Édito n°62 – Juin 2018

Nous apprenons avec une infinie tristesse le décès de Francis RIVEROLA, notre Vice-Président.
L’UTB perd un des siens, un homme sur lequel elle pouvait compter et qui apportait beaucoup aux discussions de son Comité Directeur.
Ses obsèques auront lieu le vendredi 27 juillet 2018 à 14 H 30 au Pech Bleu.

Nous présentons à Marie-Claire et à toute sa famille nos plus sincères condoléances.

L’Union Taurine Biterroise

POBRE DE MI !

La Feria de San Fermin de Pamplona est connue pour ses extraordinaires et dangereux encierros des toros de la corrida combattue l’après-midi, courus par les spécialistes navarrais et parfois par des touristes étrangers inexpérimentés. Partir des corrales de la Cuesta de Santo Domingo, calle Mercador et calle de la Estafetta, ils amènent les toros et les cabestros jusqu’au ruedo de la plaza et ses corrales. Cette fête est connue aussi pour la tradition du Chupinazo le 7 juillet à midi. Le coup de canon qui déclenche le début des fêtes sur la plaza del ayutamiento et la déclaration du Maire : « Pamploneses, Pamplonesas Gora (gloire) à San Fermin ». La foule attache le foulard rouge autour du cou avec sa tenue blanche et la faja rouge. Le soir du 14 juillet, ils reviennent sur la plaza de la mairie. Après le discours traditionnel du Maire, le peuple chante « Pobre de mi, Pobre de mi, ya se ban acabando las ferias de San Fermin. Ya falta meses para las proximas San Fermines. Viva San Fermin, Gloria a San Fermin ». Les pamplonicos présents retirent leurs foulards rouges et chantent à nouveau « Pobre de mi… ». Il y a quelques semaines, le Maire actuel Joseba Asiron a déclaré publiquement (provocateur ?) « Je ne vois pas de San Fermines 100 % sans toros, mais par contre je vois, dans un moyen terme, les San Fermines sans corridas ». S’agissant de cet avenir qu’il souhaite, il faut savoir que le dit alcalde en fonction, est élu depuis 2015 sur la liste EH Bildu, face visible de Batasuna dissoute depuis 1978, d’origine indépendantiste reliée à l’ETA (récemment dissoute). En fait, c’est le plan B de Batasuna. Objectif : introduire les militants indépendantistes dans les élections démocratiques après sa dissolution.
Dès leur élection aux municipales de San Sebastian en 2011, ils ont interdit la corrida qui est revenue après l’élection du PNV en 2015. Bildu dans cette déclaration, alliée à quelques animalistes, voulut faire disparaitre la corrida comme les indépendantistes catalans, comme trace de l’hispanité. Le dit maire de Bildu a osé dire en complément « en ce qui concerne le futur, personne ne peut s’imaginer une fête basée sur la souffrance animale». Sans entrer dans la démonstration de la souffrance animale de la corrida de toros, pourrait-on rappeler à ce monsieur que ses inoubliables ancêtres de pensée originelle sont responsables de la mort violente et assassine de plus de 800 personnes depuis 1960. Les réactions à cette déclaration ont été violentes mais le ver est dans le fruit… N’
oublions pas que pour eux, la Navarre est une province basque qui doit être rattachée à l’Autonomie avec les 3 provinces existantes : l’Alava, Biscaya et Guipuscoa.« Pobre de mi… » ce n’est pas sûr que leurs descendants écoutent longtemps ce chant qui annonce tous les ans 12 mois d’attente avant les prochaines fêtes de Pamplona. Cela ne sera peut-être plus qu’un jeu symbolique où l’homme se fera poursuivre par des toros de media casta navarraise et perdra toute sa vérité, tragique peut-être, mais authentique. L’Espagne traverse une période politique compliquée où aucun partie n’a de véritable majorité (merci le vote à la proportionnelle) et les indépendantistes profitent de cette faiblesse. La corrida est devenue l’otage des partis politiques qui veulent se distinguer, plaire ou ne pas déplaire, alors que la corrida n’a rien à voir réellement avec leurs divergences. Ils préparent leurs diverses élections prochaines et se positionnent par rapport à leurs ambitions de pouvoir. C’est ainsi que le parti gauchiste de Podemos a déposé des projets de loi contre la présence de jeunes de moins de 18 ans aux corridas. C’est ridicule quand on a un minimum d’honnêteté intellectuelle. Ce projet a été repoussé à Madrid par le vote négatif du PP alors que PSOE et Ciudadanos se sont abstenus. Quel courage politique ! Albert Rivera, leader catalan de Ciudadanos au niveau national, a oublié le jour où il est sorti à hombros de la Monumental de Barcelone avec Serafin Marin en 2010. Il n’ambitionnait peut-être pas encore le pouvoir national car il fit des déclarations ce jour-là à sa sortie devant la porte, en défense des traditions. En Andalousie, PSOE et Ciudadanos n’ont pas osé s’abstenir sur le même projet en votant contre.Chez nous, le danger n’est pas le même mais les animalistes et les végans, après avoir perdu tous leurs procès et la condamnation de leurs actes violents, ont un espoir dans les déclarations du ministre bien pensant au pouvoir qui les représentent officieusement. Le véganisme est devenu « trendy » (tendance) et il est urgent que les pouvoirs publics réagissent vivement contre leurs actes violents. Ils osent parler aussi en convergence avec les mouvements féministes « des victimes des hommes ». Un récent ouvrage de Jean-Pierre Digard, Directeur de Recherche au CNRS, vous éclairera sur ces gens-là « L’animaliste est un anti humanisme ». Restons vigilants mais essayons de vivre dans nos activités journalières mais aussi dans notre passion taurine et notre admiration du toro bravo. Nous constatons malheureusement de nos jours, des apoderamientos (directs ou indirects) avec les groupes empresariales sur la temporada. Cartels et ganaderias standardisés qui permettent difficilement aux indépendants de s’exprimer. Seuls les 5 premières figuras arrivent à toréer en exigeant toros et émoluments. Les cinq figuras indépendantes : Enrique Ponce, El Juli, Perera, Castella (bien qu’apodéré par le groupe Casas) et Talavante (qui vient de quitter la Casa Matilla), ont compris qu’ils pouvaient défendre leur indépendance et leurs cachets. Ils ont tous réussi à se trouver a gusto devant un ou deux toros pour sauver leur passage à la San Isidro et leur Puerta Grande. Cayetano Rivera, apodéré par son oncle Curro Vazquez (arènes de Madrid) a démontré une personnalité intéressante malgré ses carences techniques initiales. Parmi les jeunes, nous distinguerons Octavio Chacon, torero andalou qui confirme après près de 15 ans d’alternative les qualités que nous lui connaissions à ses débuts. De même, Javier Cortes, plus jeune certes, a démontré au prix d’un engagement permanent dans le ruedo, ses qualités, sa technique et son courage qui lui ont permis d’enthousiasmer le public madrilène. Le problème est de durer pour maintenir le niveau de sa tauromachie basée sur une entrega et une authenticité permanente sans faille.

Je ne puis terminer sur l’actualité taurine sans parler de Jose Tomas. J’ai pu voir sa faena du 29 juin à Algesiras. C’est unique par les temps qui courent. Certains diront c’est le toreo à l’état pur. Marc Lavie a écrit mieux que moi : « Ensuite celle de marquer la différence avec les autres toreros… : parvenir à toréer avec autant de serré que de douceur. Prétendre naturellement à la pureté sans forcer le trait. Lier sans reculer ». Mais quand le reverrons-nous ?

A Pamplona, le premier encierro 2018 du Puerto de San Lorenzo s’est déroulé avec une cornada mal placée chez un des coureurs navarrais et quelques contusions. Dans l’arène, Ureña a reçu la première cornada et coupé une oreille. Ils chanteront « Pobre de mi ! » encore pendant quelques années mais que deviendront les San Fermines. A medio plazo comme dit le maire. La solution ne peut venir que d’un assainissement des partis politiques espagnols qui évoluent dans un magma et une incohérence insupportables pour une vraie démocratie. Les mondes aficionados français, espagnols et portugais viennent certes de s’unir officiellement pour faire face à la fois au comportement des professionnels et des pouvoirs institutionnels. En effet, il est souhaitable, je dirai même indispensable, que le comportement du monde taurin espagnol devienne cohérent et crédible face aux politiques espagnols qui n’ont pas su défendre la démocratie et l’unité qu’ils avaient enfin obtenue en 1975, suivie de la première alternance politique avec le PSOE en 1982.J’ai l’habitude de dire parfois « Pauvre Andreu ». C’est une manière de me décontracter lorsque la journée devient compliquée. Je pense que leur chant de « Pobre de mi » est beaucoup plus préoccupant. Certes, mon ami Antonio Purroy m’a confirmé son intention de se battre pour défendre son authenticité taurine à Pamplona « On se battra et on gagnera mais il ne faut pas les laisser nous manipuler ».
Nous pouvons lui faire confiance.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Édito n° 62 – Juin 2018