrau créa la Haute autorité à la tauromachie volontairement inefficace (près de 40 personnes), structurée pour flatter les uns et annihiler les gênants ;
– incitation à la multiplication de clubs taurins, pas toujours opérationnels et recours au clientélisme. Les arènes vont continuer à un niveau intéressant sous plusieurs directions au début, jusqu’au début des années 2000. Progressivement, elles n’ont plus eu leur impact dans le monde taurin régional. Le silence de l’aficion et des élus à la Commission taurine démontra cette incapacité à vraiment fédérer une action pour la protection de notre tradition. Il ne s’agit pas de faire une opposition systématique mais de défendre des fondamentaux et constituer une force de proposition reconnue.
Pendant ces 25 ans, je n’ai enregistré qu’une action véritable de la Commission taurine qui refusa en 1991, un lot de novillos imprésentable d’Atanasio Fernandez. Par contre, la Commission taurine resta muette ou inefficace en plusieurs circonstances. Dans sa volonté d’animer l’aficion en dehors de la Feria, l’Union Taurine dès 1983, lança les Journées Taurines et la remise de trophées aux toreros et aux ganaderos triomphateurs. Cette manifestation organisée grâce au dévouement des sociétaires, permit d’organiser un événement reconnu dans le monde taurin, tant en France qu’en Espagne, pendant plus de 10 ans. Figuras et ganaderos prestigieux ne manquèrent pas d’être là lorsqu’ils étaient honorés. Les Journées Taurines comprenaient aussi des conférences et des événements culturels. Nous n’oublierons pas les débats organisés entre les novilleros triomphateurs et les lycéens des établissements scolaires de Béziers qui réunissaient plus de 200 jeunes hispanisants au Palais des congrès et même au lycée Jean Moulin quand Jesulin de Ubrique – Tastevin d’Argent – remplit la grande salle de lycéens. Ces débats s’organisaient en collaboration avec les professeurs intéressés par cette initiative. Les temps changent… Plusieurs novilladas et tientas furent organisées aux arènes alors que l’École taurine municipale n’existait pas encore.
Malheureusement, l’Union Taurine, lassée de subir des initiatives hostiles, décida d’abandonner l’organisation des Journées Taurines, laissant à d’autres le soin de prendre le relais.
Je pense sincèrement que ce regroupement des clubs taurins fédérés, n’a pas atteint l’objectif affiché au départ. Les Journées Taurines, bien organisées, ont un effet positif, mais l’action regroupée des clubs ne doit pas se limiter à organiser une fête. Elle doit être force de proposition et d’animation autour de la corrida pour créer une synthèse intéressante, chaque club gardant son indépendance par ailleurs.
J’ai suffisamment écrit que nos arènes souffraient d’un manque d’identité et l’aficion a sa part de responsabilité. Pourtant, Béziers a la chance de connaître une période exceptionnelle avec 3 matadors de toros en activité :
– Sébastien Castella : triomphateur de la temporada européenne 2015, après plusieurs années au plus haut niveau des Figuras ;
– Les jeunes matadors de toros : Tomas et Gaëtan sont méritants. Ils essayent d’exister dans un monde difficile. Que faisons-nous en dehors de notre ami Coll ? Quel appui réel apportons-nous à ces jeunes pour leur permettre de faire leur place ? Plusieurs exemples existent dans d’autres villes et régions taurines françaises qui démontrent une autre attitude pour aider leurs toreros. Sans oublier que nous avons dans le Biterrois une ganaderia brava de qualité.
Qu’auraient fait nos prédécesseurs avec de telles opportunités ?
Avant de conclure, je ne puis que vous faire part de mes craintes pour la corrida. Un parti institutionnel espagnol majeur comme le PSOE, qui a fait son plus mauvais résultat aux dernières élections depuis des décennies, est prêt à abandonner la corrida, sur tout le territoire, par des alliances avec les Castro-Chavistes de Podemos, afin d’obtenir le pouvoir que lui ont refusé les urnes. Car ces gens-là veulent nous faire croire que la corrida est un vestige d’ancien régime qu’il faut abattre. Incroyable et préoccupant !! Il est vrai que leurs chefs sont des professionnels de la provocation. Je vous invite à y réfléchir.
Le Maître Paul Valéry a écrit en 1919, après le carnage de la guerre : « Les civilisations maintenant, nous savons que nous sommes mortelles ».
Comment faut-il l’interpréter ?
– un simple constat qui nous permette de comprendre d’où nous venons ?
– un appel vers notre civilisation à évoluer (certes) mais aussi à échapper à sa destruction totale comme les antérieures ?
Pour ma part, je préfère la seconde car la première ne sert qu’à une amère constatation sans remède.
Aficionados, reprenez-vous, nous sommes concernés !
Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Édito n° 34 – Février 2016