ABC DE SEVILLA du 2 mai 2025 – FOTO DE JUAN FLORES
EL TORO ES LOCURA Y MORANTE SU PROFETA
Ainsi a titré la presse sévillane après la corrida du 1 er mai à la Maestranza où le torero de la Puebla del Rio affrontait sa deuxième vraie corrida de la temporada face aux toros de Domingo Hernandez. Il était accompagné par les nouveaux prodiges de la tauromachie sévillane, Pablo Aguado et Juan Ortega.
Les partisans de ces deux espoirs majeurs de l’aficion locale attendaient avec conviction, notamment le groupe surnommé « Orteganeta », pour voir le nouvel artiste balayer les espérances du public sur le retour de Morante. Il est vrai qu’ils adorent le pouvoir millimétré des magnifiques véroniques lentes du nouvel enfant chéri de la Maestranza.
Quant à moi, déçu de l’absence de la temporada de Morante stoppée en juin 2024 par des ennuis psychiques, j’espérais le voir revivre ses sensations pour nous rendre les moments exceptionnels qu’il avait retrouvés en 2005, dépassés par son évolution si personnelle depuis 2019.
Le Maestro Zocato, lors de sa venue à l’UTB, déclara que la tauromachie trop prévisible dans l’exécution des « passes peaufinées mais sans âme », l’avait déçu trop souvent en 2024.
Comme lui, j’ai regretté que cette maîtrise manque de spontanéité, surtout lorsque le toro, par sa bravoure initiale et sa noblesse, peut permettre au torero de se relâcher pour des séries longues et ralenties. Le torero peut obtenir et utiliser la lenteur si le toro le permet, mais le temple d’une charge vive est plus à mon goût, plus éblouissant quand le torero arrive à le réaliser et qu’il transmet une sensation exceptionnelle à l’aficionado.
J’ai décidé de ne plus faire les voyages qui me permettaient de voir des férias entières en France, en Espagne et même en Amérique du Sud. Je préfère maintenant choisir les cartels d’après mes affinités avec les lieux, les toreros, la plaza de toros… Je me contente de compléter mes informations et les images par internet et la télévision.
Nous avons donc choisi d’aller à Séville voir les corridas, en résidant à Gerena du 1 er au 6 mai (sans la course du rejoneo), qui prévoyaient notamment Morante, Manuel Escribano, Perera, Borja Jimenez… et les toros de Victorino Martin et Santi Domecq.
Cette corrida de Morante face aux Domingo Hernandez m’a permis de reprendre espoir sur la possibilité du Maestro de revenir à son niveau, dans son style si personnel. Chaleureusement accueilli pour son retour, la corrida de Pâques lui avait permis de montrer son toreo de cape étincelant. Très concentré au paseo de la corrida du 1 er mai, il confirme dès le début des passes de réception à son deuxième. Il réalisa une série de véroniques où sa facilité relâchée paraissait irréelle. Sur la conclusion d’une série, le toro accrocha la cape sur la fin de la passe. Morante exécuta spontanément une « larga » suivie de plusieurs magnifiques « lances », à une main, gagnant vers les tercios conclus par son classique molinete s’enroulant dans le capote.
La Maestranza rugit debout devant cette réplique inattendue et géniale où le torero montrait discrètement sa joie de retrouver ses sensations. Avec la muleta, il conduit le toro vers le centre. Ses passes lui permirent de nous le montrer relâché malgré le comportement du toro de Salamanque. Morante « trago » (accepta) les charges « coladas » (colées) de son adversaire qui venaient se serrer à lui, Morante, sentant sa capacité à le résoudre devant le public conquis. Il se prépara lentement pour son estocade et se lança derrière son épée pour une entière au point de prendre la pointe de la corne droite dans le « pecho » heureusement protégé par la coque de la chaquetilla. Ce fut un délire et l’attribution de 2 oreilles. Emu aux larmes, il récupéra ses trophées des mains de l’alguazil avant sa vuelta al ruedo lente et très fêtée par le public. C’était le succès tant attendu, « 2 oreilles » triomphales et émouvantes.
Le journal ABC dans son édition de Séville a présenté en couverture une de ses largas si personnelle et rare par les temps qui courent et titra dans celle période pontificale « Habemus Morante.
Il se confirme comme génie du toreo ». Ces largas étaient utilisées notamment fin XIXème et début XXème, tenant compte du tempérament violent des toros et de l’absence de protection des chevaux de picadors. Elles ont permis aux toreros majestueux de l’époque, comme Joselito El Gallo, de réaliser des gestes salvateurs efficaces et brillants.
Morante a continué la Feria par une très bonne tarde face aux Garcia Jimenez, pleine de son expression artistique et maîtrisée. Il coupa une oreille, comme Manzanares, très appliqué et engagé à l’épée. Jose Mari savait qu’il devait faire face au Maestro de la Puebla après son triomphe du jeudi.
Au contraire, Talavante m’a déçu malgré l’oreille attribuée surtout pour un grand coup d’épée. Cette faena sans « ligazon » (lien), avec des gestes par moment esthétiques mélangés à des phases brouillonnes indignes de ses actuations passées, sans oublier les « rodillasos » pour appâter le public du soleil avant l’estocade. Je ne suis pas contre la tauromachie à genoux quand elle est faite avec distinction et maîtrise.
Il faut noter le samedi la grande journée de Manuel Escribano face aux Victorino Martin. Il aurait pu sortir en triomphe par la Porte du Prince s’il n’avait pas pinché l’estocade de son premier. Son excellente actuation au second, dans tous les tercios, lui permit de couper 2 oreilles demandées par la Maestranza unanime. ABC titra le lendemain « Un torero de Sevilla a la puerta de ser Principe ».
Le 6 mai, la corrida de Santi Domecq attendue par les aficionados pour la qualité remarquable de ses toros depuis ces trois dernières années m’a plutôt déçu à l’exception du deuxième « Anarquico » torée par Perera qui sut entraîner dans sa puissante muleta la charge exigeante du « Santi ». Malgré sa grande estocade, plusieurs échecs au descabello lui ont fait perdre les 2 oreilles attendues. Le Président attribua la « vuelta al ruedo » au toro pour sa bravoure et ses charges dans une faena continue que le torero qui reçut une vibrante ovation, ne sut conclure à l’épée. Il faut noter que le dimanche 11 mai à Madrid, j’ai pu voir sur internet l’impressionnante faena de Perera face à son deuxième sobrero de Chamaco à qui le torero ne put mettre un point final à l’épée.
Je dois mentionner à Séville le bon niveau de Roca Rey qui coupa notamment 2 oreilles à un Victoriano del Rio et surtout le retour de Pepe Moral qui avait disparu des cartels européens. Il coupa 2 oreilles méritées face aux Miura plutôt décevants dans la corrida que nous avons vue à notre retour sur Canal Sur le dimanche de clôture.
Les Ferias montrent des lots disparates, tant dans le physique que dans le comportement. Cela est peut-être dû aux complications des « reconocimientos » des vétérinaires. Doit-on les considérer comme une conséquence des conditions atmosphériques que connaît l’Espagne depuis plusieurs mois avec une herbe excessive ? Nous avons pu constater dans notre voyage en voiture, notamment pour le retour par Merida et Madrid, que le campo magnifiquement vert est trop souvent caché, dans des zones agricoles, par des gigantesques champs abominables de panneaux photovoltaïques qui n’ont pas empêché la panne qui a privé d’électricité toute l’Espagne le 28 avril dernier à partir de 12 H 30 et pendant près de 24 H.
L’importance excessive accordée aux énergies renouvelables (photovoltaïque et éolien) serait à l’origine de cet incident sans précédent. Heureusement, l’approvisionnement de secours de l’électricité en provenance du nucléaire français a permis de remettre l’Espagne en marche.
Je viens de voir par internet ce matin le résumé de la corrida des Pedraza de Yeltes à Las Ventas. Le 6 ème toro du nom de Brigadier (675 kg) laissera un grand souvenir au public. Le jeune mexicain Isaac Fonseca, très motivé, sut profiter de la charge puissante et franche du toro pour une faena de muleta méritoire. Il sut recevoir, conduire et soumettre ce magnifique exemplaire de Pedraza. Son estocade engagée au deuxième essai lui a valu une oreille.
Je me devais de mettre en valeur, pour conclure, le comportement de ce « couple » toro-torero. Ils ont fait honneur à la tauromachie, sans oublier le ganadero.
Le responsable de rédaction : Francis ANDREU
