ÉDITORIAL JANVIER 2021

ON FAIT COMME SI…

Le talentueux chanteur-compositeur Calogero a écrit, sous ce titre symbolique, cette chanson en mars 2020 au début du confinement de la Covid 19. Il se joignit aux citoyens des villes qui pensèrent encourager en premier les soignants qui sont devenus les héros de cette pandémie inconnue :
Un homme chante là-bas sur un balcon
Sa voisine l’accompagne au violon…
Lorsque j’ai entendu la mélodie et les paroles, je me suis mis à penser comme lui :
On a dit aux enfants des mots qui rassurent
C’était comme une aventure…

J’ai passé ce premier confinement avec les jeux de mes petits-enfants dans la garrigue et au bord de l’étang. Nous parlions des indiens, des bisons, des loups que nous pourrions voir quand on nous rendrait la liberté ou plutôt quand la neige aurait fondu dans nos montagnes…
On fait comme si ce n’était qu’un jeu
On a fait comme si, on fait comme on peut…
Nous sommes encore comme des enfants auxquels la pandémie a fait quitter leurs jeux. Nous vivons ensemble, entourés par les peurs et frustrés par les pertes d’émotions que ne nous apporte plus ce monde qui nous entoure. Il est évident que nous ne pouvons pas vivre le temps présent avec l’intensité que chacun donne habituellement à sa vie. Malheureusement, pour certains, le but n’est plus de vivre, il est de survivre. Pendant l’été, le déconfinement et la volonté de vivre notre passion avec les nôtres, nous ont rendu en août ces deux jours du Sud est à Béziers et leurs émotions. Je savourai, heureux, dans l’amphithéâtre biterrois, accompagné de nos jumeaux qui voulaient voir Tonton Manuel dans le ruedo, alors qu’ils l’avaient déjà vu s’habiller en torero alors qu’ils n’avaient même pas 2 ans. Je n’oublierai jamais ces instants dont je me rappelle les moindres détails. Sur la lancée, malgré les incertitudes, nous sommes allés en Andalousie, au bord de la Bahia de l’embouchure du Guadalquivir. L’empresa et la télévision andalouse avaient organisé la corrida magallanica pour fêter l’anniversaire de l’arrivée à Sanlucar de Barrameda de la caravelle survivante de l’expédition autour du monde de Magellan à son point de départ le 9 septembre 1522 (1519-1522).

Certes, la distanciation imposée limitait le public à moins de 1000 spectateurs dans la plaza de Sanlucar. Mais l’ambiance était très solennelle, les décorations du ruedo spectaculaires et les deux grandes faenas de Daniel Luque face à ses Miura de près de 600 kg (4 oreilles) resteront dans les mémoires.
Plutôt que d’assister aux ferias de Nîmes et Arles, j’ai préféré revenir dans la Mancha à Ossa de Montiel, bourgade typique de la sierra d’Albacete. Il y avait une corrida organisée grâce au concours de la télévision de Castilla la Mancha avec Manuel Escribano et Esau Fernandez au cartel. J’ai pu voir la veille, le Maire et son Conseil municipal repeindre les talanqueras et aménager les gradins avec la localisation des places autorisées. Le lendemain, malgré la pluie et le vent, les spectateurs qui respectaient la distanciation sanitaire, ont participé, reconnaissants, à cette tarde insolite. Ils ont positivé, dans ce peu de sensations naturelles que nous apporte cette époque, ce que leur ont donné ces toreros venus d’Andalousie, ces toros venus de Navarre dans les terres du magnifique Parque Nacional de las Lagunas de Ruidera où l’on croise fréquemment les cerfs et les biches. Ils ont fait comme si…

Le poète nous a dit :
Et même si ce printemps s’en va
Juré, promis le monde recommencera…

Il est essentiel que nous puissions revivre ces moments pour retrouver nos racines et vider notre mémoire des peurs, de toutes les turpitudes et les bassesses du monde qui domine ce qui nous entoure. Je suis sûr que les figuras vont revenir avec des intentions, avec des motivations ravivées, tant pour eux-mêmes que pour leur public. Je suis sûr que les jeunes que l’on attend : Pablo Aguado, Juan Ortega… ou Roca Rey arrêté depuis 2 ans, sont déterminés à gagner ou à retrouver leur place.

Je sais que le surdoué Daniel Luque veut confirmer son talent sur une vraie temporada. Je sais que les plus modestes qui savent qu’ils affronteront les corridas les plus exigeantes, ont l’intention de faire face à ces toros bravos avec leur passion, leur joie et leurs illusions de revenir dans les ruedos. Je crois en eux comme je crois dans les ganaderos qui ont conservé leurs meilleurs toros pour reconquérir les plazas et j’espère les ferias. Il reste pourtant deux responsables dont tout dépend :
– les gouvernants et les laboratoires qui doivent faire profiter aux populations paralysées et prisonnières, toute leur science en oubliant leurs intérêts politiques ou mercantiles. C’est une nouvelle étape que nos populations doivent franchir grâce à leurs pouvoirs et aux magnifiques soignants ;
– les empresarios taurins qui doivent confirmer enfin par des actes, leur volonté de travailler ensemble, même concurrents, pour reconquérir nos traditions. Nous devons convaincre les pouvoirs politiques d’arrêter leurs agressions honteuses et indignes pour des motifs électoralistes.

J’espère que des personnages prestigieux de culture, d’art et de pensées comme Pablo Picasso, Garcia Lorca, Albert Camus, Henry de Montherlant, Ernest Hemingway… après nos généreux Romantiques aficionados du XIXème siècle, reviendront pour imposer le respect à ces manipulateurs. Nous n’oublions pas nos références françaises actuelles Francis Wolff et François Zumbiehl.

L’utilisation banale du terme influenceur ou influenceuse, même utilisé dans un autre domaine, démontre bien dans quelle situation se trouve la communication de nos jours. Les réseaux sociaux sont trop souvent pervertis par des objectifs méprisables ou intéressés. La situation est préoccupante et même écœurante quand on voit l’évolution des déclarations de certains personnages en vogue qui relèvent de la calomnie et de la malveillance de bas étage. Ils pontifient pour occuper le terrain, pour plaire à un public influençable. La pertinente plume d’Aliocha, a attiré mon attention par son titre Michel Onfray s’est pris les pieds dans la muleta. Effectivement, celui que l’on qualifie parfois de philosophe médiatique, devait être en manque d’inspiration et de buzz pour s’attaquer à la corrida d’une manière absurde et indigne. Il a démontré que le terme de penseur lui était attribué spécieusement car comme le déclare Aliocha, il n’a pas vraiment étudié la corrida, ses racines, ses personnages, son histoire. Il ne s’est pas rendu compte que son argumentation est déplacée, ridicule et même scandaleuse. Il cohabite en chacun de nous un cerveau de l’intelligence et un cerveau de serpent. On doit au premier les artistes, écrivains, philosophes, musiciens… au second les tortionnaires, les tueurs, les inquisiteurs, les guillotineurs et… les toreros.
Quant à ceux qui comme nous payent leur place pour assister à la corrida, il nous traite de sadiques. Je vous passe certains détails scabreux. Ce personnage, qualifié d’intellectuel, a montré que son analyse n’est qu’indignité dont l’objectif est de nuire ou de plaire à certains. Il ignore tous les personnages majeurs qui depuis le XIXème siècle se sont passionnés, sans être des sanguinaires mais plutôt des penseurs, des écrivains, des philosophes plus éminents que lui, sans parler des artistes en commençant par ceux des cavernes. Je suis déçu et même écœuré, autant par ses affirmations ridicules, que par son manque de professionnalisme, de lucidité, à moins qu’il ne remplisse un contrat qu’il doit satisfaire. Je dirai comme Alliocha, qu’il s’est pris les pieds dans le tapis et s’est ridiculisé vis-à-vis des personnes sensées. Il a cependant fait du mal pour conforter son pouvoir sur ses lecteurs habituels et sa clientèle indéfectible qui participent déjà à cette mouvance.

J’espère vous retrouver tous dans les mois prochains.
Nous devons faire, à notre niveau, ce qui nous incombe pour faire vivre nos fêtes et nos émotions autour des ruedos !
Etre si loin nous rapproche
Même pour parler de rien, du bleu du ciel
Surtout donne-moi des nouvelles
(Calogero)

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – édito n°92 janvier 2021