Édito n°53 – Septembre 2017

LE PATRIMOINE, FONDEMENT DE NOTRE AFICION

Les 16 et 17 septembre derniers, nous avons vécu, comme partout en France et en Europe, les Journées européennes du patrimoine au cours desquelles les citoyens peuvent découvrir ou mieux encore, s’imprégner de l’histoire de la cité dans laquelle la plupart vivent sans la connaître vraiment. Les services municipaux et les associations se sont investis dans ces deux journées pour apporter aux visiteurs une meilleure vision de l’histoire et de la culture de la ville. Il était naturel que j’apporte humblement, dans une ambiance décontractée, mon expérience aux néophytes dans les visites du Musée Taurin. Leur réaction est souvent très intéressante. L’Union Taurine a pour vocation de faire vivre au mieux ses souvenirs prestigieux, en accueillant les visiteurs, notamment à cette occasion. Ils ont fait une démarche. Nous devons faire en sorte qu’elle leur soit instructive, agréable et pourquoi pas source d’intérêt pour mieux connaître la corrida dans un deuxième temps. A cette occasion, j’ai pris conscience qu’une grande partie des collections de notre musée, que je côtois depuis plusieurs dizaines d’années, est étroitement liée à l’attachement que des personnages majeurs du monde taurin ont eu avec notre ville, nos arènes et les aficionados admiratifs de leur comportement dans le ruedo et même en dehors. Il est vrai que ces collections sont actuellement mieux mises en valeur dans l’actuel Musée Taurin, aménagé grâce à la Ville, dans les magnifiques salles de l’ancienne église du couvent des Dominicains (fin XVIème) qui leur donnent une autre dimension et provoquent une meilleure visualisation qui ne peut qu’accroître mon admiration en les rattachant à nos souvenirs et à notre culture. N’oublions pas qu’avant la Révolution, cette église avait de très vastes proportions, avec un sanctuaire et 14 chapelles latérales qui arrivaient presque jusqu’à l’actuelle rue de Bonsi. En faisant le tour des habits de lumières exposés, je me suis rendu compte du cadeau exceptionnel (traje, cape de paseo, montera) que fit le Maestro Luis Mazzantini en 1899 au grand aficionado biterrois Louis Azaïs, membre fondateur de la Société Tauromachique, attaché à l’histoire de la tauromachie de notre ville. Le grand Mazzantini avait déjà toréé deux fois comme novillero à Béziers en 1882, dans les arènes en bois du quartier des abattoirs. Il avait fait alors forte impression aux biterrois. Il revint à Béziers comme matador de toros, notamment le 23 avril 1899 pour affronter, au sommet de son Art, les toros historiques de Miura, dans les arènes du Plateau de Valras inaugurées deux ans plus tôt. Quelle estime pour notre ville et ses aficionados pouvait-il ressentir pour faire un tel geste ? Ce torero connu pour sa grande considération du public, son pundonor (dignité), son attitude tant dans les ruedos que dans la vie, termina sa carrière comme Gobernador Civil (préfet) de la province de Guadalajara après une vie publique et professionnelle exemplaire. Le 15 août dernier, lors de la soirée qui clôturait la Feria 2017, Victor Mendes a participé à l’entrée officielle dans les collections du Musée Taurin d’un de ses trajes de luces. Ainsi désormais, se trouvent réunis ceux des trois héros de l’inoubliable corrida du 15 août 1983 dans nos arènes où Christian Nimeño II, Richard Milian et Victor Mendes affrontèrent les légendaires toros de Miura, notamment le fameux Mirlito meilleur toro de la Feria 1983. Ils seront tous réunis dans la même salle avec la tête naturalisée du Miura. Cette tarde mémorable restera dans nos mémoires et pourquoi pas, dans celle de nos petits-enfants comme les jumeaux César et Hugo qui à 19 mois ont joué ces samedi et dimanche dans les magnifiques salles aménagées pour accueillir les collections du musée.

Que dire de l’habit de lumières de Francisco Rivera Paquirri, qui marqua notre aficion pendant plus de 10 ans dès le début des années 70, par ses triomphes dans nos arènes qu’il a remplies plusieurs fois. Le traje vert et or du torero de Barbate est entouré de son buste réalisé par Jacques Méou, donné récemment par sa famille et le tableau endeuillé de Loren qui nous le confia pour ne pas oublier la tragédie de Pozoblanco.

Le costume bleu marine et or, regalo du maestro mexicain Fermin Rivera, figura des années 40, remis au Club Taurin (un de nos ancêtres) pour le remercier de la médaille et de la chaîne en or qu’il avait reçues pour le baptême d’un de ses enfants, est relié à un évènement majeur de nos arènes. Fermin toréa trois fois à Béziers : 1946 et deux fois en 1947 pour la reprise symbolique des corridas après la guerre. Il alterna avec ses compatriotes mexicains dont Carlos Arruza car les autorités espagnoles n’autorisaient pas encore les toreros et les toros à passer la frontière.

Au début des années 90, il m’avait déjà étonné quand je l’ai connu frêle débutant dans les capeas face aux anoubles et doublencs camarguais. Je ne sais comment remercier Sébastien Castella, premier Matador de Toros biterrois et Figura del Toreo, d’avoir offert à notre musée son habit rouge et or et plus tard, son traje goyesca (mauve à parements noirs) qui trône au milieu des eaux-fortes de la Toromaquia de Goya. Cette collection unique dans notre région remonte à l’édition de Loiselet de 1876 réalisée à partir des gravures du Maître de Fuendetodos Don Francisco Goya y Lucientes, comme dans le célèbre musée de Castres qui porte son nom.

Je regrette de ne pas avoir accompagné nos amis de l’Union Taurine, Michel, Claudine et Marie-Françoise qui ont visité récemment avec admiration, les musées goyesques de Saragosse et Fuendetodos. Ils apportent encore plus de précisions sur le personnage et l’œuvre du Maître, notamment à côté de sa maison natale en plein dans le pays Maño. Les Aragonais ne peuvent qu’honorer comme il le mérite un ancêtre historique si prestigieux. Les Biterrois peuvent être fiers de posséder, dans la magnifique salle qui leur est réservée, ces œuvres imprégnées de notre patrimoine méditerranéen et qui font l’admiration de tous les visiteurs étonnés. Les collections du Musée Taurin de Béziers contiennent d’autres trésors mythiques comme les épées des toreros Frascuelo, Luis Freg et Bombita qui font l’admiration des professionnels taurins qui les ont découvertes lors de visites. Celle de Luis Miguel Dominguin nous rappelle que le célèbre torero médiatique madrilène connecta beaucoup avec l’aficion locale qu’il honora lors de ses visites. Il sut créer des liens avec les biterrois et les biterroises qui l’accueillaient avec respect et admiration. N’oublions pas le soutien qu’il apporta, (comme il l’avait promis) à notre cher Raoulet qui fut le premier torero biterrois à tenter sa chance en Espagne. Vous comprendrez que je ne cherche pas à faire une liste exhaustive des pièces de ce patrimoine (il y en a d’autres) installées au Musée Taurin pour les magnifier. Ces collections sont en fait le résultat des liens étroits établis entre l’aficion locale, le monde taurin et les artistes qui les glorifient. C’est l’Union Taurine Biterroise qui, avec ses prédécesseurs, a l’honneur et la responsabilité depuis plus d’un siècle de les protéger et qui essaye de les conserver dans leur meilleur état. Ce sont ces liens entre les Biterrois, le culte du toro brave et l’admiration des toreros qui ont créé cette passion qui doit nous réunir au lieu de nous diviser au profit des aprovechados et même de nos adversaires déclarés.

Je vous ai souvent parlé de ces périodes néfastes qui nous ont touchés, surtout depuis la création des arènes du Plateau de Valras en 1897 et leur rénovation en 1920. Je vous ai annoncé depuis 5 ans que les jours mauvais approchaient suite à la dégradation de la qualité, de l’authenticité dans nos arènes et du manque de réaction de l’aficion jusqu’à ces derniers temps. J’ai souhaité écrire sur ce patrimoine, votre patrimoine. J’en ai moi-même évalué récemment l’importance, tant dans les faits que dans la symbolique. Restons attachés à cette histoire, c’est elle qui nous permettra d’y croire. Nous sommes de nouveau à un tournant qui demande une vraie action émanant de la base qui doit inciter les décideurs à en tenir compte. Toutes les interventions officielles récentes les appellent à agir pour rendre aux arènes, maillon indispensable de notre Feria, l’émotion indispensable et l’admiration qui sont à la base de la création de ce patrimoine qui nous fait encore rêver.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Édito n° 53 – Septembre 2017