Édito n°8 – Novembre 2013

TOUT DÉPEND DE NOUS !

Ainsi titre Hugues Bousquet dans « LO TAURE ROGE » d’octobre 2013. Cette exclamation rejoint la conclusion de notre dernier édito (n°7). Il s’adresse effectivement à l’aficion qui, comme nous le pensons aussi, a sa part de responsabilité dans la situation actuelle du monde taurin. Nous lui laisserons la responsabilité de motiver les aficionados face aux « anti » et aux « animalistes » bien pensants, mais nous ne pouvons que le soutenir. Son analyse est très juste et son rappel du danger (voir Rodilhan) que représente pour notre « tradition » et notre « passion » du TORO BRAVO, est réaliste. Il ne faut pas minimiser, même s’ils ne sont qu’une minorité, le comportement de ces individus et de ces groupuscules activistes, caractérisés par l’intimidation ainsi que leur obscurantisme malheureusement appuyé parfois par la presse régionale (?) (un comble !).

Nous choisirons de cibler notre analyse sur le comportement des aficionados avant, pendant et après la corrida, car ils jouent un rôle important dans son évolution actuelle qui nous préoccupe. Nous commencerons par les « fondamentaux » :
– Bravoure et embestida du toro
– Courage, technique et expression artistique du torero.
Il faut savoir les apprécier dans leur ensemble et leur complexité. Les divergences entre les « TORISTES » et les « TORERISTES » (notre édito de mars 2013), existent depuis longtemps, surtout depuis l’apparition de la tauromachie « moderne » et des toreros historiques dans cette évolution : Juan Belmonte et Joselito « El Gallo », même si les deux maestros avaient une grande amitié que la rivalité de leurs partisans ne put rompre… Nous regrettons que, depuis quelques années, ces différences de goût compréhensibles, se soient « extrémisées », surtout par des prises de position regrettables de certains toristes qui ont jeté des anathèmes et émis des critiques extrêmes pleines de préjugés. Ils se manifestent aussi par des vociférations dans les gradins qui troublent la lidia et la faena, dans un but inavoué d’être protagonistes. Nous avons constaté heureusement en France, ces derniers temps, que certains maîtres à penser de ce courant se sont rendus compte que les extrêmes, comme dans tous les secteurs de la société, desservent la cause qu’ils veulent ou qu’ils sont sensés défendre. Surtout que dans ce cas, ils ne sont pas toujours les plus connaisseurs ou les « mas entendidos », même s’ils sont parfois de bonne foi.

Arrêtons ces querelles stériles, même si certains y trouvent leur plaisir et leur raison d’être. Cela ne peut que nous desservir. Le bon aficionado doit, en premier, savoir apprécier le comportement du toro brave, pendant toute la durée de son combat dans le ruedo, soit pendant les 3 « tercios ». Le toro doit d’abord « délivrer » son agressivité première, démontrer son « alegria » et son galop pour répondre aux cites des banderilleros et ensuite aux sollicitations dominatrices et déterminées du torero avec la muleta, par des charges puissantes et « franches » (ce qui ne veut pas dire naïves et sans race), pendant 10 minutes.

En effet, le public aficionado, au sens large, demande cette « longue » faena plus ou moins artistique, plus ou moins dominatrice, que le torero ne réussira que si ses qualités de courage, de technique et son inspiration lui permettent de se mettre en valeur, mais aussi si le toro accepte de combattre jusqu’à la « fin ».

Pour arriver à cette « quintessence », l’aficionado devrait savoir, ou comprendre, que le Tercio de Piques s’il peut nous permettre d’admirer la puissance et la combativité du toro bravo en répondant à « l’appel » du piquero, n’est pas une fin en soi. Certes la « pique » est un moment spectaculaire, émotionnant et émouvant qui peut démontrer la capacité de combattre cet animal hors norme qui « dépasse » le rationnel et que nous admirons. Mais l’aficionado ne doit pas oublier que la pique n’est, à l’origine, qu’un « moyen » pour permettre au torero de faire avec sa muleta une faena efficace mais aussi si possible artistique, pour préparer une estocade franche et efficace. Si un toro qui a pris 3 piques, même spectaculaires, en venant de plus de 10 mètres avec volonté et puissance, s’arrête par la suite, se défend sur place incapable de charger et de répondre aux cites du torero et parfois de ne plus s’intéresser au combat, il y a une erreur quelque part. Qui est responsable ? Le Ganadero, le Torero, le Président, la Presse spécialisée, l’Aficionado ?
Tous sont responsables.
– Oui bien sûr, le Ganadero est responsable, prisonnier entre les exigences des professionnels, les goûts du grand public et de l’aficion. Il a « loupé » sa sélection, ses croisements et ses toros ne vont plus « a mas » durant la faena.
– Oui, le Torero est responsable car ses exigences ont perturbé la « sélection » du toro bravo et sa cuadrilla n’a pas su mener la lidia.
– Oui, le Président peut être responsable lui aussi s’il n’a pas su doser le tercio de piques, figé droit dans ses bottes !
– Oui, la presse taurine n’informe pas bien et même désinforme le public. Nous avons actuellement plus de glamour, de « sensationnel » que de « fondamentaux », notamment sur internet sans oublier les pages de la presse écrite remplies de rédactionnels taurins, plus publicitaires qu’informatifs.
– Oui, l’aficionado a aussi sa part de responsabilité dans l’évolution du monde taurin actuel :

  • il demande des faenas de 40, 50 passes devant des toros qui en permettent 15 ;
  • il demande (ou accepte) des faenas standardisées des figuras, quel que soit l’adversaire affronté, sans valoriser la difficulté de certains toros ;
  • il n’exige pas, notamment pour les cartels de figuras en France, une présentation des toros en adéquation avec l’importance des arènes, ce qui enlève de l’importance, de l’émotion au spectacle ;
  • il se laisse imposer des cartels standards ou des mano a mano artificiels qui ne laissent pas de place à des toreros jeunes, ambitieux qui peuvent faire évoluer un système figé, faire « bouger les lignes »…

Conséquences :
Les figuras se maintiennent entre elles dans les cartels des grandes arènes françaises ou espagnoles (1 ère et 2ème catégorie) qui se remplissent, alors que les cartels des autres corridas, trop marginali sées (à l’exception de certaines arènes spécialisées ou Las Ventas de Madrid) attirent le plus souvent un faible public.

L’aficionado, par son action auprès des empresas, de la presse spécialisée (trop conformiste), des municipalités et, en France, dans les Commissions Taurines, doit faire pression sur les responsables du système pour reconsidérer leur manière de gérer le monde taurin qui apprécie parfaitement le maintien du statu quo. Il leur permet, sur l’instant, de maintenir leur pouvoir et protéger leurs finances du moment et leur influence. Mais quid du lendemain ? Par les temps qui courent, dans une civilisation de plus en plus déstabilisée, l’aficion doit rester vigilante, ne pas perdre son temps dans des querelles stériles qui n’intéressent que des marginaux et donnent parfois des arguments à nos vrais adversaires. Elle doit se concentrer, se regrouper pour la défense des fondamentaux qui permettront à la corrida de se maintenir dans une époque difficile, tant au niveau économique qu’existentiel. La solution n’est pas dans la critique systématique, car la corrida est un spectacle difficile, avec des imprévus et des impondérables qui ne sont pas maîtrisables. Ce n’est pas une « science exacte ». Pour autant, il ne faut pas accepter ce qui dès le départ est basé sur des critères inacceptables, qui ne conviennent qu’à ceux qui en profitent.

L’aficion et surtout ses représentants ou ses porte-parole ne doivent pas se laisser endormir par des « faveurs » faciles qui ne coûtent rien à ceux qui les « distribuent » mais qui profitent ensuite de leur « passivité » pour conforter leur pouvoir et maintenir le système. Plus l’aficion se réunit pour défendre ses valeurs et notre tradition, plus elle sera forte pour repousser ceux qui veulent les détruire ou ceux qui veulent profiter de la situation.

Nos adversaires, quels qu’ils soient, savent que c’est dans nos divisions qu’ils trouveront leur force. Les exemples dans le monde taurin français sont multiples et vérifiables. Certains ont su très bien le faire, avec des effets malheureusement négatifs pour l’aficion. Il ne s’agit pas de tout « fondre dans un même moule » mais de conserver la lucidité indispensable pour défendre nos fondamentaux. Car les détenteurs du pouvoir savent parfaitement flatter les « ego » pour mieux les utiliser sans qu’ils s’en rendent compte. De même, ne tombons pas dans les extrémismes car face à nous, nous avons un mélange de courants aux motivations et tendances « philosophiques » très étranges, qui se réunissent parfois sur des objectifs plus ou moins avouables. L’HISTOIRE se renouvelle.

L’aficion doit pouvoir vivre sa passion basée sur des goûts différents, mais doit savoir se réunir sur des idées fortes qui sont l’essence même de notre raison d’être « aficionados ».

Edito n° 8 – Novembre 2013