éditorial novembre 2017

TEMPORADA DE TRANSITION ?

Le danger est toujours présent dans le ruedo comme malheureusement nous le rappelle la mort tragique d’Ivan Fandiño. Cependant, je considère que 2017 s’achève dans une ambiance tiède, où les grands moments ont été trop rares, malgré ce que peut écrire une certaine presse qui vit du système. Certains titres sont risibles (toujours pour les mêmes !). Trois causes à mes yeux :
– l’absence d’un torero puissant et novateur qui bouscule le monde de la tauromachie, toreros et empresas,
– le fonctionnement des groupes d’empresas qui cherchent à s’autogérer en utilisant la carrière des toreros à leur guise, notamment au niveau des cartels, fermant leurs portes à ceux qui ne sont pas du système,
– le rôle néfaste de certains chroniqueurs taurins ou groupes de presse, qui cumulent avec la fonction de service de communication.

Le torero qui a marqué la temporada par sa constance, sa maitrise, son ambition de revenir au premier plan, après son arrêt de plus d’un an suite à sa blessure, a été Antonio Ferrera, au moins durant une grande partie de la saison. Dans un monde taurin ficelé par les empresas, le peloton des figuras a fonctionné alternativement, sans competencia, au gré des toros qu’ils affrontaient, de leur technique éprouvée qui leur permettait de briller ou plutôt trop souvent, de simplement respecter leur contrat. En fin de temporada, Talavante et surtout Perera sont sortis de leur torpeur pour retrouver leur sitio (peut-être leur envie) ou leur équilibre émotionnel. Enrique Ponce, dans son style magistral et sa technique, a réalisé quelques tardes intéressantes qui lui ont valu les louanges dithyrambiques de ses partidarios. Sébastien, toujours sérieux et maîtrisant la situation, m’a paru cependant manquer de sa sérénité habituelle, perturbé certainement tant par ses difficultés de remater ses bonnes tardes avec l’épée que par ses soucis d’apoderamiento. Morante de la Puebla a décidé de se retirer mais on prévoit déjà son retour en 2018. Heureusement, nous avons pu voir la nouvelle génération qui veut se positionner en tête de l’escalafon. En premier lieu, bien entendu, Roca Rey qui après son alternative, a démontré en 2016 une technique, une volonté et une assurance étonnantes pour son âge. Malheureusement il a pris de nombreuses volteretas impressionnantes dues à ses prises de risques qui peuvent mettre en danger la continuité de sa carrière. Tout en continuant avec son style et sa détermination, je pense que son entourage l’a poussé à se montrer moins suicidaire, à assoir sa maîtrise, avant je l’espère de passer à une nouvelle étape en 2018.
Ginès Marin qui ne m’avait pas convaincu dans sa carrière de novillero, a réalisé une bonne temporada, un peu trop élogieuse dans certains cas. Nous en avons connu d’autres…

Il faut saluer la temporada de Paco Ureña, Roman, Juan del Alamo… Manuel Escribano, grâce à des efforts surhumains, a récupéré ses capacités physiques et devrait revenir au premier plan en 2018, avec son entrega et le temple dominateur de sa muleta. Pour cela, il doit récupérer une efficacité constante à l’épée, indispensable pour conclure ses bonnes actuations, comme ce fut le cas malheureusement à Séville et Madrid en 2017. C’est indispensable, pour conforter sa confiance en soi, de couper des oreilles dans les arènes de référence et s’imposer aux groupes empresariales, à la presse officielle et au public. Les empresas parlent de diminuer le nombre de spectacles des grandes ferias, notamment en France, après nous avoir expliqué que c’est la raison de la baisse de la fréquentation sur les gradins et la perte de leur rentabilité. En fait, si c’est parfois le cas, cette désaffection dépend du prix des places pratiqué et surtout de leur manque d’imagination au niveau des cartels (toreros et toros) qui dépendent de la répartition du marché entre les grands groupes. Sont-ils vraiment indépendants dans leurs décisions ?

Ce dimanche 29 octobre, dans les arènes de Béziers, lors du Festival de l’École en clôture des journées taurines 2017, j’ai aperçu Richard Milian dans le callejon qui accompagnait le jeune Dorian Canton. Je me suis remémoré les tardes épiques que Richard nous a fait vivre dans nos arènes. Je me suis rappelé qu’un Miura lui avait infligé une cornada contre le burladero lors d’une corrida où il alternait avec les Maestros Damaso Gonzalez et Tomas Campuzano pendant la Feria 1985. En fait, ce jour-là, Richard avait remplacé au dernier moment le Maestro Ortega Cano qui venait de décider de ne plus toréer ce type de corridas et de commencer une nouvelle étape de sa carrière qui fut brillante. Vous vous imaginez ce cartel actuellement, devant une vraie Miurada ! C’était un autre temps et une autre conviction. Le Maestro Damaso, qui vient de nous quitter, avait été important devant ses 3 Miura puisque Richard avait du quitter le ruedo pour l’infirmerie.

Les Biterrois intéressés par la corrida de toros dans leur ville ont appris avec intérêt ces dernières semaines :
– que Sébastien Castella avait fait un accord d’apoderamiento exclusif avec Simon Casas
– que Simon Casas rejoignait Robert Margé dans l’organisation des corridas des arènes de Béziers (dans des responsabilités à préciser).
Depuis fin septembre, la gestion de nos arènes et Robert Margé ont alimenté les conversations et la presse locale, à double titre : qualitatif et financier. Cette nouvelle association va-t-elle tout régler ? Les capacités négociatrices et les références de Simon Casas ne sont pas à mettre en doute mais si l’Aficion Biterroise officielle et ses clubs taurins ne se réveillent pas, cela ne résoudra pas tout. Leur présence dans les gradins du festival de clôture des Journées Taurines m’inquiète vraiment. Il y avait moins de 50 de ces aficionados en comptant les organisateurs, sur les 400 personnes qui étaient venues voir les derniers toros de la temporada et pour soutenir les jeunes toreros. Il faut certes expliquer la dégradation que nous constatons tous dans notre aficion d’aujourd’hui. Ceux qui étaient au pouvoir dans les années 90 dans le monde taurin des arènes de Béziers (municipalités incluses), avec la complicité d’une partie des aficionados, ont tout fait pour la diviser et diminuer son pouvoir et ses ambitions. Progressivement, l’Aficion organisée s’est délitée et a perdu son rôle de propositions, d’animation, de moteur qui soit capable de faire valoir ses droits et constituer un pouvoir dont on doit tenir compte. La création de la Fédération n’a pas rempli ce rôle, bien au contraire. Pourtant, les clubs encore non fédérés et les associations avaient su se réunir pour l’organisation du Festival Taurin bénéfique de 1992. C’était un autre temps. Ils avaient obtenu un résultat de qualité et reconnu par tous. Dans mon édito du mois d’août, je faisais appel à la responsabilité de tous pour rendre à nos arènes son image, son public, son rayonnement, sa place dans l’Aficion du Sud. J’ai entendu et lu beaucoup de commentaires pour le moment, sans mesures concrètes. Laissons-leur le temps, même si cela presse… L’arrivée de Simon Casas est une information intéressante, surtout pour l’empresa, mais sera-t-elle suffisante pour le retour de l’émotion dans nos arènes ? Ce ne sont pas les dernières parutions emphatiques et dithyrambiques qui vont changer la situation.

Pour conclure, je me contenterai de qualifier le festival taurin de l’École d’intéressant, avec un bétail de la ganaderia Margé encasté mais très exigeant pour ces jeunes. Carlos Olsina a démontré des progrès évidents. Le travail porte ses fruits. Je sais qu’il va continuer ses entraînements intensifs à Séville pour préparer une temporada 2018 importante pour la suite de la carrière qu’il a choisie, dans le monde difficile que l’on connaît. Il faut aussi féliciter Anaïs pour sa grande aficion et ses progrès. Elle mérite notre respect.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Édito n° 54 –