EDITORIAL MAI 2015

TENGO RABIA

Je connaissais Destierto, toro de cinq ans, n° 130 de l’élevage des Frères GALLON, pour l’avoir vu au campo à plusieurs reprises dès juin 2014. Sa morphologie conforme à ses origines et ses armures, avaient attiré mon attention sur ce magnifique colorado. Je savais que, finalement, il devait être combattu à St-Martin de Crau dans la corrida de 6 élevages français pour représenter les couleurs Vert et Noir des éleveurs de Mas Thibert. Retenu à Béziers, je n’ai pu assister à cette corrida mais, le soir même, j’ai appris qu’il avait été désigné meilleur toro de la Feria de la Crau 2015. Quelle ne fut pas ma surprise et la Rabia (colère), après avoir parlé avec plusieurs professionnels français et regardé la vidéo, très complète sur internet, de constater que la Présidence n’avait pas honoré ce Toro, au minimum d’une Vuelta al Ruedo posthume et pourquoi pas d’un Indulto. Toro complet, avec 3 piques magnifiques prises de loin au galop et une faena de muleta de Morenito de Aranda où l’on a pu apprécier ses embestidas de classe, tant à droite qu’à gauche, malgré une « vuelta de campana » aux banderilles (très mal lidié après ces 3 piques) dont il s’est ressenti momentanément.

Nous avons eu droit ces dernières années à des vueltas et des indultos pour beaucoup moins que ça…, mais la Présidence de St-Martin n’a pas laissé la vie sauve à ce Toro qui pouvait servir de reproducteur. Que Rabia ! devant le peu de sensibilité taurine, de connaissance du Toro, d’aficion tout simplement. Certains disent que c’était le premier de la corrida et que la Présidence devait « gérer » les récompenses. Plusieurs éleveurs taurins camarguais expérimentés présents au callejon se sont écrié « Es de Vaca » ! Expression utilisée par les professionnels pour signifier que le toro doit servir de semental (mis sur les vaches). Cela aurait été le cas s’il avait été tienté au campo.

Que Rabia ! Ma seconde colère concerne le comportement des 3 Toreros qui ont gâché le lot très bien présenté de Nuñez del Cuvillo combattu pendant la Feria de Séville. Cinq toros sur six se sont comportés idéalement pour leur permettre de briller et de triompher. Même Jose Maria Manzanares, avec toujours autant d’esthétique, de majesté, de sens du temple, n’a pas apporté à sa faena la profondeur que méritaient ses deux Cuvillo. Certes, il aurait certainement coupé des oreilles s’il les avait bien tués mais dans sa faena il s’est contenté d’accompagner la merveilleuse charge de ses adversaires, sans la dominer, sans la conduire vraiment. Ses échecs à la mort ce jour-là sont peut-être dus à son manque de domination. Ses deux compagnons de cartel sont complètement passés à côté. Rivera n’est plus à sa place dans ces cartels d’arènes de Première Catégorie. David Galvan (jeune torero très protégé depuis 4 ans par le monde taurin, empresas et figuras) n’est pas encore à la hauteur de ce que prédisent certains spécialistes. Dommage pour le ganadero (quel lot exceptionnel) et pour le public de la Maestranza. Quel gâchis !

« Tengo mucha Rabia » devant le véto des toreros du G4 contre l’empresa de Séville. Ils jouent un jeu déplorable contre l’intérêt de l’aficion et de l’ensemble de la Planète du Toro. Je sais que je vais mettre les pieds dans le plat mais pour démontrer la raison de leur conflit (si elle est réelle), qu’ils mettent sur la place publique le montant de leurs cachets encaissés à Séville, Madrid, Bilbao et dans toutes les grandes arènes européennes, sachant que les arènes de Séville n’ont que 12 500 places depuis leur réforme. Vous auriez peut-être des surprises.

L’aficionado paie très cher son droit d’assister à une corrida dans la plupart des plazas. Il faut qu’il comprenne pourquoi. Quand il en aura assez de trop payer pour assister à des spectacles parfois peu brillants, il risque lui aussi de mettre un Véto à la majorité des arènes et donc aux toreros, même aux figuras.
Comment ne pas regretter l’absence de Talavante à Séville, quand vous voyez son extraordinaire faena à un bon toro de Teofilo Gomez pendant la Feria d’Aguascalientes au Mexique. Difficile à décrire. Dépêchez-vous, elle est encore sur internet. Qu’auraient-ils fait devant les magnifiques Nuñez del Cuvillo de Séville ? Qu’auraient-ils fait devant l’admirable embestida de toro bravo Turulato de Fuente Ymbro, désigné Toro de la Feria par le jury des vétérinaires officiels de Séville ? Ce sont de grands toreros, tant au niveau technique qu’artistique. Ils peuvent, certains jours, atteindre un niveau exceptionnel dans l’expression de leur tauromachie. Ils auraient triomphé et enthousiasmé le public. Pourquoi se lancer dans une lutte sans merci contre un organisateur, peut-être imparfait, mais qui leur a permis par le passé, de se faire connaître grâce au prestige de la Real Maestranza, en toréant les meilleures ganaderias, sélectionnées par eux-mêmes, qui leur ont permis de valoriser leur « production artistique » et professionnelle dans l’ensemble du monde taurin.
« Tengo Rabia » !

Heureusement, nous pouvons retirer quelques points positifs de la Feria de Séville :
– La corrida du Dimanche de Pâques avec la despedida du Maestro Espartaco ;
– Le lot de Nuñez del Cuvillo déjà cité ;
– 3 grands toros de Fuente Ymbro qui méritaient mieux ;
– 3 excellents toros de Victorino, dont l’extraordinaire Mecanizado, toréé avec maîtrise en entrega par un grand Antonio Ferrera : vuelta al ruedo du toro et meilleure faena de la Feria ;
– Excellent Sébastien Castella pour une faena pleine de temple, de douceur, de maîtrise, devant un toro d’El Pilar, un peu faible. Le soutien du public de la Maestranza obligea même la musique à jouer… Malheureusement, son échec à l’épée ne lui permit pas de remater la faena à sa juste valeur ;
– Jose Maria Manzanares, dans un style différent de ses habitudes, a prouvé son professionnalisme en triomphant devant le décevant lot de toros de Victoriano del Rio qui nous avait habitués à mieux en 2012 et 1013 ;
– Manuel Escribano qui avait pris la responsabilité d’affronter dans la même feria, les Victorino Martin et les Miura, a confirmé qu’il avait sa place dans les cartels des grandes ferias, n’en déplaise à certains esthètes amoureux d’un classicisme théorique de la corrida. Il est vrai que ce type d’aficionados qui s’auto-qualifient « d’élites », reprochaient par le passé au Maestro Damaso Gonzalez (dans un style différent) d’être disgracieux. Ils confondaient et leurs successeurs spirituels confondent l’esthétique avec le poder, le temple, l’entrega, dont le torero d’Albacete était la définition même ;

Félicitations à :
– Pepe Moral, ex novillero puntero, qui confirme sa bonne temporada 2014. Enhorabuena ;
– Davila Miura qui a démontré, après plusieurs années d’arrêt, que son aficion et sa technique étaient intacts. Sa maîtrise lui a permis d’affronter très honorablement ses difficiles toros de Zahariche ;
– Nazare, Adame, Borja et Javier Jimenez qui ont fait, avec leurs moyens, l’effort pour plaire au difficile mais connaisseur public de la Maestranza car ils avaient la chance d’y faire le paseo, EUX !

Nous mettons en exergue le comportement exceptionnel de Curro Javier de la cuadrilla de Manzanares, tant pour sa lidia toujours méticuleuse et templée au service de son maestro, que par ses magnifiques poses de banderilles très justement appréciées du public de Séville et des jurys qui lui ont attribué tous les prix de la Feria 2015. Nous n’oublions pas dans nos éloges, DIego Ventura, qui a confirmé qu’il est devenu indubitablement le Rejoneador le plus poderoso et le plus spectaculaire.

J’aurais beaucoup d’autres choses à dire qui m’agacent « et que me dan rabia » dans ce monde taurin, mais nous resterons sur ces points positifs.

P.S. Gala taurin du 2 mai  à Béziers :
– Bon comportement général des toros de Roland Durand, Pages-Mailhan et Blohorm.
– Application et volonté des toreros (chacun avec ses qualités) malgré certaines défaillances à l’épée, mais ils toréent peu…
– Absence regrettable de plusieurs clubs taurins et aficionados biterrois.
– Présence sympathique et majoritaire des aficionados Arlésiens et Beaucairois qui ont bien soutenu leurs toreros, EUX…

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – édito n°25