ÉDITO JUILLET 2013

NOS COMMENTAIRES APRES LA SAN ISIDRO

Comme nous l’avions prévu dans notre édito de février, les premières ferias, tant en France qu’en Espagne, ont vu la multiplication d’encerronas (seul contre six) et de mano a mano artificiels qui pour le moment, n’ont rien apporté de positif au spectacle et à l’aficion. Nous avons déjà évoqué les raisons économiques et monopolistiques qui motivent ce type d’organisation. Les résultats ont été décevants, tant au niveau artistique qu’évènementiel malgré la médiatisation effrénée (le succès particulier de la fréquentation d’Istres et l’actuation très professionnelle de JEAN-BAPTISTE ne changent rien à l’ensemble du problème).

En dehors de justifications symboliques et émotionnelles comme pour CASTELLA dans ses arènes de Béziers en août, nous regrettons à nouveau cette évolution ajoutée à la diminution du nombre de corridas pour raison de crise économique (Séville, Murcia, Almeria, Alicante, Bayonne…). Après la feria de Séville qui a vu triompher l’inattendu Manuel ESCRIBANO, la feria de Madrid vient de mettre en valeur comme triomphateurs indiscutables  ceux qui toréent peu comme Antonio FERRERA (énorme devant les Adolfo MARTIN) et Joselito ADAME (torero mexicain le moins protégé dans son pays), sans oublier Alberto AGUILAR et le jeune PEREZ MOTA qui torée encore moins (moins de 10 corridas en 2012). Cela démontre que la solution de concentrer la temporada sur une dizaine de toreros n’est pas la bonne alors que les cartels doivent inclure la nouveauté et les opportunités offertes aux jeunes.

En même temps à Madrid, les figuras ont certes conforté leur place dans le « marché » taurin coupant 1 ou 2 oreilles grâce à leur oficio, leur professionnalisme et leurs qualités foncières rodées par leur nombre d’actuations, sans oublier leur talent. Par contre, aucune figura n’a révolutionné le monde taurin et n’a mis le coup de pied dans la fourmilière. Le seul torero parmi les figuras qui après et malgré sa blessure de Séville, a démontré qu’il était au dessus du lot, reste El JULI par son poder, sa toreria, tant devant les seuls mauvais toros de Victoriano del Rio à Nîmes, que par son extraordinaire faena devant un GARCIGRANDE dans la corrida de SAN FERNANDO à ARANJUEZ. Aveugle celui qui ne veut pas voir. Il était absent volontairement cette année de la San Isidro car, contrairement à son collègue MANZANARES, il ne voulait pas affronter les sifflets anticipés et malintentionnés d’une partie minoritaire (mais très bruyante) du public de Las Ventas. Ils n’ont comme objectif que déstabiliser certaines figuras comme l’ont déjà fait par le passé leurs ancêtres avec MANOLETE, JOSELITO, El GALLO…

Il faut noter à Madrid le 1er juin, le triomphe, inédit à un tel niveau, des banderilleros de Javier CASTAÑO : Marco GALAN, David ADALID et Fernando SANCHEZ et du piquero « TITO » SANDOVAL unis dans une vuelta al ruedo commune. Heureusement, les grandes ferias du nord de l’Espagne paraissent revenir à des solutions plus classiques tout en donnant par leurs cartels, des opportunités à la nouvelle génération (excepté ADAME absent de Bilbao). Il est vrai que la Junta Administrativa de Bilbao et la Casa de Mesirecordia de Pamplona, tout en ayant des objectifs de rentabilité, ont aussi des conceptions moins mercantiles et monopolistiques que l’association des grands groupes qui domine le système.

La corrida a toujours besoin de vraies nouveautés et de competencia qui permettent à certains de se remettre en selle et à des jeunes de se faire connaître, contrairement aux accords des oficinas qui souhaitent maintenir le statu quo ou ne faire apparaître, au gré des besoins, que ceux qui ne les perturberont pas. N’oublions pas que lorsque Paco OJEDA a triomphé et étonné l’aficion française à Béziers en 1982, il était inconnu du grand public. Il venait juste de confirmer son alternative à Madrid au mois de juillet devant les CORTIJOLIVA (quel cadeau…). Il avait déjà 28 ans.

En ce qui concerne les toros, la ganaderia qui domine ce début de temporada par sa constance dans la qualité selon tous les critères du toro bravo, est incontestablement celle de VICTORIANO DEL RIO qui s’est fait remarquer à Séville, Madrid et Nîmes (présenter 4 toros brillants sur 6 est particulièrement notable). Nous remarquerons également le comportement très intéressant du lot d’Adolfo MARTIN à Madrid, exigeant mais brave et très encasté. Dans un autre style, nous pouvons nous réjouir du comportement du lot de BOHORQUEZ à la San Isidro. Après les ganaderias du maestro CAPEA, ces ganaderos démontrent que grâce à plusieurs années de travail, le renouveau de l’encaste MURUBE, avec ses caractéristiques, n’est pas limité aux corridas de rejoneo. Les autres ganaderias se sont montrées, soit déficientes, soit trop inégales pour être remarquées.

Par contre, nous devons mentionner le lot exceptionnel de bravoure, d’embestida (avec 5 toros hors norme) de Dolorès AGUIRRE après 3 ou 4 piques. Ces toros sont sortis dans le ruedo de St-Martin de Crau avec la devise noire, portant le deuil de leur ganadera décédée 20 jours avant. A croire que ces toros savaient qu’ils devaient être supérieurs pour l’honorer. Ils l’ont été et les aficionados présents s’en souviendront longtemps.

Nous constatons avec satisfaction que certains, et non des moindres, commencent à se faire entendre pour dénoncer eux aussi ces déviations dans les cartels de ferias qui ne peuvent aboutir qu’à un déclin progressif et au désintérêt du vrai public aficionado, quel que soit son ancienneté Ce ne sont pas les effets de la communication moderne que développent actuellement les figuras pour améliorer leur image médiatique, qui pourront cacher longtemps les effets négatifs de cette évolution.

Edito n° 5