ÉDITORIAL – OCTOBRE 2015

HABEMUS PAPAM… AVE CESAR… LA CORRIDA COPERNICA… EL SAMOURAÏ…

Ces titres parus dans les médias taurins ces dernières semaines, sont déjà ridicules en eux-mêmes car inadaptés et ne méritent que notre pitié pour leurs auteurs tant ils sont stupides. Pourtant, ils ont été utilisés sérieusement, surtout sur des sites internet taurins censés être représentatifs. De qui se moquent-ils ?
Ces titres ont été employés pour qualifier les interventions au mois de septembre-octobre du jeune matador Alberto Lopez Simon, notamment après ses corridas et cornada d’Albacete et dernièrement, après la corrida, la blessure et le triomphe du 2 octobre à Madrid. J’ai mis en son temps mis en avant le courage et les mérites du jeune torero madrilène, surtout après la Goyesca de la Feria de la Communauté de Madrid. C’est pour moi sa meilleure performance (en anglais dans le texte), où il a démontré sa technique, son temple, sa quiétude, son courage extrême, mais sans jamais le comparer à Jose Tomas comme certains osent le dire actuellement.
Le monde taurin, aficion incluse, est tellement préoccupé par la tiédeur de la temporada qui s’achève, qu’il est prêt à trouver son sauveur dans les triomphes d’Alberto Lopez Simon, alors que pour moi, Sébastien Castella, présent et constant dans tous les
sitios claves, restera le leader incontestable de la temporada européenne (trophée Cossio 2015 – Torero triomphateur).
Je trouve ceci complètement déplacé car les triomphes du jeune madrilène ont été surévalués et surtout, bien négociés par ses mentors, sans oublier la veulerie d’une certaine presse. Je n’aime pas critiquer publiquement la technique des toreros, car je suis incapable de mettre les pieds dans un ruedo où le moindre becerro brave me mettrait en déroute. J’ai trop de respect pour cette race de toro et pour ceux qui se mettent en face. Cependant, mon expérience de 45 ans d’aficionado (je ne tiendrai pas compte de mon enfance où j’allais aux arènes de Béziers en voisin avec mes grands-parents et mes frères), me permet de me faire une opinion et surtout de comparer le style, la classe, la toreria et le courage de plusieurs maestros historiques que j’ai pu voir dans les arènes. Je ne puis concevoir que des professionnels de la communication taurine, censés avoir autant sinon plus de références que les miennes, puissent écrire de telles extravagances sans rougir de honte pour leur servilité, leur incapacité. Un figuron ? arrêtons !

J’ai vu toréer en 2015 Lopez Simon plus de dix fois, sur les gradins ou à la télévision et j’ai remarqué sa quiétude, sa capacité à enchaîner les passes, son courage, mais en aucun moment, son exécution du toreo n’a atteint le temple, la majesté, marqués du sceau de la classe des grands maestros. Je n’arrive pas, en dehors de cette goyesca précitée, à un niveau d’exécution qui ait suscité cette émotion, cet impact qui manque à ses faenas de muleta avec trop d’inégalités et encore moins avec le capote. Certes, je ne néglige pas son courage extrême, sa pugnacité à se dépasser dans les moments difficiles et même tragiques qui l’ont fait connaître du grand public espagnol à la recherche de ses anciennes idoles. Cela ressemble un peu à du populisme. Je préfère ne pas insister sur certains de ses comportements, dans et hors du ruedo, moins louables et qui tiennent plus de l’astuce que de l’authenticité. Je l’excuserai car je pense que son entourage est à l’origine de ces scories. Alberto Lopez Simon est un jeune torero très intéressant, que nous devons suivre avec attention à l’avenir, surtout s’il évolue vers une recherche de la vraie maestria, mais ne nous laissons pas entraîner par la psychose collective, spontanée ou manipulée, qui entoure ses triomphes récents.

Les Ferias de septembre n’ont pas apporté beaucoup de nouveautés ou de véritables exploits, même si chaque corrida reste un mystère qui peut nous passionner, même quand on ne s’y attend pas. Sébastien Castella a confirmé, malgré les possibilités diverses de ses adversaires, qu’il a été le torero le plus constant de la temporada, alliant une lucidité, une maîtrise, un sens artistique qu’aucun autre n’a pu maintenir, sans oublier le pundonor qui l’a toujours caractérisé. Il a préféré mettre un terme à sa temporada européenne après son impressionnante voltereta de Logroño où il a conclu par un nouveau triomphe.

Quant aux férias françaises de septembre :
– DAX : avec ses arènes de 8500 places toujours pleines, a vu le triomphe de Jose Maria Manzanares (4 oreilles), devant un public qui l’adore (il le lui rend bien) et les Cuadri ont confirmé le mauvais moment qu’ils traversent.
– ARLES : je me réjouis que la corrida goyesca de la Feria du Riz ait permis de remplir les arènes d’Arles qui ont enregistré une baisse de public inquiétante dans ses dernières temporadas. C’est peut-être l’effet de cette corrida spectacle très bien organisée, car le lendemain la corrida des Cebada Gago n’a enregistré qu’un petit quart d’arènes. On notera que la novillada piquée a enregistré moins de 1000 places payantes.
– NIMES : Outre la présentation inégale des toros, la Feria des Vendanges a été marquée par le laxisme ou l’inconsistance des Présidences. Le professionnalisme d’Enrique Ponce, de Juan Bautista et la volonté de Sébastien Castella, n’ont pu couvrir la médiocrité et la présentation des lots de toros. Il faut noter que l’Association des Jeunes Aficionados Nîmois a choisi Andrés Roca Rey comme triomphateur de la Feria des Vendanges. Il a démontré, malgré un sorteo défavorable, une maîtrise, des qualités surprenantes, sans oublier ses détails artistiques de haut niveau. Comme quoi, de jeunes aficionados sans préjugés ni compromis, ont désigné le torero qui selon leurs critères sains a montré, sans vouloir essayer de tromper le public, le plus de spontanéité, sans trucage, avec une technique étonnante à son âge, un courage (lui aussi) et un pundonor qui font honneur à son pays, à son entourage et à son préparateur Jose Antonio Campuzano.

Malheureusement, plusieurs évènements récents nous ont rappelé que notre corrida fait face à des dangers imminents, si nous réagissons trop tièdement. Ces dangers viennent (surtout en Espagne) des politiques qui sont prêts à vendre leur histoire, à la recherche de votes dans des majorités hétéroclites. La suppression de la subvention de l’Ecole Taurine de Madrid, par la nouvelle Alcadesa Manuela Carmena, correspond à quels critères ? Ne me parlez pas de faire des économies pour le budget. Ridicule ! Est-ce pour rester fidèle à ses croyances de ses origines politiques, qu’elle abandonna en 1980 devant leurs déroutes successives depuis près de 20 ans (il existe pourtant des aficionados gauchistes), ou tout simplement pour apporter des preuves de fidélité à ses colistiers ? Pourtant, elle s’était engagée à ne pas faire de frivolités. C’est MINABLE ! Si ce n’était pas si grave, cela me ferait rire.

Le fait est que pour le moment, j’ai entendu surtout la voix du Maestro Joselito qui s’est fait entendre avec force et qui s’est engagé avec détermination, à défendre l’avenir de l’Ecole car lui sait ce qu’il lui doit. Grâce à son rôle éducatif, elle a fait de lui un homme exceptionnel, qui aurait pu se perdre, adolescent, dans les méandres du Madrid des années 80. Sera-t-il suivi ? Je ne souhaite pas me mêler à un débat politico-électoraliste qui ne fait pas honneur à ceux qui le pratiquent. Je préfère faire appel à votre envie de défendre vos traditions, sans baisser les bras malgré l’intox dans laquelle nous vivons. N’ayez pas peur ! Nous devons lutter ! Notre presse régionale bien pensante (par essence !) trouve toujours un mot gentil ou compréhensif pour faire plaisir aux antis, même quand ils obtiennent des services de l’Éducation Nationale la suppression d’une fresque d’inspiration taurine réalisée il y a 8 ans dans une école nîmoise. Il s’agirait d’une œuvre enfantine inspirée par l’amphithéâtre romain et la tradition taurine et qui n’avait aucune inspiration sanguinaire. Quelle honte ! Les derniers appels de leur maître à penser pour créer un état insurrectionnel contre la corrida devrait intéresser nos politiques et notre système judiciaire sur le danger de ces gens-là qui ont compris, comme plusieurs générations de fanatiques, qu’il faut d’abord commencer à détruire les pratiques, les pensées, les œuvres artistiques de ceux qui ne pensent pas comme eux, pour gagner un jour leur bataille après avoir fait un nettoyage intellectuel. La liste est longue de ces personnages, de ces groupes qui ont voulu détruire ce qui ne correspondait pas à leurs critères, sans s’embarrasser de pudeur et de démocratie. Il y en eut de tous les bords. Il en existe encore et ceux qui osent les affronter se font critiquer ou abandonner par les bien pensants, adeptes de la liberté d’expression, qui petit à petit se feront bouffer eux-mêmes.

Avant de nous quitter, je tiens à vous parler d’un homme libre, d’un aficionado exceptionnel, malheureusement disparu subitement en 1993 après avoir terminé son livre « Histoire des Arènes de Bayonne » et auteur du magnifique texte que vous trouverez ci-dessous et que je vous demande de lire attentivement. L’Union Taurine Biterroise avait invité Claude Pelletier pour participer aux 4èmes Journées Taurines en 1986 pour nous faire partager le particularisme de l’aficion du nord de l’Espagne (Navarrais et Basques) et de son sud-ouest. C’était un aficionado passionné qui ne supportait pas les dictats, au point qu’il osa abandonner la revue taurine culte « Toros » parce que la rédaction voulait lui imposer de ne plus collaborer avec une revue concurrente du sud-ouest. Pourtant, sur le fond, sa vision sur la tauromachie coïncidait avec celle de la célèbre revue nîmoise. Il voulait vivre libre son aficion, avec passion et sans contraintes d’ayatollahs qui « l’emmerdaient ». Mort subitement, il n’a pas eu le temps de nous dire « adicias « . Je vous propose de lire ce texte. Vous comprendrez beaucoup de choses sur l’HUMANITÉ.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Edito n° 30 – Octobre 2015

« Si par quelque hasard miraculeux, vous parvient un jour le vestige de cette tauromachie – pour vous, sans doute, révolue – et si, par quelque prodige d’humanisme préservé – c’est-à-dire d’affectueuse curiosité pour l’humain – vous vient encore la fantaisie de vous interroger, sur nous, et sur notre absurde passion « barbare », sachez que nous n’avons rien à dire pour nous expliquer !
Encore moins pour nous défendre !
Pensez de nous ce que vous voudrez.
Nous étions des hommes simples, frustes et de peu d’instruction.
Il nous suffisait de fermer les yeux pour voir tant de visages disparus – qu’on a aimés trop tard – de lieux perdus et de bonheurs finis…
Cela nous faisait tant de bien !
Je le répète : nous étions simples !
C’est pourquoi nous nous sommes crus heureux…
Et, franchement, nous l’avons été !
Par exemple, à travers cette tauromachie !
Nous y avons – pardonnez-nous l’outrance – célébré l’exaltation de l’homme au-dessus de son précaire et douloureux destin.
Voilà qui vous paraît sans doute excessif, étranger et même ridicule.
Mais, à notre époque, nous avions besoin de croire l’homme capable de courage, d’intelligence et de beauté. D’y croire fort !
Cela nous rassurait pour vous, notre avenir lointain.
J’espère que ces valeurs sont si universelles pour vous qu’elles n’ont plus besoin d’être démontrées.
Mais si, pour finir, quelque chose en nous vous paraît encore obscur, remontez quelques siècles de plus.
Ecoutez Villon, comme nous :
« Frères humains qui après nous vivrez… »
Il vous expliquera !
Ce n’était pas un aficionado, mais il était si près de nous ! »

Claude PELLETIER – 1993