Édito n° 13 – Septembre 2025

Féria d'août

L’édito de juillet m’a permis de nous rappeler les origines du combat de l’homme face au toro sous des formes diverses, dès le VII siècle. Son évolution dans la corrida du XVIIIème avec l’homme à pied qui s’est muni d’une épée et d’une muletilla qu’il a imaginée pour l’aider à tuer le descendant de l’auroch. L’affrontement du picador à cheval muni d’une pique, au lieu de la lance des seigneurs, ajouta une dramaturgie unique au monde face à un tel animal, puissant, agressif et « armé » de cornes fortes et aigües. Comme nous la présente Alexis de Vallon en 1846 en introduction de son essai pour décrire l’état de la corrida du XIXème siècle à Madrid. Il nous rappelle son évolution qui a fait d’un « amusement » périlleux, un art véritable (Arte de Torear) qui « comme la chorégraphie ou l’escrime, ses lois, ses principes et son code » que l’on retrouve dans le livre écrit par Francisco Montes Paquiro en 1836 « La Tauromaquia Complète ». Le torero de Chiclana, Maestro de son époque, institutionnalisa la corrida moderne.

La temporada taurine 2025 est particulièrement intéressante grâce au niveau artistique d’une génération de toreros d’une qualité indéniable. Le niveau des novilleros et des jeunes matadors d’alternative récents est excellent et nous permet d’augurer un futur intéressant si les ganaderos arrivent à maintenir la bravoure du toro de combat, pour conserver à la corrida son émotion spécifique que l’homme de nos terres du Sud a découvert dans sa forme moderne à la fin du XVIIIème siècle.

N’oubliez pas que nos intellectuels français du XIXème ont découvert, éblouis, dans leurs voyages en Espagne, cet affrontement du courage de l’homme face à ce toro puissant, agressif et combatif. La corrida, certes a évolué, mais le seul but est de maintenir l’émotion. Alors que la dominante de l’épargne est la tendance des consommateurs, le retour du public dans les arènes particulièrement en Espagne et même en France. Ils sont attirés par la tauromachie de Morante de la Puebla et de toreros de qualité comme Sébastien Castella, Borja Jimenez, Emilio de Justo, Daniel Luque, Andrès Roca Rey, Toma Rufo, Manzanarès etc… et dans un autre style Fernando Adrian, Saul Fortes, Manuel Escribano sans oublier les nouveaux David de Miranda, Morenito de Aranda, Juan de Castilla…

Béziers dispose depuis 1898, grâce aux pressions des amateurs passionnés de corridas, d’un édifice monumental de plus de 10 000 places réservé aux évènements culturels divers. Il fut sauvé, après-guerre en 1920, par des mécènes amoureux de leur cité. De nombreux spectacles s’y sont déroulés depuis sa création avec en objectif premier la corrida de toros qui a besoin de cette image initiatrice pour les générations futures. Béziers doit aussi faire l’effort de maintenir des activités culturelles et sportives qui ont marqué l’histoire du Plateau de Valras.

Ceci étant, la Feria 2025 basée sur les 25 ans d’alternative de notre grand torero Sébastien Castella, que plusieurs d’entre nous ont vu s’élever dans sa passion dès ses 10 ans pour devenir progressivement un grand maestro de notre époque. Cet exemple exceptionnel vient de se confirmer par l’alternative du 4ème torero biterrois, Clemente Jaume, après Tomas Cerqueira, Cayetano Ortiz et Carlos Olsina. Les cartels de la Feria d’août étaient basés sur cet évènement et le public a répondu parfaitement malgré les températures excessives de cet été et les raisons économiques qui ont pu retenir journalièrement près de 1000 spectateurs potentiels effrayés par la chaleur des gradins au soleil. Seule la corrida du 18 août qui terminait la Feria, après la corrida de Rejones, a enregistré une baisse qui ne tenait certainement pas au cartel proposé. Le public en général, est sorti satisfait, tant du comportement des toros que des toreros, même si la présentation était « desigual ». Quelques signes de faiblesse ont été compensés par la technique impressionnante des maestros et leur engagement. Ils surent utiliser la noblesse en « décrispant » le stress des toros grâce à un temple étonnant.

Je ne vais pas rentrer dans les détails des chroniques mais je dois dire que plusieurs trophées ont été perdus parce que les toreros « a gusto » face à leur toro, ont trop allongé leur faena de qualité.

Castella, après une actuation importante face à son premier Garcigrande excellent mais épuisé à la fin d’une faena trop longue, n’a pas pu effectuer une estocade efficace qui aurait permis l’attribution de 2 oreilles méritées, pour conclure sa faena qu’il réalisa parfaitement devant son deuxième mais parfaitement toréé par Sébastien dans un style différent.

Revanchard des succès de Sébastien, Talavante coupa 2 oreilles à son second alternant, les passages de qualité que nous lui connaissons avec ses excès racoleurs actuels que je n’apprécie pas.

Carlos Olsina coupa une oreille méritoire au 6ème  toro qui, comme les autres, s’améliora dans le déroulement de la faena.

Borja Jimenez et Miguel Angel Perera eurent aussi le tort de trop allonger la faena de leur deuxième et perdirent tous les efforts réalisés dans l’excellence par un échec à l’épée alors qu’ils avaient triomphé devant leur premier. Borja ayant réalisé une très grande faena devant son premier, l’excellent « Alambisco » qui fut récompensé par la vuelta al ruedo après une pétition unanime du public, coupa les 2 oreilles méritées après une actuation importante.

Perera toujours aussi poderoso, tant avec le capote qu’avec la muleta, voulut renouveler son succès du deuxième (une oreille) mais il ne put accompagner le jeune sévillan en sortie en triomphe après cette faena dominatrice face au 5ème gâchée à l’estocade.

Castella, mal servi au sorteo, ne put renouveler ses succès des deux premières corridas face aux Garcigrande et Jandilla. Je tiens à faire remarquer que le lot de Pedraza de Yeltes, triomphateur à Béziers en 2018 et 2019 remarquable à la pique par son comportement et sa charge puissante dans les faenas, n’avait pas cette année la même présentation que leurs prédécesseurs. Par contre, en dehors des adversaires de Sébastien Castella, les toros de Miguel Angel Perera et Borja Jimenez ont permis de réaliser 4 faenas importantes qui permettaient de couper 3 oreilles pour Perera et 4 pour Borja s’ils avaient mieux géré la fin de leurs actuations devant le 5ème et le 6ème. Ce lot était certainement influencé par les croisements de ces dernières années sur une partie de la camada avec l’élevage de Baltasar Iban par échange de sementales. Le plus caractéristique de cet apport sur les Pedraza se retrouve à mes yeux dans le toro noir « Alambisco » qui confirme la bravoure du Pedraza bien affrontée par le picador Tito Sandoval, notamment sur sa très longue première pique conclue par une grande noblesse vive et encastée que Borja sut maitriser en le recevant dans sa muleta par des doblones exceptionnels, tant pour le torero que par le galop d’Alambisco. L’ensemble fut reconnu par une vuelta al ruedo de sa dépouille réclamée bruyamment par le public.

Il faut mettre en valeur le comportement de Christian Parejo dans la corrida du 15 août face aux Jandilla. Le jeune matador de toro faisait le paseo avec les Maestros Sébastien Castella et Jose Maria Manzanares avec seulement 3 corridas depuis février, malgré son excellente temporada 2024. Si Sébastien a confirmé son triomphe de la veille face à Primoroso et Talabartero, Christian à son tour sut utiliser les charges de son premier Jandilla dans une faena vibrante où son classicisme toujours croisé avec son adversaire apporta des détails andalous clôturés par des Bernardinas très serrées et immobiles dans la charge. La faena se termina par une grande estocade a volapie, en prenant tous les risques, qui eut un effet spectaculaire sur la mort du toro que vous verrez ci-jointe (2 oreilles).

Devant son second Parejo constatant la difficulté de remater parfaitement les passes, toréant de près, décida de s’éloigner et de citer 5 séries successives de face à « Zalamero » déclenchées à plus de 20 mètres. Le choix du torero lui permit d’effectuer des galops impressionnants où le torero le recevait avec le temple indispensable pour de longues séries allurées. Parejo sut amener la charge du toro pour le tuer a recibir, avec une mort spectaculaire. Il faut préciser que face à son premier « Jabonero » la pointe de la corne du toro frappa la cuisse droite de Christian qui ne montra aucune marque voyante de douleur jusqu’à la mort de son dernier toro. Il était là pour triompher. De retour à l’hôtel, il s’avéra que la cuisse droite montrait l’impact d’une cornada « envainada » (interne) qui dut être opérée par la suite par le chirurgien des arènes. C’est la marque du courage naturel du torero et de sa volonté pour sortir en triomphe des arènes avec Sébastien Castella. Christian Parejo a connu une année difficile, limitée à 4 corridas avec 2 triomphes à Aignan (3 oreilles), seul à sortir en triomphe et à Béziers (4 oreilles importantes) sans oublier son comportement à Las Ventas de Madrid reconnu par l’aficion et tous les professionnels. Une épée concluante lui aurait certainement valu une oreille.

Je suis gêné par le silence de l’empresa dans son intervention dans Midi Libre sur la tarde de Parejo le 15 août dans nos arènes face à deux compagnons de cartel, figuras del toreo. De son côté, le public enthousiasmé, a voulu confirmer son comportement et ses qualités toreras par des pétitions majeures et retentissantes après les deux faenas (4 oreilles). L’aficion et les clubs taurins ont été unanimes pour l’honorer de leurs trophées de la Feria avec Sébastien Castella. Le public est sorti satisfait des fêtes taurines 2025. Certes, les légères faiblesses des Garcigrande et le trapio desigual des Pedraza doivent être améliorés à l’avenir. Le fond de race des toros, malgré un tercio de pique imparfait, a permis aux toreros d’exprimer leurs qualités et leur charge indéniable qui les mit en valeur pour accompagner Sébastien Castella dans ses triomphes.

Je ne puis clôturer cet édito de l’été biterrois sans parler de la corrida des fêtes de Boujan ce samedi 30 août. Mundotoro a titré « Cristian Parejo triunfa en la taquilla y en el ruedo en su tarde solitaria en Boujan ». Nous pouvons nous réjouir que les organisateurs du Poulpe de Boujan aient rempli pour la première fois les gradins de cette arène. Nous pouvons les féliciter pour les soins apportés à l’organisation. Quant au spectacle, nous signalerons la bonne présentation des toros, particulièrement l’excellent Virgen Maria sorti en premier, devant lesquels Cristian démontra son envie et la personnalité torera de sa tauromachie qu’il sut conclure à l’épée (5 oreilles) après un engagement physique important.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU