Édito – Novembre 2020

VA PENSERO SULL ALLI DORATE
VA PENSÉE SUR TES AILES DORÉES

Si ce n’est avec les miens et les amis proches, j’ai peu d’occasions de me féliciter des temps actuels en raison de la tristesse des confinements dus à la pandémie, des menaces du terrorisme et de la vie irritante qu’imposent à la tauromachie les anti-corridas. Ils utilisent toutes les fourberies et les impostures pour nous enlever nos traditions séculaires et nous décourager. Je n’accepte plus de lire ou d’entendre leurs boniments écœurants, avec la complicité des médias prédominants. Heureusement, le Net découverte géniale, même si elle est trop souvent pervertie, me permet de voir et d’entendre des bons souvenirs musicaux de chanteurs et de compositeurs dont une majorité nous a déjà quittés. J’apprécie notamment les chants et les interprètes italiens, tant pour leurs mélodies, leurs voix, que leur langue si musicale. Dernièrement, je me suis pris à écouter plusieurs fois, avec émotion et admiration, deux complices pourtant si différents dans leur admirable tradition.

Le Maître inégalé Luciano Pavarotti a accepté plus fois l’invitation de son voisin d’Émilie-Romagne, Zucchero Fornaciari, pour chanter en duo dans des spectacles exceptionnels. Ce fut le cas lors d’évènements majeurs comme le Festival de Reggio ou dans des salles majestueuses comme le Royal Albert Hall de Londres. J’ai pu écouter le splendide Miserere et surtout Va Penserio extrait du 3ème acte de Nabucco de Giuseppe Verdi. Ce chant choral est devenu la référence de cet opéra lyrique joué pour la première fois à la Scala en 1842. Le grand compositeur milanais s’est inspiré du psaume 137 de la Bible qui relate la vie et les souffrances des hébreux exilés en esclavage après leur défaite face à Nabuchodonosor, roi de Babylone (600 ans avant JC). C’est un peuple qui subi l’oppression d’une civilisation dominante, nostalgique de sa grandeur passée et qui pense à sa liberté perdue. Cette mélodie majestueuse que l’on connaît de nos jours sous le nom de Chant des Esclaves, s’adapte à la situation du peuple italien du début du 19ème siècle, avide de liberté, je dirai même d’unité. En fait, en dehors du Royaume de Savoie-Sardaigne, les territoires transalpins étaient divisés sous la coupe des autrichiens. Ce chant est devenu un symbole vers leur libération qu’ils obtinrent progressivement dans la deuxième partie du 19ème siècle appelé le mouvement de Risorgimiento (Renaissance). Dans leur intervention en duo à l’Albert Hall de Londres, le message de Verdi interprété en italien par Pavarotti, est plus nostalgique que revendicatif alors que Zucchero, chantant son texte en anglais, fait ressortir dans sa strophe, avec son intonation naturelle de rocker, la colère jusqu’à la révolte.
Dans les temps que nous vivons, j’ai pris conscience sans chercher à dramatiser, de la volonté mondialiste à nous faire perdre progressivement les traditions sudistes méditerranéennes du monde occidental. Dans mes recherches, j’ai trouvé Il Pensiero Meridiano de Franco Cassano, sociologue contemporain originaire des Pouilles au sud de la botte italienne. Cassano nous démontre que le bassin méditerranéen du sud a perdu son statut de sujet de pensée pour celui d’objet de pensée. Pour lui, il faut que le Sud affirme son droit à s’émanciper des pensées préconçues dominantes qui le confinent dans un monde subalterne et le présentent comme un monde arriéré, pour promouvoir un monde autonome. Cassano rejoint la pensée sudiste d’Albert Camus que l’on retrouve dans l’Homme Méditerranéen. Il voit une pensée de la mesure, de l’équilibre qui permet d’échapper aux extrémismes du progrès et aux fondamentalistes notamment économiques : Money is money. Cassano ne refuse pas nos défaillances et nos erreurs. Il demande simplement un rééquilibre de la pensée européenne qui sache reprendre en compte notre héritage méditerranéen et demande à nos peuples du sud de se réapproprier leur histoire et leur devenir.

Albert Camus dans l’Homme Méditerranéen, défend cette culture qui est la base de ses propres fondements. S’il n’est pas connu comme un aficionado éminent, il est évident que tant dans sa vie que dans ses écrits, il montre sa sympathie dans ses références à la corrida. On retrouve cette affinité avec la tradition des combats taurins dans une déclaration qu’il fit en 1950 : Je ne peux admettre le bannissement des (courses) de taureaux étant membre du Club Taurin de Paris.

Le prix Nobel 1957 est plus rassembleur que diviseur, contrairement à certains médias ou penseurs modernes français, comme nous le constatons dans plusieurs domaines. Alors que Verdi termine Va Pensiero par le Chant des Hébreux qui demandent au Seigneur de leur inspirer une harmonie divine qui leur donne le courage de supporter les souffrances, Albert Camus, plus volontariste, se référant à d’autres circonstances, écrivit Allons-nous accepter le désespoir sans rien faire et Cassano fait appel à la resistenza.

Je ne puis me comparer à ces personnalités du 19ème et 20ème siècle. Je me retrouve dans leur amour de la liberté et de leur attachement à leurs racines méditerranéennes et à nos traditions du sud. Je me reconnais aussi dans la confiance divine du Chant des Esclaves et j’y ajouterai mon droit à défendre mes origines que l’on peut retrouver dans l’interprétation de Zucchero. Nous devons démontrer à ces adversaires sin verguenza, qui n’ont aucune limite tant dans leurs boniments que dans leur agressivité et leur bassesse habituelles, que nous résisterons. J’approuve, malgré les imperfections et la tristesse de voir des arènes quasiment vidées par les injonctions sanitaires, les initiatives prises par les télévisions espagnoles tant par les Autonomes que par la Gira de Reconstrucion qui nous montrent en direct des corridas et des novilladas. Il était indispensable de les maintenir car si la pandémie dure, la résignation et le renoncement peuvent atteindre une partie de l’aficion. Nous pouvons perdre du monde en route.

Il sera difficile de nous réunir à nouveau dans nos associations et dans nos tertulias indispensables à la vie de notre passion. Les penseurs, les compositeurs, les interprètes précités montrent que c’est dans leur résistance dans le passé et avec des initiatives motivantes, que nous pourrons envisager de rendre à la pensée méditerranéenne son statut de sujet de pensée. Les antis, leurs penseurs font tout pour nous présenter comme un monde arriéré. La volonté et la qualité des novilleros, que certains ont pu suivre dernièrement à la télévision, prouvent que l’avenir de notre tradition taurine est vivante chez ces jeunes prêts à prendre la relève des figuras actuelles et passées. Il faut agir dès que nous le pourrons, pour les aider et démontrer notre attachement à notre tradition de la lutte magnifiée entre l’homme et le toro bravo depuis des siècles.

Chez nous, j’approuve le rôle majeur que joue l’Union des Villes Taurines Françaises (UVTF) dans cette époque difficile, pour préparer le futur, pour montrer aux autorités en place mais aussi aux professionnels taurins, qu’ils sont conséquents, motivés et représentatifs de leurs territoires. Ils n’accepteront pas que nous soyons détruits et mis en esclavage. C’est le monde méditerranéen, grec et romain, qui est à l’origine de la naissance de la démocratie, même imparfaite, alors que de nos jours nous voyons qu’ils s’en servent contre nous. Les compromis avec des groupes dont les objectifs mis en avant par les pensées dominantes du 21ème siècle sont véhiculés par les réseaux sociaux toujours aussi anonymes et leurs médias manipulateurs à la recherche des idées au goût du jour.
Montrons-leur nos valeurs, mettons-les en avant sans complexe.

Alors que Pavarotti est exceptionnel dans le chant grandiose des esclaves de Va Pensiero… Zucchero s’il pleure avec eux, nous fait comprendre par son cri qu’il faut lutter pour éviter ce monde où certains voudraient nous exiler.
Il est regrettable que l’Association Nationale des Organisateurs Taurins (ANOET), décevante dans son silence assourdissant, le soit encore plus dans cette période difficile. Ils ont autre chose à faire que d’attaquer l’empresario Jose Maria Garzon dans ses initiatives au Puerto de Santa Maria et à Cordoba pour préserver leur suprématie inactive.

Je suis conforté dans mon analyse par la déclaration de l’écrivain et journaliste José Carlos Arevalo dans son dernier ouvrage La Tauromaquia en tela de juiao (la tauromachie remise en cause).
La Tauromaquia debe de aprender a defenderse

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – édito n° 90