Édito n° 7 – Janvier 2025

2025 ?

Nous ne sommes qu’en février et nous enregistrons déjà les nombreuses annonces de la temporada prochaine au niveau des ganaderias et même des affiches des premières grandes ferias, à l’exception de Séville où seule celle de la corrida du Dimanche de Pâques est connue : Morante de la Puebla, Talavante et Luque.

La temporada 2024 s’est terminée, à mes yeux, avec une sensation d’inachevé. Certes, la presse spécialisée nous « matraque » pour certains toreros comme les futures vedettes de la prochaine saison. Nous avons l’habitude de ces commentaires dithyrambiques qui ne sont que des déclarations publicitaires pour lancer des toreros qui doivent révolutionner le monde taurin. Rappelez-vous « il y a eu un avant, il y aura un après » et il ne torée plus. Cette presse devrait être avant tout d’information.

J’ai apprécié notamment sur Burladero, les articles documentés de notre cher Jose Carlos Arevalo sur l’importance de l’action des ganaderos dans la sélection et l’élevage du bétail bravo, sur l’évolution de la pique depuis le début du XVIIIème siècle et du rôle des banderilles sur le comportement du toro dans le troisième tiers de la corrida. C’est étonnant de clarté. C’est complet et instructif.

La temporada 2024 nous a rappelé la carrière du Maestro Enrique Ponce pour sa despedida qui s’achève en Amérique après 39 ans d’alternative. Il a marqué cette époque par son style puriste et élégant. Nous avons pu aussi apprécier l’amélioration des toros combattus, pour leur trapio, leur comportement de « brave » comme les Santiago Domecq, les Fuente Ymbro, la Palmosilla, les Victorino Martin, les Victoriano del Rio, les Margé…

Ma déception vient de l’arrêt de la temporada de Morante en juin à cause de difficultés psychiques qu’il a déjà connues par le passé. Espérons, puisqu’après son premier retour en 2005, il a retrouvé son toreo initial et l’a même dépassé après 2019.

Les actuations des jeunes Borja Jimenez et Fernando Adrian sont intéressantes. Le public a pu voir aussi les faenas traditionnelles de Luque, Roca Rey, Castella, Emilio de Justo… Je regrette les sorties trop inconstantes de Talavante. J’espère que cette prochaine saison 2025 nous permettra de revoir et de ressentir celui qui m’a apporté l’émotion et l’admiration : le torero de la Puebla nous a fait voir des moments exceptionnels dans des tardes importantes avec son répertoire où tant l’art que sa technique si personnelle confortent la tauromachie comme un évènement majeur.

Lors de sa récente intervention à l’UTB, le Maestro Zocato a déclaré que dans la dernière temporada, il n’avait rien vu de nouveau dans les faenas des maestros en activité, en l’absence de Morante. Il nous a parlé d’une tauromachie trop prévisible dans l’exécution des passes peaufinées mais trop souvent sans âme. La tauromachie demande bien sûr de la maîtrise mais aussi de la spontanéité et si possible de l’ingéniosité inventive d’une faena remarquable ou même sur un quite salvateur. Il est nécessaire que la tauromachie connaisse des leaders de ce niveau pour tirer vers le haut ses compagnons de ruedos, comme ont su et pu le faire depuis le XXème siècle Juan Belmonte, Paco Camino, Antonio Ordoñez, Luis Miguel Dominguin, Paco Ojeda, Jose Tomas… N’oublions pas Manuel Benitez El Cordobès (1969-1979) qui dans une tauromachie non orthodoxe, attirait la foule dans les arènes et devant la télévision. C’est le cinquième Calife de Cordoue après ses illustres prédécesseurs : Lagartijo, Guerrita, Machaquito et l’inoubliable Manolete.

Il faut avouer que le comportement de l’aficion n’est pas toujours respectable. Pendant les Ferias 2024, j’ai regretté le comportement des publics de la Maestranza de Séville et de Las Ventas de Madrid à l’égard d’Andrès Roca Rey. Le jeune torero péruvien a su amener, depuis son alternative, le public aux arènes, par la qualité de son toreo, ses prises de risque, son allure, sa constance et son pundonor. Son triomphe à la Plaza de Mexico de ce 3 février a conquis le public (4 oreilles et une queue) et confirme son positionnement incontestable alors qu’à la sortie de la Maestranza au printemps dernier je commentai devant ce comportement « es vergonzoso », le Maestro Roberto Dominguez à mes côtés confirma « Es una verguenza ». Il était vraiment ému pour ne pas dire écoeuré.

Cela me rappelle que l’historique Joselito « El Gallo » très troublé par l’accueil ingrat du public des arènes de Madrid en mai 1920, décida subitement de se retirer de son cartel suivant dans les mêmes arènes, pour s’engager le 16 mai à Talavera de la Reina pour affronter une corrida de la Viuda de Ortega. Le toro « Baïlador », petit et cornicorto mais « burriciego » (défaut de vue) et violent, s’élança des tables pour frapper le Maestro de Gelves d’une cornada mortelle au ventre. Ses obsèques furent de véritables funérailles nationales. Le 16 mai reste une date inoubliable dans tout le monde taurin espagnol, tant à Séville qu’à Madrid où le pasodoble « Gallito » est joué le 16 mai pour honorer celui qu’ils avaient dédaigné il y a déjà plus de 100 ans.

Si nous examinons la situation de la tauromachie en France, nous devons reconnaître l’efficacité de nos représentants ou politiques dans nos territoires du sud. Ils ont su repousser toutes les attaques qui voulaient remettre en cause officiellement les corridas. Même dans les autres pays taurins, les Tribunaux Suprêmes, Constitutionnels, Cours d’Appel et même les Parlementaires ont conforté la place de la corrida dans nos territoires. Nous l’avons constaté récemment aussi au Portugal, en Espagne et même aux Baléares. Seule la Colombie, écrasée par le comportement dictatorial de son Président Gustavo Petro avec ses anciens confrères révolutionnaires des FARC pendant la guerrilla jusqu’en 2015 et ses accointances avec les « narcos », a annoncé la suppression de la corrida à partir de 2027.

Que peut-on attendre du recours de la Justice contre la décision de ces élus aux ordres de leur chef contre l’avis de la Cour Constitutionnelle de Justice de 2018 qui protégeait les droits fondamentaux ?

L’organisation annonce une grande feria à Bogota pour 2025 pour démontrer la force de leurs traditions et du droit à les vivre. Devant le comportement inadmissible du ministre gauchiste catalan Ertasun, toutes les régions espagnoles concernées, le Sénat, et la Fondation du Toro de Lidia se sont unis pour attribuer le Prix National de la Tauromachie 2024 à égalité à :

– Albert Serra, Directeur de cinéma né à Gérone pour son film « Tardes de Soledad » qui explore l’essence de la corrida comme rite, et la figure du torero comme un authentique héros contemporain.
– la Union de Criadores de Toros de Lidia qui représente une entité fondamentale dans la préservation d’un patrimoine culturel historique et génétique unique au monde.

 En France, devant leurs échecs face à la justice et le droit, ils ont décidé d’utiliser des agressions ou pressions en tout genre. Nous constatons de plus en plus, même à Béziers, les menaces contre les personnes, les enseignants, les personnalités de la culture jusqu’aux entreprises partenaires de nos associations. Cela ne vous rappelle rien ? Pourtant ce sont les héritiers, sous d’autres couleurs, de ceux qui s’indignaient contre les attaques extrêmes que notre monde européen a pu subir dans les années 30-60 et dans certains pays d’Amérique comme l’Argentine et le Chili quelques années plus tard.

Quand je vois les pressions occultes subies par les intellectuels français, si présents avant 2000, pour ne plus montrer leur intérêt pour la corrida, ces comportements fallacieux et menaçants ne vous rappellent rien ? Ces pratiques sont inacceptables par tout vrai citoyen démocrate. Que deviendrait dans 10 à 20 ans la partie extrémiste des étudiants que nous voyons de nos jours dans certaines universités si elle se retrouve dans des postes décisionnels ? Ils adhèrent notamment au wokisme comme une partie de notre monde culturel. Heureusement, certains appellent à la vigilance contre ces dérives vers un totalitarisme militant ou « totalitarisme d’atmosphère ». Ma remise en cause du wokisme ne relève pas d’une pensée conservatrice mais de la défense de la démocratie citoyenne et de pratiques culturelles auxquelles nous adhérons historiquement. Ma crainte intègre l’avenir de la tauromachie face à l’agressivité destructrice des porteurs de cette nouvelle mouvance qui veulent lutter notamment contre les civilisations existantes depuis des siècles, comme la tauromachie.

Restons lucides et vigilants et continuons à vivre notre tradition que notre jeunesse du Sud a adoptée. Il n’y a qu’à voir le succès des écoles taurines et la présence de jeunes sur les gradins des arènes, même en Espagne. Continuons à nous défendre collectivement. C’est un problème de civilisation après des siècles d’histoire où l’homme du sud a affronté rituellement, en public, ce toro sauvage qu’il avait combattu pour sa survie depuis des millénaires.

Nous venons d’apprendre que le Conseil Municipal de Vieux-Boucau, plage landaise à quelques kilomètres de Soustons et de Dax, a décidé de supprimer la corrida du mois d’août, réinstaurée depuis 2 ans. Le Maire s’était déclaré satisfait de ce retour à la tradition de cette région, tant dans les villes que dans les villages. Il faut préciser que techniquement et financièrement, cette féria était à la charge de la peña locale et que les commentaires du Maire avaient été positifs.
L’intervention immédiate de l’UVTF pour apporter son soutien et envisager une solution, s’est vu repoussée. La raison officielle était la présence et l’odeur du sang dans les arènes. Il faut préciser qu’à ma connaissance, il n’y avait eu aucune contestation publique dans la commune. C’est une adjointe au Maire, nouvelle résidente à Vieux-Boucau, qui avait pris cette initiative acceptée par le Maire et sa majorité. Cette affaire regrettable me suggère deux commentaires :

– Est-ce une nouvelle histoire du chant du coq qui réveille ou du tas de fumier refusés par les nouveaux habitants ? Ce serait ridicule. Je ne puis y croire.

– Est-ce le résultat de pressions, menaces ou incitations venant des anticorridas, animalistes, végans ?

Je pencherais plutôt pour la seconde option. Je rédigeai cet édito lorsque cette décision a été dévoilée. L’UVTF, devant la réponse confirmée du Maire, a immédiatement pris la décision de radier Vieux-Boucau de l’association des villes taurines d’autant plus que les Landes est la zone la plus organisatrice de France. Les organisateurs et l’UVTF espèrent que de prochaines échéances permettront d’annuler cette décision.

Je souhaite une grande temporada 2025 à tous les aficionados biterrois, sans oublier nos amis des autres régions de France, Espagnols et Latino-américains qui doivent se considérer comme une grande famille pour lutter face aux diverses initiatives de ces « influenceuses »
dont les objectifs ne sont pas toujours aussi sincères et avouables qu’elles veulent le faire croire.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU