ÉDITORIAL – JANVIER 2017

120-ans-utbMES SOUCIS… TAURINS

Je me réjouissais dans mon édito Reconquista de novembre, du résultat positif obtenu, grâce à l’Arrêté de la Cour Constitutionnelle Colombienne, pour le retour de la corrida de toros à Bogota, après 5 ans de fermeture imposée par le maire révolutionnaire repenti Gustavo Pietro. Déception : les médias internationaux de masse ont communiqué sur un simple affrontement entre les taurins et les antitaurins (il faut bien nous culpabiliser aussi) qui s’était déroulé avant et après la corrida de réouverture du 22 décembre. Malheureusement nous avons appris qu’en réalité, ces affrontements ont été de véritables agressions physiques et insultes de la part de mercenaires de l’animalisme, contre les aficionados qui allaient à la Plaza de Toros. Cette opération terroriste de rue ne s’est pas produite de façon spontanée : conjonction de revanchards politiques après leurs derniers échecs judiciaires et électifs associés à des extrémistes furieux de la perte symbolique de Bogota, reconquise légalement sans violence et menaces. Je cherche à éviter à introduire la politique dans cet édito. Je respecte trop mes amis aficionados pour exprimer ici toutes les initiatives à mélanger les genres et à introduire des théories ridicules qui ne tiennent pas à une analyse sérieuse. Cependant, on ne peut laisser tout passer…
Malgré tous ces bruits, les arènes de Bogota se remplirent avec plus de 10 000 spectateurs heureux de retrouver la corrida chez eux et enthousiastes de voir triompher Andrès Roca Rey devant ses deux adversaires, son toro d’alternative, premier de la tarde, portant symboliquement peut-être, le nom de LIBERTAD. Il faut espérer, pour que le public revienne aux arènes, parfois en famille, qu’il soit protégé des agissements de ces
nervis par les forces de sécurité.

Soyez convaincus chers amis, que si en France la situation est différente, elle est toute aussi sérieuse. Nous devons conforter, en nous appuyant sur la vraie démocratie, les lois et les voies juridiques qui protègent les citoyens, sans tomber dans l’affrontement violent où veulent nous entraîner nos adversaires. Ce sont les pouvoirs publics qui doivent faire respecter l’ordre et les décisions des tribunaux. Il est vrai cependant que la situation est moins compliquée qu’en Espagne où le système d’élections régionales et nationales à la proportionnelle est perverti par l’utilisation de certains partis ou groupuscules politiques. Il leur permet de prendre des décisions graves en faveur des antis car les tendances minoritaires cherchent à créer des majorités de circonstance, parfois contre nature, pour gouverner. Ils en arrivent à concrétiser des initiatives incohérentes, comme l’indépendance et la suppression de la corrida chez nos voisins catalans, alors que Barcelone a été pendant 150 ans une des plus grandes villes taurines du monde. Qui remplissait les arènes ? Les Catalans. Nous devons démontrer, dans un système électif majoritaire, à nos politiques gouvernants, que notre démarche est respectable et doit être respectée face aux activistes et leurs actions souvent terroristes dont nous sommes parfois les victimes. Certes, ils essaient d’avancer, cachés par le biais de plusieurs médias bien pensants qui font preuve d’un angélisme crédule déconcertant (sont-ils complices ?). De toute façon, ne se laisse tromper que celui qui le veut bien.
Il est vrai que chez nous, les défenseurs de la pensée
antispéciste, héritiers de la philosophie dominante du XXème siècle jusqu’aux années 70, après l’entracte désastreux du fascisme, ont besoin de revenir par une autre fenêtre. Le danger est de chercher à nous faire vivre tous dans le même moule et presque dans un carcan, en reniant tous nos héritages culturels pour nous fondre dans la masse. Nous devons avoir confiance, certains diraient oublier nos peurs, mais nous ne devons pas négliger cette nouvelle démarche philosopho-sociologique qui essaie de revenir à ses origines sous une autre forme mais qui surtout veut détruire nos libertés. Notre rôle est de maintenir l’authenticité de nos traditions, celui de l’Etat est de les défendre contre les attaques subversives ou délirantes des extrémistes dangereux ou des penseurs loufoques.

Ce n’est pas tout. J’ai un autre souci qui, lui, vient de notre propre camp, si l’on considère qu’ils en font partie. Nous sommes témoins d’une lutte ouverte en Espagne pour le pouvoir des empresas taurines à un niveau inégalé dans l’histoire. Suite à l’entente du puissant mexicain Antonio Bailleres et la Casa Chopera, la de Manolo (Oscar y Pablo), nous venons de voir apparaître une alliance pour le moins inesperada : Simon Casas, Matilla, Martinez Erice (Taurodelta) et Ramon Valencia (Maestranza de Sevilla), pour l’adjudication des arènes de Malaga. Nous assistons à une véritable guerre entre ces deux groupes, notamment pour s’assurer la participation des figuras dans les projets déposés à la Diputacion, responsable de l’attribution des adjudications, selon le système habituel du monde taurin espagnol quand les plazas sont publiques. Cette situation me paraît doublement dangereuse :
– Après avoir développé beaucoup d’énergies pour obtenir la gestion des grandes arènes (quelle est la prochaine ?), les empresas gagnantes montreront-elles autant de dynamisme et d’idées géniales pour les exploiter dans l’intérêt du spectacle et donc de l’Aficion ? Combien de temps sur des contrats qui durent normalement 4 ans ?
– Quelle conséquence la constitution de ces empresas géantes (magnas) aura-t-elle sur les toreros figuras qu’elles auront entraînés dans leur système, notamment pour bloquer leur rémunération ? Tout le monde n’a pas le pouvoir qu’ont eu en leur temps Manuel Benitez El Cordobes, Paco Ojeda ou Jose Tomas… On peut craindre qu’ils deviennent des fonctionnaires de l’épée et de la muleta. Ce qui est contraire aux fondamentaux de la tauromachie et des toreros :
técnica, valor y arte, le tout poussé par la passion et l’ambition. Certes, le torero a besoin d’une certaine sécurité financière pour le tranquilliser, pour sa sérénité, mais il ne doit pas devenir un employé obéissant aux directives de son employeur (apoderado et empresa).

Vous comprenez mes soucis ?

Le responsable de rédaction : Francis ANDREUEdito n° 45