LE MONDE EST EN CHAMAILLE… JE REVIENS CHEZ NOUS
Je vous avais quittés après la 15ème corrida de toros de la San Isidro avec la tristesse que m’a causée le début de la principale Feria du monde. Je reconnais que quelques rayons de soleil sont venus nous apporter de meilleures sensations mais les fondamentaux du Madrid 2016 restent malheureusement les mêmes.
Comment l’empresa de Madrid peut-elle présenter deux lots de toros de la ganaderia d’Alcurrucen si différents ? Au niveau du trapio (configuration harmonieuse du toro correspondant à son encaste), la comparaison entre les toros du 20 mai avec El Juli et Castella et le 24 mai avec Urdiales, David Mora et Roca Rey était criarde. Heureusement pour la justice (pas pour les spectateurs), ce sont les toros du 24 mai, plus imposants et harmonieux que ceux des Figuras, qui ont eu le meilleur comportement dans le ruedo : bravoure et combativité. Comme quoi… Cela a permis à David Mora qui revenait à Madrid 2 ans après sa grave blessure, de triompher avec beaucoup d’émotion en coupant les 2 oreilles du magnifique 2ème Alcurrucen, Malagueño, qui fut honoré du mouchoir bleu de la Vuelta al Ruedo. Je pense que David Mora aurait pu créer une autre œuvre d’art devant ce grand Alcurrucen mais le public, comme le Président, s’est laissé entraîner par l’émotion des circonstances du combat et la grande estocade de Mora. Le public n’eut pas la même attention le même jour vis-à-vis d’Andrès Roca Rey qui méritait une oreille. Ils n’ont pas voulu le voir ? J’ajouterai dans mes satisfecit la casta de l’ensemble du lot de toros de Baltasar Iban qui s’est imposé à ses 3 valeureux adversaires, même si l’admirable Camarin a permis à Alberto Aguilar de couper une oreille méritoire. Il semble que l’apport récent de sementales de Pedraza de Yeltes ait apporté plus de trapio aux toros d’El Escorial, sans toucher au tempérament typique de l’encaste créée par Don Baltasar Iban en 1957 après le croisement des origines Contreras et Guateles. Il est vrai que la tendance actuelle du trapio des plazas de 1ère catégorie nous privait de ces toros madrilènes que nous avons eu la chance de voir souvent en France, pour notre bonheur, dans des arènes moins prestigieuses depuis le début des années 2000 (Aignan en 2011 et 2012). Les Biterrois ne doivent pas oublier que ces toros ont triomphé dans nos arènes : Richard Milian a coupé le dernier rabo de Béziers à un toro d’IBAN en 1987. Leur comportement notable à Vic pour Pentecôte 2016 semble confirmer qu’il faudra compter à l’avenir sur cet élevage. Enfin !
Autant j’ai apprécié les Victorino Martin dont 3 toros, sans atteindre des sommets, permettaient le succès d’Abellan et surtout du Cid qui a perdu la confiance et la maîtrise indispensables pour affronter ces toros. Pourtant ce sont eux qui l’ont fait connaître. Les années sont passées par là.
Autant les Adolfo Martin n’ont pas démontré la bravoure et la combativité habituelles. Certes Sébastien Castella a assuré une belle faena face à son adversaire mais pas dans le style que le public attendait devant cette ganaderia. Ils n’ont pas voulu le voir, certains, toujours les mêmes, l’ont même perturbé dans le déroulement d’une faena pleine de temple et d’esthétique qui manquait un peu d’émotion à cause de son Adolfo un peu fade et de l’estocade.
Ma grande satisfaction est d’avoir pu revoir dans le lot de Victoriano del Rio de la Beneficienca, 3 exemplaires de qualité alliant à leur physique traditionnel, une solidité, un comportement de toro bravo, que je ne leur connaissais plus depuis 2 ans où la mansedumbre (comportement de manso) et même la force me faisaient craindre une perte de caste inquiétante. Nous avons pu à l’occasion de cette prestigieuse corrida présidée par le « Roi Emérite » Don Juan Carlos, le comportement si versatile du public de Las Ventas qui obtint 2 oreilles (inattendues cependant pour une partie du public) en faveur de Lopez Simon, régional de l’étape puisque natif de Barajas. La très bonne estocade du jeune madrilène ne peut justifier une nouvelle fois des trophées que j’estime exagérés et peu compréhensibles devant un toro à la charge franche et infatigable. Le torero a montré, certes sa tendance de toreo vertical qui ne m’émeut pas, mais aussi un bagage insuffisant avec la cape, tant dans la brega que dans les quites. Un secteur du public très froid envers Sébastien (parfois même à nouveau désagréable) espérait déstabiliser Jose Maria Manzanares, comme ils l’ont déjà fait par le passé aussi envers lui, mais le jeune Manzana les a pris de vitesse par une magnifique réception de Dalia le 5ème Victoriano, par des véroniques magnifiques. Dès le premier quite, les chicuelinas mains basses, exceptionnelles, dignes de celles de son père, enflammèrent le grand public enthousiasmé et les autres ne purent que se taire. La faena de muleta commencée par les derechazos habituels pour templer la charge du grand toro, s’est conclue par des séries de naturelles exceptionnelles. La grande estocade a recibir ne pouvait se conclure que par la sortie triomphale de Jose Maria Manzanares qui a été déclaré unanimement triomphateur de la San Isidro, avec une mention spéciale pour le débutant Roca Rey.
Ces éclairs ne changent rien à mon analyse initiale. Ils ne font que confirmer qu’une grande partie de ces problèmes vient d’accords tacites entre l’empresa, les ganaderos, les apoderados, les veedors des figuras qui amènent à Madrid des toros inaptes et qui désespèrent l’aficion.
La temporada continue avec la présence du Maestro Jose Tomas à Alicante. Ce mano a mano avec Manzanares peut atteindre des sommets, suivant la qualité des toros présentés.
Revenons dans le Biterrois : la Feria des Novilladas de Boujan s’est déroulée avec un succès populaire intéressant malgré le très mauvais temps de samedi. Les organisateurs travaillent avec passion pour ancrer cette féria dans la tradition taurine biterroise. La persévérance peut apporter les résultats espérés. Tout en restant fidèles à leur projet, les organisateurs doivent certainement bien remater (parfaire) leurs cartels. Il est vrai que l’édition 2015 avait été particulièrement choyée au niveau des novilleros. Ma préoccupation est toujours la même : peut-on maintenir deux Ferias, juin et août, et une corrida de toros en octobre, dans la plaza de Boujan ? Peut-être si les arènes du Plateau de Valras continuent à se limiter à la Feria d’août. Quant à la Feria de Béziers, elle a été annoncée officiellement le 3 juin. Peu de commentaires qualitatifs sur les cartels. La grande majorité des toreros se justifient, même si j’aurais préféré, comme beaucoup d’aficionados, que la mixte avec Pablo Hermoso soit remplacée enfin par une corrida de toros traditionnelle, avec 3 toreros à pied au paseo. Il n’en manque pas. En ce qui concerne les toros, il est regrettable qu’à ma connaissance, aucune photo ou vidéo des exemplaires retenus n’aient été présentées à la Commission Taurine. Les visites non officielles au campo ne me paraissent pas répondre à ces critères. Quant au choix des ganaderias qui restent dans la catégorie des in, je regrette que depuis 10 ans, ce choix réservé à 5 élevages, à l’exception des Alvaro Domecq en 2014 (pour résoudre des engagements antérieurs de l’empresa, étrangers aux arènes de Béziers), soit si restrictif et enlève à l’aficion un intérêt de découvrir ou revoir.
Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Edito n° 38 – Juin 2016