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ce mercredi 21 juillet le Musée taurin de Béziers recevait Yannis
Ezziadi, comédien, metteur en scène, auteur… âgé de 30 ans, pour une
conférence de presse de présentation du spectacle « MINOTAURE,
paroles de toreros » adapté et interpreté par lui même, mis en scéne
par Sébastien Rajon. Un « spectacle taurin » qui sera joué durant
la Feria de Béziers 2021 au Cloitre de la cathedrale Saint-Nazaire le
14 aout à 22 heures. C’est aussi en présence de Marie-Françoise Rouzier,
présidente de l’UTB, de Benoit d’Abbadie, maire adjoint à la
Tauromachie et à la Feria et de Christophe Burte, directeur de la
programmation des spectacles sur Béziers que se tenait cette conférence
de presse.
Voici donc l’intégralité de sa présentation, une présentation qui en a laissé plus d’un pantois et admiratif :
« Il y a un peu plus d’un an, dans ma région parisienne, j’ouvrais mon premier livre de toros. C’était Les oreilles et la queue, de Jean Cau né non loin d’ici, à Bram dans l’Aude, près de Carcassonne. Il y aura bientôt un an, je voyais ma première corrida dans les arènes Béziers. Et aujourd’hui, me voilà reçu au Musée taurin de cette même ville, devant vous. C’est donc par la littérature que j’entrais en tauromachie, et c’est par la généreuse invitation de votre maire, monsieur Robert Ménard, que j’assistais réellement au spectacle, depuis les gradins. S’ensuivirent des rencontres. Robert Margé me fit découvrir les taureaux au campo, loin de la fête. Alain Montcouquiol me partagea ses souvenirs, me fit visiter les rues et les places de Nîmes où enfant, il rêvait de muleta, d’habits de lumières et du fauve cornu si cher au peuple de cette région. J’y ai passé beaucoup de temps à penser aux toros, à lire, à discuter, et à écrire. Mes autres interlocuteurs réguliers furent Carlos Olsina – encore un Biterrois – et puis le novillero Jean Baptiste Molas, le jeune éleveur Pierre Mailhan et le flamboyant Simon Casas.
J’ai
découvert un monde secret où les valeurs artistiques que j’aime et que
je croyais aujourd’hui disparues étaient belles et bien vivantes. Un
monde où la beauté, la grandeur, la grâce, la pureté et le don de soi à
son art étaient encore l’objet d’une quête. Moi, le jeune acteur
passéiste, désespéré par son temps, qui ne voyait dans les pièces de
théâtre et les mises en scène d’opéra modernisées que banalité,
vulgarité et absence de beauté, j’ai découvert dans les arènes le
dernier grand spectacle tragique de mon époque. Et j’ai trouvé les
derniers grands tragédiens de ce monde. Les immenses Mounet Sully, Sarah
Bernhardt, Alain Cuny et Maria Casarès – pour qui j’ai une admiration
sans limite – jouaient la mort de manière déchirante. La mort, les
toreros eux la donnent, la risquent et parfois la reçoivent. Tout cela
pour un seul moment de grâce.
De ce choc artistique, de cet
éblouissement esthétique, il me fallait tirer quelque chose. Ce fut dans
un premier temps un texte, puis un dossier complet dans Causeur. Vingt
huit pages, dans ce magazine national dirigé par Elizabeth Lévy, et même
la couverture ! On m’invita dans des émissions de télévision et de
radio, pour aller défendre ce dossier que j’avais orchestré et en partie
écrit, et plus généralement pour défendre cet art si injustement haï et
trainé dans la boue la plus immonde, cette boue qui a
malheureusement tendance à lui coller à la peau. Autant vous dire
qu’une pluie d’insultes m’a inondé, mais que les mots de reconnaissance
d’un peuple, celui du Sud de la France qui se rend aux arènes, est venu
dissiper cet affreux orage, et ce fut ma plus belle récompense. Non, je
ne regrette rien.
Et puis, j’eus le sentiment qu’il me fallait en faire un spectacle. Parce que je pouvais en sortir quelque chose d’artistiquement intéressant – et je l’espère d’important – mais aussi parce que, pour défendre des idées, ma place à moi est avant tout la scène.
C’est ce spectacle que je viens aujourd’hui vous présenter. « MINOTAURE, Paroles de toreros » en voici le titre. Je pensais au départ faire un montage de textes de Montherlant, Cocteau, Leiris… Et puis, il m’est soudainement apparu que je devais composer ce spectacle de textes écrit par les toreros eux-mêmes. Premièrement parce qu’ils sont sans doute les mieux placés pour en parler, deuxièmement parce que cela me permettait directement de les incarner, et troisièmement parce que certains ont écrit des textes d’une très grande qualité littéraire. Les auteurs de ce spectacle que je présenterai le 14 août à 22 heures dans le cloitre de la cathédrale Saint Nazaire sont Alain Montcouquiol, Luis Miguel Dominguin, Simon Casas, Paco Ojeda, Jose Tomas et un écrivain que j’ai tout de même gardé : Jean Cau. Ce spectacle raconte le torero, le toro, leur relation. Il raconte la dureté de ce métier. La peur, la souffrance physique, le doute, la lutte, le courage. Il raconte également cette culture, vivante, et son enracinement dans le temps et dans la terre. Il raconte cette étrange, grave et joyeuse fête où le raffinement rencontre la force brute, ou les paillettes d’or des costumes de lumières rencontrent le sable et la poussière. Où la vie rencontre la mort.
Pour
assurer la mise en scène de ce spectacle, j’ai invité un artiste
merveilleux et flamboyant : Sébastien Rajon, qui a tout de suite été
séduit par l’idée de ce spectacle, puis totalement convaincu par la
grande qualité des textes. En utilisant divers écrits des auteurs que je
vous ai précédemment cités, j’ai formé un monologue contrasté abordant
les beautés et la violence des vies de toreros. Un monologue qui raconte
parfois les racines de cet art, mais qui surtout se situe au cœur de
l’action, au cœur du drame. Si je devais qualifier le style de ce
spectacle, je dirai que c’est une tragédie. Une tragédie ornée de
pasodobles et de flamencos, où règnent la dignité, le courage, la peur, la mort et le sang.
Ce spectacle est une modeste petite pierre que j’apporte à cet édifice à
la gloire de la corrida que vous ne cessez de bâtir vous les toreros,
les éleveurs, les organisateurs et les aficionados.
Si je suis entré en résistance pour la défense de cette magnifique corrida, c’est parce que je pense au plus profond de moi, que si son interdiction devait advenir, ce ne serait pas seulement une perte pour le monde taurin mais pour celui de l’art et, oui j’ose le dire, pour l’humanité. Que ce serait une défaite au même titre que les récents retraits de la vente de livres d’écrivains sulfureux. Ceux qui veulent interdire les films de Polanski ou les œuvres de Balthus sont les mêmes qui veulent s’en prendre à la corrida au nom de la morale, de leur morale, celle du temps. Face à cela, les artistes, les vrais, les courageux, les purs, doivent ensemble faire barrage à ce comité d’épuration inculte et surtout insensible à la beauté et à la grâce.
Avec ce spectacle, « Minotaure, paroles de toreros » je veux rendre hommage aux bestiaires contemporains que sont les matadors, ainsi qu’au peuple taurin, je veux sensibiliser à l’art de la corrida ceux qui ne la connaissent pas, mais surtout, je veux incarner le torero que je n’aurai jamais eu le courage d’être.
En vous espérant nombreux ce 14 août à 22 heures. Merci de votre attention. »