SÉBASTIEN : SE DESPIDE DEL TOREO !
J’ai pris connaissance le 30 septembre avec étonnement et regret, de l’annonce par un communiqué personnel de Sébastien Castella, de sa décision Je me retire du toreo. Cette information a créé un choc pour la grande majorité du monde taurin et pour les aficionados Biterrois. Cette décision est d’autant plus surprenante qu’il s’était investi dans les journées Le Sud est à Béziers du 15 août 2020 et surtout du 16 août derniers dans le Festival Caritatif organisé en faveur de l’Hôpital de Béziers et de ses soignants.
Cette tarde émouvante restera gravée dans ma mémoire et m’a rendu confiance en la possibilité pour la tauromachie de réagir chez nous face à l’adversité qui nous entoure et aux faiblesses que nous avons montrées trop souvent pour y résister. La grande majorité de l’aficion biterroise présente dans les arènes, a ressenti une émotion saine et authentique. Nous la devons en grande partie à la volonté de Sébastien Castella qui s’était mobilisé, avec ses amis toreros, pour que cette tarde soit une vraie réussite. C’était le résultat de sa détermination et de l’engagement de la Ville de Béziers et de l’Empresa. Sébastien dans son annonce n’a apporté aucune raison à sa décision inattendue. Il a remercié l’ensemble des personnes qui l’ont aidé, en mentionnant spécialement sa cuadrilla qui traverse un moment difficile, comme l’ensemble des acteurs de la tauromachie. Il a tenu à préciser ce que je sais et ce que j’ai obtenu, je le dois au monde du toro.
J’ai connu Sébastien à ses débuts de jeune débutant lors des spectacles nocturnes que j’organisais à Palavas où il toréait devant des anoubles à l’occasion des toros piscines traditionnels. C’était en 1995. Il était accompagné du regretté Claude Naquer qui m’avait parlé du fils d’André Castella, ex novillero et éleveur bien connu à Béziers. L’idée était de faire intervenir Sébastien face à un jeune mâle sélectionné par l’éleveur en complément des jeux taurins nocturnes dans le ruedo palavasien. C’était un gamin discret mais on pouvait déjà deviner sa passion de toréer. Quelques mois plus tard, lors d’une becerrada capea organisée à Portiragnes par l’Ecole Taurine Biterroise, je fus surpris de ses progrès que je trouvais étonnants pour un jeune biterrois. Plus tard, les confirmations de ses interventions au campo au Portugal, en Espagne et en France, me décidèrent d’inclure Sébastien Castella dans le cartel de sa première novillada sans picador, vêtu de lumières, avec David Fandilla (El Fandi) à Aignan dans le Gers où j’organisais l’après-midi de la corrida de Pâques 1997. Il revint à Aignan en juillet 1998, face aux novillos de Darré, accompagné du débutant du sud-ouest Julien Lescarret. Le Maestro Antonio Ordoñez, empresario des arènes de Ronda, l’avait engagé dans des novilladas de promotion en 1998 dans ce ruedo mythique. Impressionné, il lui voyait un avenir très prometteur. Après ses débuts avec picador au Mexique et le 1er mai 1999 à Aire sur Adour, le jeune Castella a franchi progressivement toutes les étapes de novillero, en France, en Espagne (vainqueur du concours de San Sebastian), sans oublier Mexico.
Sébastien a toujours réalisé une tauromachie marquée par la recherche du temple et par la pureté de son toreo, sans omettre son courage froid et sa volonté de rester quieto pour affronter le danger. Il a toujours recherché une interprétation de toreo classique en apportant plus tard une émotion supplémentaire en fin de faena, en se positionnant de plus en plus près du toro, sans oublier au début ses réceptions immobiles au centre du ruedo et ses passes de muletas cambiadas.
Dès ses débuts, il fut aidé par l’apoderamiento majeur de Robert Margé, suivi par le rôle primordial du Maestro Jose Antonio Campuzano, torero classique qui peaufina la technique et la profondeur du toreo. Alors que notre ville avait pour la première fois un torero à un niveau inespéré, il lui fallut plusieurs années pour s’imposer pleinement auprès d’une partie de l’aficion locale, sans raisons tauromachiques valables. Cela me valut pendant les premières années, même après l’alternative, des discussions passionnées, parfois virulentes, durant les tertulias ou des discussions inopinées. Il est vrai que Sébastien résidait à Séville ou en Amérique du Sud, loin de nos terres, créant peut-être des ressentis inappropriés. Le torero biterrois conservait aussi chez nous sa typique retenue vis-à-vis de l’aficion locale. Malgré ce, nous étions plusieurs à soutenir sa démarche et nous suivions avec intérêt sa progression, sa volonté et ses succès déjà dans toutes les plazas du monde grâce à sa ténacité et à son toreo esthétique, parfois même majestueux.
Après son alternative à Béziers le 12 août 2000 avec les Maîtres du toreo Enrique Ponce et Jose Tomas, Sébastien, accompagné de son nouvel apoderado Luis Alvarez et le soutien de son préparateur technique Campuzano, va entamer cette nouvelle étape de sa carrière avec la même détermination qui va lui permettre de rentrer rapidement dans le groupe des 10 premiers toreros en activité. Il avait su créer l’admiration du public français, tant dans le sud-ouest qu’à Béziers, Nîmes et même auprès des arlésiens, malgré sa concurrence avec Juan Bautista. Son impact va s’accroître en Espagne ainsi qu’aux Amériques. L’année 2006 représenta un déclic majeur avec l’attribution du prix Cossio de la Fédération Taurine espagnole en tant que meilleur Matador de Toros de la temporada. La presse française titrera le jour de la remise du trophée Pour la beauté du geste. Ce jour-là, il répondit à celui qui lui demandait si El Juli était son adversaire majeur pour l’attribution de ce titre Le seul adversaire, c’est le toro. Ce triomphe de 2006 fut conforté par l’attribution du prix Oreja de Oro décerné par tous les correspondants de Radio Nacional (RNE).
La temporada 2009 se termina par une nouvelle attribution de l’Oreja de Oro qui conforta sa place parmi les 5 premiers toreros du monde. Cette place au sommet mondial de la tauromachie fut confirmée par l’accumulation des triomphes et des récompenses dans les arènes de la planète corrida. En 2007, il remporte son triomphe historique à Béziers dans son mano a mano avec César Rincon : 5 oreilles et une queue.
Ces succès lui imposaient d’être toujours plus exigeant envers lui-même, avec ses prises de risques et les blessures comme celle de Cali avec des images impressionnantes, restant épuisé dans le ruedo jusqu’à l’estocade avec 5 fractures des côtes et une atteinte du poumon.
A partir de 2015, les succès majeurs s’accumulent : – 2015 : triomphateur et meilleure faena de la Feria de la San Isidro. Même la presse française non spécialisée, le Monde, Libération, Le Point, va mettre en valeur la place d’un torero français au plus haut niveau mondial ;
– 2016 : Sébastien Castella reçoit les prix de triomphateur et de la meilleure faena de Las Ventas attribués conjointement par le Casino de Salamanque et le Casino de Madrid ;
– 2018 : Cinquième Grande porte de sa carrière à Las Ventas confirmée par le triomphe de la Feria de Nîmes le 20 mai : 4 oreilles.
Il serait trop long de citer toutes les tardes exceptionnelles de Sébastien. Je risquerais d’en oublier. Tous ces triomphes et récompenses depuis 2006 ont certainement joué un rôle chez Sébastien pour se rapprocher de l’aficion française et surtout biterroise qui l’admirait depuis plusieurs années. Le Torero de Béziers se montra beaucoup plus à Béziers. Il confirma son attachement à sa ville natale en léguant au Musée Taurin, dans les collections de l’UTB, deux trajes magnifiques placés dans des vitrines :
– le Rose et Or installé à côté de la photo de sa sortie en triomphe de nos arènes en solitaire.
– le traje goyesque qui trône dans la salle dédiée à l’artiste aragonais Francisco Goya y Lucientes, entouré des eaux-fortes de la fameuse Tauromaquia.
Dès avril 2019, le Maestro biterrois fit part de son intention de postuler en 2021 à la direction des arènes de sa ville natale. Lors de sa venue pour la Feria 2019, il confirma officiellement cette volonté d’accéder à la gestion des corridas à Béziers après la fin du contrat de Robert Margé. C’était une décision importante et légitime qui confirmait la volonté de rapprochement de notre grand torero historique avec sa ville et ses arènes à qui il peut apporter à l’avenir des services majeurs dans l’avenir. Par ailleurs, ces derniers temps, il a pris des initiatives qui marquent sa volonté de défendre la tauromachie dans son pays face aux attaques indignes, indécentes et malheureusement politisées pour récupérer électoralement nos adversaires illuminés et même fanatiques. Je vous rappelle deux interventions majeures :
– en septembre 2019, il adresse une lettre à la Députée Aurore Bergé avec autant de respect que de colère après avoir pris connaissance de votre aberrante proposition d’interdire en France l’entrée des mineurs aux corridas. Son intervention est argumentée et il ne cache pas ses affirmations devant les intentions politiciennes de la Députée. – après sa dernière corrida à Nîmes pour la Feria, il fait un appel à tout le monde taurin sur la nécessité de se remettre en cause et de se réunir pour faire face à l’ensemble des problèmes dont il est en partie responsable.
Il avait décidé de commémorer son alternative du 12 août 2000 à Béziers en toréant les 4 corridas de la Feria 2020 et en se produisant dans le plus grand nombre d’arènes du monde. Malheureusement la Covid 19 l’a empêché de réaliser ses projets, les reportant en 2021. Depuis, nous avons appris sa décision de se retirer du toreo. Elle est ferme malgré son âge et le fort potentiel qu’il a de triompher encore. Nous devons la respecter. J’espère qu’il confirmera rapidement la décision de son projet pour nos arènes. Ses intentions paraissaient très motivées même si la temporada 2021 parait encore incertaine à cause de l’épidémie.
Je m’abstiendrai de tout autre commentaire mais, pour ma part je l’espère, en reprenant à mon compte cette citation qui correspond au personnage et à sa classe dans les ruedos : Pour la beauté du geste !!!
Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Edito n° 89 – Octobre 2020