ÉDITORIAL AVRIL 2014

NOUS ESPÉRIONS ENFIN, VOUS PARLER UNIQUEMENT DE TAUROMACHIE PURE, MAIS..!

L’actualité nous oblige à aborder à nouveau des sujets médiatiques, tant au niveau des exécrables pratiques du marketing taurin qu’au niveau de l’annonce du rachat des arènes de Béziers par un groupe financier.
En ce qui concerne le marketing taurin, nous nous limiterons à vous faire remarquer que le Juli continue à faire des déclarations qui relèvent, soit de la mégalomanie, soit d’artifices communicants ridicules.  Ses Conseils en la matière, devraient se rendre compte qu’il commence à dépasser les bornes ( ou est-ce volontaire ? ).  Après avoir proclamé pompeusement lors de la présentation tant annoncée de sa temporada 2014 son engagement immortel pour les beaux-arts, il confirme après l’annonce du cartel phare du dimanche de Pâques à Malaga, son mano a mano avec Morante de la Puebla, sa demande à Dieu que ce jour-là, les circonstances aident les deux maestros à s’enrichir mutuellement (nous supposons que cela concerne l’art, l’inspiration, la génialité…) et que les spectateurs sortent des arènes en toréant. Ce jour-là, il n’oublia pas de rappeler la référence du premier mano a mano Joselito-Belmonte qui se déroula dans les arènes de Malaga le 28 février 1915.
Il faut que ses amis l’arrêtent car s’il continue à être aussi désagréable, nous pourrions, après d’autres, oublier l’admiration que nous avons de son toreo dominateur, poderoso, basé sur sa connaissance innée du toro et poussé dans son désir louable d’être le numéro 1.
Nous terminerons ce commentaire car cela ne mérite pas plus.

En ce qui concerne les arènes, nous nous sommes refusé à commenter en pleine campagne électorale, la mouvance créée autour de l’avenir des arènes de Béziers, car nous pensions que le rôle du maire sorti des urnes de ce mois de mars 2014 serait primordial dans l’avenir sur ce sujet qui intéresse l’aficion, mais aussi la politique culturelle de la ville. En effet, l’annonce fortuite de l’offre d’achat de la majorité des parts de la Société des Arènes par un groupe appartenant à l’organisateur Robert Margé (appuyée apparemment par des investisseurs montpelliérains) pour un montant supérieur à 2 000 000 €, a créé l’évènement et le malaise. Cette offre parait très élevée par rapport à la rentabilité connue des arènes dont l’activité est quasiment limitée aux spectacles taurins depuis quelques années. Elle a déclenché une réaction négative de la part de certains actionnaires historiques (mais minoritaires) de la Société des Arènes S.A.
La mise sur la place publique de cette offre surprenante a eu un écho significatif dans la campagne du 1er tour, par les prises de position officielles des candidats sur un projet qui paraissait pouvoir mettre en danger l’avenir culturel et tauromachique des arènes. Même si cette affaire n’était pas censée être essentielle dans cette campagne électorale très ouverte entre les quatre candidats, elle a, selon nous, eu plus d’effet dans l’esprit d’une partie des électeurs, même non aficionados, ce que certains esprits bien pensants veulent nous le faire croire.
Mais pourquoi avoir lancé, ce que l’on pourrait appeler une OPA où le propriétaire vendeur, président de la Société des Arènes et Robert Margé ont joué un rôle majeur ?
Pourquoi lancer cette offre qui, apparemment, souhaitait passer inaperçue, avec autant de précipitations, dans une période sensible comme l’est une élection municipale ?

Quand on connaît le rôle que depuis 50 ans les municipalités successives ont joué dans le développement de la Feria, des spectacles taurins et du maintien de l’édifice permettant de relancer l’activité taurine de la ville, il paraît évident que cette affaire ne pouvait qu’interpeller les candidats à la fonction de maire. Certes, nous avions annoncé dans nos derniers éditos, l’intérêt que certains groupes financiers pourraient avoir dans l’achat ou la prise de pouvoir des arènes en propriété privée, surtout en Espagne (Cordoba, Badajoz, Sévilla, Granada…) sans oublier qu’en France, Céret et surtout Béziers correspondent à cette spécificité. Nous pourrions longuement disserter sur les objectifs de cette proposition d’achat majoritaire, irréaliste à nos yeux au premier abord.

En tant que Biterrois, il nous semble souhaitable :
– que les arènes de Béziers poursuivent leur rôle culturel (trop négligé ces derniers temps) et taurin, imprégnées de l’histoire de la ville depuis plus de 100 ans dans ce lieu prestigieux ;
– que la ville de Béziers soit partie prenante essentielle dans les programmations des spectacles et l’utilisation globale d’un tel édifice, dans lequel toutes les municipalités depuis de nombreuses années se sont investies pour le maintenir, le développer et accroître son rôle dans les activités culturelles, festives et économiques de la cité.

Si la ville réalise un accord valable avec les propriétaires, elle a deux possibilités :
1/ Après une longue période de crise, la gestion directe, dans la partie tauromachique de la ville, a donné un renouveau évident, surtout au début des années 80 avec le Comité Féria. Cette structure associative, directement rattachée à la ville, ne correspondait plus aux obligations de transparence et de suivi imposées par les règles de la comptabilité publique. Suite à un incident, Georges Fontès, alors maire de Béziers, dut dissoudre le Comité Féria en 1985 pour maîtriser l’usage des fonds publics. Il créa la Régie Municipale des Arènes qui gérait l’ensemble des activités culturelles et taurines, la partie tauromachique étant réalisée en collaboration avec l’empresa Balaña de Barcelona. Cette solution donna satisfaction, tant au niveau gestion, qu’au niveau qualité des spectacles – musicaux (Johnny, Téléphone, Goldman) – et taurins avec une présentation de toros irréprochable, digne de plaza de primera espagnole, avec des toreros de premier plan.
La gestion financière, contrôlée directement par le Trésor public et le Receveur municipal, donna satisfaction. Le fonctionnement administratif, sous la responsabilité du regretté Commandant Farret et du conseil d’administration, a parfaitement rempli son rôle, tant au niveau de l’efficacité que dans la gestion, démontrant la fiabilité du système. La municipalité Barrau supprima la gestion en régie municipale pour adopter la Délégation de Service Public, avec des intervenants différents tous les ans et créa pour animer la tauromachie, la Haute Autorité composée de plus de 30 membres, pour insuffler les orientations de la politique taurine à Béziers. Comme aurait dit Georges Clemenceau  « Quand je veux noyer un problème, je crée une Commission ».

Actuellement, trois villes taurines françaises importantes gèrent les arènes (spectacles taurins) en régie municipale : Bayonne, Dax et Mont-de-Marsan, selon des modalités différentes mais avec la même rigueur de la comptabilité publique et un suivi exigeant des commissions taurines. Il faut préciser un avantage financier de la Régie municipale : les spectacles – limités à six) sont exempts du versement de la TVA (20 %) pour la corrida –  ce qui permet de faciliter la gestion et de la répercuter éventuellement pour avoir des prix de places plus accessibles.
La solution peut être efficace avec une équipe technique compétente et un partenaire suffisamment puissant et reconnu pour faciliter les négociations avec les représentants des toreros et les éleveurs. Elle garantit la transparence, même si les règles de la comptabilité publique sont nécessaires mais un peu lourdes à appliquer dans le monde taurin.

2/ La solution de la Délégation de Service Public (D.S.P.) n’est pas à écarter si elle est bien mise en place :
– appel d’offre public qui impose un cahier des charges fixant les critères retenus pour le choix,
– expérience professionnelle,
– fiabilité financière,
– qualité et quantité des spectacles,
– valorisation de l’offre financière proposée par l’adjudicataire,
– autres propositions : école taurine, initiatives culturelles…

Quelle que soit la solution choisie, tout dépend des compétences et de la fiabilité des hommes chargés du fonctionnement et du contrôle. Il ne faut pas oublier aussi, le rôle primordial joué par la Commission Taurine extra-municipale, entité prévue par le règlement de l’Union des Villes Taurines Françaises (UVTF), présidée par le maire ou son représentant qui est responsable de l’application du règlement taurin, de contrôle – avant, pendant et après – la qualité des spectacles proposés ( présentation des toros, choix des cartels… ) et d’organiser les présidences…

Cette structure n’est valable que suivant :
– la volonté réelle du maire,
– la qualité et la volonté des membres de Commission Taurine de faire respecter l’image de nos arènes et d’imposer à l’adjudicataire les conditions de la DSP et la volonté de l’aficion locale.

En fait, nous sommes obligés de constater que la Commission Taurine extra-municipale n’a pas joué, ces dernières années à Béziers, le rôle pour lequel elle avait été créée, dans l’esprit de l’UVTF, d’autant plus que la DSP actuelle a été négociée il y a plus de 18 ans, dans des conditions très spéciales. Il ne s’agit pas, pour une Commission Taurine, de pratiquer une opposition systématique de principe aux propositions de l’adjudicataire (revancharde ou partisane), mais appuyée par la volonté du maire, de faire respecter l’image des arènes qui se répercutera sur celle de la ville et de sa féria, tout en faisant ressortir les spécificités de l’aficion locale.

Cet édito paraît aujourd’hui, sans effet sur la campagne électorale, comme nous le souhaitions. Il est diffusé après les résultats du second tour des municipales, même s’il a été rédigé plusieurs jours avant.

Parlons enfin de tauromachie avec les Fallas qui se sont caractérisées par :
– des fréquentations de public très faibles et inquiétantes pour les 4 premières corridas et novilladas. Heureusement pour l’empresa, les trois dernières ont rempli les arènes avec la participation du G5, de Ponce et Castella.
– Juli sort triomphateur des Fallas, mais l’expression artistique de sa tauromachie n’arrive pas à nous convaincre totalement.
– Ponce aurait pu contrarier son hégémonie, si sa cojida impressionnante et sa cornada à son premier toro, ne l’avaient pas arrêté brutalement.
– Les autres toreros ont eu des difficultés à démontrer tout leur potentiel car les toros ont été nobles, certes, mais sosos et parfois mansos, même si leur présentation globalement était acceptable, malgré des armures commodes pour la plupart.
Seuls les Garcigrande (très bons pour les 4 toreros de la corrida magna) et surtout les Victoriano del Rio, ont montré les vertus que nous demandons au toro bravo : agressivité, galop dans les embestidas, classe pour certains. Ce n’est pas pour rien que les ganaderias de Garcigrande et Victoriano del Rio ont été retenues pour le mano a mano du dimanche de Pâques à Malaga : Juli-Morante.

Nous retiendrons aussi le temple, la classe et la détermination de Castella, ainsi que le sens artistique de Finito (relancé par Simon Casas en l’absence de Ponce) et de Morante, meilleur capeador de sa génération, confirmant qu’il est le successeur prétendant des maestros Curro Romero et Rafaël de Paula. Manzanares a confirmé l’esthétisme de sa tauromachie, sans retrouver ses inspirations des temporadas 2011 et 2012, pour le moment. Dans un autre style, nous avons apprécié l’attitude, la prise de risque et l’aguante du jeune Jimenez Fortes et son envie de triompher.
Au niveau des novilladas, l’extremeño Garrido après son succès chez lui à Olivenza, a confirmé qu’il devrait dominer l’escalafon 2014.
En dehors des deux ganaderias précitées, nous regrettons la fadeur (soseria) des toros en général, malgré quelques individus intéressants.

Castellon arrive avec un changement complet dans le choix des organisateurs par rapport aux tentatives toristas de leur prédécesseur Enrique Paton ces dernières années qui, il est vrai, n’avait pas donné un résultat intéressant au niveau de la taquilla, ce qui causa son arrêt d’activité. On en reparlera…

Le responsable de rédaction : Francis Andreu

Edito n° 11 – Avril 2014

ÉDITORIAL FÉVRIER 2014

QUEL EST LEUR VRAI OBJECTIF ?

Nous avons retardé à début février la parution du 1er édito de la temporada 2014 en espérant, sans trop y croire, que les divers intervenants du monde taurin, notamment les 5 figuras de l’Apocalypse (les cavaliers n’étaient que 4), oseraient se compromettre avec l’empresa de Sevilla et les Maestrantes pour organiser une féria digne du légendaire Coso del Baratillo et de la magnifique cité du bord du Guadalquivir. Cette situation désolante nous rappelle, toute proportion gardée, la désastreuse déclaration de guerre de 1870 par Napoléon III avec le prétexte de la fameuse dépêche d’Ulm habilement truquée par le Chancelier Bismark.

Cette comparaison est osée mais elle n’a pour but que de rappeler que : Quand on veut déclarer la guerre… Comment donner tant d’importance et de conséquences à une déclaration certes exagérée (se ha pasado) d’Eduardo Canorea après un tapeo comme les aiment nos amis sévillans. Pourquoi se lancer dans une guerre au moment où aucune des parties n’est en condition de vraiment la gagner, étant donné la situation de la corrida en Europe. Bismark, lui au moins, savait qu’il était plus fort que nous et que Napoléon n’était qu’un petit chef de guerre, un va-t-en guerre qui n’avait rien de Buonaparte. S’il s’agissait d’un problème d’arriérés dans les paiements, pourquoi ne pas le mettre sur la table tout de suite ? Ce serait le seul argument valable et l’aficion, comme les Maestrantes, pouvaient le comprendre et mettre l’empresa devant ses responsabilités.

Les déclarations postérieures de Jose Maria Manzanares (sur son grand amour avec les Sévillans à qui il doit tout), relayées par celles de ses compagnons de lutte, sans oublier le grand discours final du Juli, n’ont convaincu personne. Elles nous feraient rire si la situation de la tauromachie en Europe ne traversait pas la crise que tous les aficionados et les professionnels connaissent, même si ces figuras paraissent l’ignorer.

Nous ne cherchons pas à défendre le monde empresarial taurin, certainement critiquable sur sa gestion de ces dernières années. Par contre, nous pensons que la prise de pouvoir, hors du ruedo par 5 toreros, nous annonce un bouleversement de la tauromachie, déjà très affaiblie, qui supportera mal une organisation où seules les figuras ou les peoples tireront leur épingle du jeu. Jusqu’à quand ? Nous pouvons nous interroger dans le futur, sur le rôle des apoderados de ces figuras.

Le rôle des maestros Curro Vazquez, Roberto Dominguez et Fernando Cepeda, aujourd’hui recyclés dans l’apoderamiento, n’a plus rien à voir avec celui de leurs prédécesseurs historiques : Don Jose Camara et ses fils Pepe et Manuel, El Pipo, Florentino Diaz Flores, Pablo Lozano, Enrique Martin Arranz… qui géraient des toreros figuras tout aussi importants pour le moins…

Dans cette crise grave, nous ne les entendons pas. Quel silence ! Leur titre d’apoderado leur permet certes d’encaisser leurs commissions avant que dans quelques temps, le vrai pouvoir soit concédé en réalité à des sociétés de communication, de marketing et même des groupes financiers importants qui pourraient avoir pour objectif de récupérer, dans un premier temps, les arènes privées dont les propriétaires héritiers ne retrouvent pas la rentabilité espérée, ne serait-ce qu’immobilière, par leurs ancêtres. Certains en parlent… Pourquoi s’adresser directement aux propriétaires de la Maestranza de Sevilla pour s’attaquer à Canorea ? Notre propos n’est pas d’intervenir dans ces spéculations qui relèvent plus de la finance que de la tauromachie proprement dite. Nous sommes par contre préoccupés par des informations complémentaires qui provoquent chez nous une inquiétude, même s’il vaut mieux en rire qu’en pleurer.

Nous apprenons qu’El Juli va annoncer au Circulo de Bellas Artes de Madrid, dans une cérémonie médiatico-culturelle très in, son programme d’actuations (sa tournée) 2014. Il copie ce que font depuis longtemps dans des sempiternelles interviews, conférences et articles de presse promotionnels (non gratuits), ses collègues du show-biz. Morante, apodéré en réalité par un important groupe mexicain (ce n’est qu’un début), va procéder de la même manière. Seul le style changera. Espèrent-ils que le public, comme des fans ou des groupies, va se précipiter pour louer des places dans des spectacles retenus à l’avance comme Madonna, Lady Gaga, Johnny (le nôtre), Elton John ou Céline Dion (liste non limitative) ?

Nous espérons que les vrais aficionados ne vont pas se laisser endormir par ces manœuvres où le marketing veut devenir le maître du système. Nous l’espérons d’autant plus qu’ils ont prévu d’ores et déjà, d’accentuer le choix des élevages et des toros pour que la tournée soit réussie et puisse se dérouler selon le programme prévu. Ces ganaderos sélectionnés, sont devenus prisonniers des toreros et serviteurs heureux d’être choisis dans cette époque de crise si difficile pour eux. Les qualités techniques et artistiques ne sont pas, encore moins celles du Juli, en cause mais leur comportement est dangereux et inquiétant.

Nous invitons les aficionados, encore libres, à rester vigilants. Ces spectacles peuvent avoir des aspects artistiques positifs momentanés dans le ruedo, mais ils sont porteurs d’un virus qui entraînera dans un délai plus ou moins proche, la fin de la vraie tauromachie et de notre passion, basée sur une corrida de toros qui, certes a évolué depuis plus de 300 ans, mais qui a conservé des fondamentaux qui expliquent que cette passion de nos peuples du sud existe encore. Qu’en sera-t-il des novilladas et de ces jeunes toreros dans cette nouvelle organisation ? Il est à craindre que seuls ceux qui feront allégeance seront protégés et seront présentés, comme dans les spectacles de music-hall. Ils complèteront la fin de la corrida, en vedette américaine, ou passeront en première partie en cas d’Alternative.

Quelle défense reste à l’aficion face à cette dégradation annoncée qui enlèvera toute l’essence à notre corrida ? L’aficion aurait pourtant un autre combat qui l’attend face aux historiques antis, où l’unité nous paraissait indispensable. Les figuras en ont voulu autrement. Il est à craindre que le système soit en fait détruit de l’intérieur, sans que nos ennemis aient à prendre des initiatives de masse pour nous déborder. Il leur suffira de quelques cas bien ciblés par leurs spécialistes, pour entretenir l’ambiance délétère, soutenus par quelques idéologues bien pensants, pour appuyer par leurs prestigieuses signatures les communiqués animalistes.

Combien de temps résisterons-nous si les toreros en général et surtout les figuras ne nous aident pas ? Pourtant ce sont eux qui ont la solution : démontrer au monde qu’ils sont effectivement des êtres humains supérieurs qui osent affronter cet animal mythique qui, malgré certaines déviances actuelles de l’élevage bravo, reste un magnifique fauve combattant et dangereux. Nous ne doutons pas de leur capacité, notamment de celle de la tête de liste Juli. Il ajoute à ses qualités de torero hors du commun, une habileté et une volonté hégémonique sur la majorité des figuras qu’il entraîne derrière lui.

Ils peuvent nous démontrer que, même s’ils défendent leurs intérêts matériels compréhensibles, ils sont avant tout des toreros d’exception qui se doivent à leur public, mais aussi à leur propre aficion qui, depuis leur enfance, les ont amenés au sommet de leur technique et de leur art. En effet, tous les membres du G5 ont moins de 35 ans. Pensent-ils déjà à leur retraite ou à leur reconversion, pour accélérer une prise de pouvoir il est vrai facilitée par une organisation empresariale décadente ? Ils doivent faire attention à ne pas se tromper d’objectif. Par les temps qui courent, on ne peut pas être dedans et dehors. Le monde de la corrida doit être un, que nous soyons spectateurs, toreros et même organisateurs, même si chacun peut avoir momentanément des intérêts particuliers.

Pouvons-nous avoir confiance en eux ? Méritent-ils notre passion et notre aficion ? S’ils le veulent, c’est sans aucun doute. Dans le cas contraire, il nous reste l’espoir que le magnifique animal qu’est le toro bravo et la passion de jeunes toreros ambitieux pourront la maintenir vivace. Tous les 15 ans, il s’est levé un torero d’exception qui a redonné vie à une corrida qui était parfois chancelante. Il a obligé tous les autres à le suivre dans le ruedo s’ils ne voulaient pas être marginalisés malgré toutes les tactiques qu’ils puissent inventer.

Nous espérons qu’au fur et à mesure que se déroulera la temporada 2014, nous oublierons ce mauvais début d’année qui nous fait douter de ceux que nous admirons.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU

Édito n° 10 – Février 2014

ÉDITO DÉCEMBRE 2013

« O NOS UNIMOS, O EL TOREO TIENE LOS DIAS CONTADOS »
(Ou nous nous unissons ou les jours de la tauromachie sont comptés)

Cette déclaration n’a pas été faite par un aficionado illuminé ou un ganadero désespéré devant les difficultés à maintenir son élevage de toro brave. C’est un matador de toros historique de ces 20 dernières années qui a fait cette déclaration dans l’Extra des Toreros 2013 de la revue Aplausos. Certes, les défenseurs du statu quo nous diront que Finito est un torero du passé dont l’avenir est derrière lui (même si en 2013 il avait le soutien de Simon Casas) et qu’il fait partie des toreros aigris ou désabusés.

Quelle que soit la représentativité de Juan Serrano « Finito de Cordoba » dans l’escalafon actuel des matadors de toros, il reste un « maître » de la tauromachie moderne dont la technique et l’expression artistique font l’admiration des aficionados avertis et des toreros (matadors et novilleros). En fait, sa déclaration est plutôt « désintéressée ». Certes, nous n’oublions pas que Juan est né en 1971 à Sabadell, aux portes de Barcelona, de parents andalous venus en Catalogne pour « gagner leur vie », comme beaucoup de leurs congénères. Il a certainement très mal vécu la fermeture des arènes de Barcelona et les oppositions du catalanisme dans une région qui a marqué sa première jeunesse mais aussi ses succès inoubliables à la Monumental où il attirait un nombreux public. En fait, Finito fait référence à d’autres dangers qui viennent du monde taurin lui-même.

Nous avons dénoncé, en plusieurs occasions, l’évolution actuelle de la tauromachie qui ne peut servir qu’un petit groupe (toreros, empresarios et ganaderos punteros) qui se satisfont d’une situation qui, tant au niveau économique que médiatique, en fait encore des privilégiés dans une Espagne exsangue où le nombre de spectacles taurins s’est écroulé en cinq ans, surtout dans les arènes de 3ème catégorie (corridas et novilladas piquées). Nous devons rester vigilants face à des adversaires virulents où nous retrouvons mêlés des intérêts « philosophiques » et « politiques » très différents, unifiés dans un « amour » exacerbé de la gens animale, mais nous pensons que la première solution au problème actuel de la corrida se trouve dans le monde taurin lui-même.
Dans le même esprit, Juan Antonio Gomez Angulo, Président de la Commission de Travail pour le Développement et la Protection de la Tauromachie, déclare que les ganaderos sont les moins responsables de la situation économique et au contraire doivent être protégés.

A l’exception des 5 ou 6 élevages punteros imposés par les figuras, ils sont pour la plupart dans une situation financière catastrophique. Leurs efforts de gestion, en diminuant le nombre de vaches et donc de naissances, donneront-ils des résultats suffisants car comment amortir les frais fixes pour maintenir une finca (hommes et matériels, sans oublier les frais financiers). Par contre, Gomez Angulo affirme que le coût de production des spectacles taurins doit baisser, de la réduction des honoraires jusqu’à la diminution du prix des places.
Cela demande un profond processus de transformation pour maintenir les spectacles taurins ! Il pense que « tous doivent renoncer à une partie de ce qui leur correspond, tous doivent réviser leurs prix et leurs marges parce que si rien ne change, le spectacle ne pourra pas se maintenir longtemps ».

Nous ne pouvons qu’approuver ces affirmations. Elles concernent tous les intervenants :
Les grandes empresas car sans changement, les petites arènes vont disparaître les unes après les autres. Un comportement égoïste de leur part serait suicidaire à moyen terme.

Les toreros figuras qui pratiquent des tarifs exorbitants qui :

  • font augmenter le prix des places qui atteint un niveau insupportable
  • oblige les arènes (1ère et 2ème catégories) à multiplier les mano a mano, les « encerronas » pour négocier avec les toreros la diminution du coût du plateau avec comme conséquences de :
  • lasser le public par la répétition des mêmes cartels qui ne sont plus des évènements ni des « competencias »
  • diminuer les possibilités pour les toreros jeunes ou pour les toreros moins médiatisés car le « people » fonctionne encore même s’il est aussi en régression.

Ce ne sont pas leurs initiatives de marketing ridicules et à « contra estilo » pour améliorer leur image ou le « glamour » pour aller vers le grand public qui amènent plus de monde aux arènes. Au contraire, il faut rendre au spectacle taurin sa « vérité » d’hommes extraordinaires (qu’ils sont) qui vont affronter des animaux tout aussi extraordinaires.

Les professionnels des cuadrillas ont aussi leur part de responsabilité : ils ont obtenu des rémunérations et une couverture sociale qui certes leur apportent des garanties pour leur période d’arrêt et leur retraite, mais qui entraîne un coût exorbitant, notamment pour les arènes de 3ème catégorie ainsi que pour les novilladas en général. Ils s’accrochent à leurs avantages acquis alors que le système court à sa perte. Leurs représentants ont toujours eu comme réel interlocuteur, l’ANOET (Association regroupant les empresas des grandes arènes) qui se soucie peu des problèmes de leurs collègues des petites arènes et qui leur a concédé, dans des périodes faciles, des conditions très avantageuses car elles n’étaient pas prioritaires pour eux. Il est regrettable que les empresas des petites arènes n’aient jamais pu constituer une association structurée, représentative, apte à négocier avec force car ce sont elles qui organisent (ou qui organisaient…) le plus de spectacles et qui ont subi la situation qui pesait déjà sur leur rentabilité, même quand les temps étaient meilleurs.

Les organisations syndicales oublient que la majorité des « subalternes » qu’elles représentent, intervient dans les novilladas et spectacles mineurs ou dans les arènes de 3ème et 4ème catégories (portatives). Les coûts fixes de l’organisation vont entraîner une disparition progressive de ces spectacles car les aides des municipalités diminuent ou disparaissent et le nombre de spectacles diminue suite à la crise économique et au conformisme des toreros. La tendance de la part des empresas « représentatives » (ANOET) serait de remettre en cause la prise en charge des cuadrillas, tant au niveau de la rémunération que des charges sociales puisque les « subalternes » sont choisis par les toreros qui sont leurs vrais « patrons ». Cette solution serait envisageable pour les matadors de toros « figuras » qui ont des cachets élevés mais ne serait pas applicable pour les toreros modestes qui perçoivent des cachets minimes, surtout dans les petites arènes et encore moins pour les novilleros qui ont des difficultés à faire face à leurs frais.

Il nous paraît plus juste de :

  •  baisser le coût des figuras : il est vrai qu’elles interviennent surtout dans les arènes de 1ère et 2ème catégories bien qu’en fait, en 2013, malgré la crise, certaines ont toréé près de 10 corridas dans les arènes de 3ème, sur un total de 40 à 30 « festejos » seulement !
  • baisser le coût des cuadrillas pour les novilleros et les plazas de 3ème et 4ème catégories (rémunérations et charges sociales)
  • alléger l’organisation des « sans picadors » en diminuant le nombre de banderilleros et le coût de la sécurité sociale.

Il faut noter que le milieu associatif français qui depuis 20 ans a fait des efforts importants pour les novilladas, surtout dans le Sud-Ouest, rencontre de grandes difficultés pour pérenniser ces organisations qui sont l’avenir de la corrida.

Les propriétaires des arènes (publiques ou privées) qui ne sont pas en gestion directe (Pamplona, Bilbao, Dax, Bayonne…) ont établi des conditions de location intéressantes et même très avantageuses dans certains cas, grâce à la concurrence entre empresarios qui augmente le coût de l’organisation et participe à l’augmentation du prix des places de corridas. La situation actuelle ne permet plus de maintenir cette situation car elle aggrave la rentabilité pour les empresas et pour les spectateurs avec comme conséquence la baisse de fréquentation, surtout si le spectacle est ennuyeux ou répétitif (voir éditos antérieurs). Les solutions existent mais elles demandent des sacrifices de la part de tous et de vraies initiatives généreuses. En effet, nous assistons à certaines initiatives artificielles qui relèvent du marketing communicatif pour se donner une image positive vis-à-vis des aficionados et du grand public, « para darse une cara de bueno » comme disent nos amis espagnols. Ce n’est pas cette mascarade que nous attendons des toreros mais un comportement vraiment responsable et respectueux de l’aficion « tanto en el ruedo que a la calle ». Mais tous ces sacrifices n’auront de justifications et de résultats que si les empresarios baissent le prix des places quand ils le peuvent et si le public revient aux arènes afin d’empêcher la chute du nombre de spectacles.
Durant cette temporada, nous n’avons pas voulu vous décrire un monde taurin idyllique mais réaliste, dont l’avenir nous préoccupe fortement, comme vous l’avez certainement constaté. Vous pouvez nous adresser vos commentaires par mail :

Ce dernier édito de l’année 2013 clôture cette nouvelle expérience qui, nous l’espérons, vous a intéressés. Souhaitons que le ciel s’éclaircisse pour la temporada 2014 et que nous puissions vivre ensemble de grands moments à travers la passion qui nous unit.

P.S.  Les « Figuras Réunies… » Morante, Juli, Manzanares, Perera et Talavante viennent d’adresser une lettre aux Maestrantes de Sevilla pour les informer qu’ils se refusent à négocier avec Canorea (Empresa Pagés), actuel empresario de la Real Maestranza, pour leur participation à la Feria 2014. Ils confirment qu’ils n’ont rien compris (?) à la situation.
Si nous ne connaissons pas les détails des litiges, nous pensons que cela concerne la possible baisse de leurs rémunérations. Nous estimons ce chantage inacceptable de la part de ces toreros qui ne savent s’unir que pour défendre leurs propres intérêts financiers. Question : leurs apoderados ap­prouvent-ils cette manœuvre ?
A SUIVRE…

Le responsable de rédaction, Francis ANDREU

Edito n° 9 – Décembre 2013

 

EDITO NOVEMBRE 2013

TOUT DÉPEND DE NOUS !

Ainsi titre Hugues Bousquet dans « LO TAURE ROGE » d’octobre 2013. Cette exclamation rejoint la conclusion de notre dernier édito (n°7). Il s’adresse effectivement à l’aficion qui, comme nous le pensons aussi, a sa part de responsabilité dans la situation actuelle du monde taurin. Nous lui laisserons la responsabilité de motiver les aficionados face aux « anti » et aux « animalistes » bien pensants, mais nous ne pouvons que le soutenir. Son analyse est très juste et son rappel du danger (voir Rodilhan) que représente pour notre « tradition » et notre « passion » du TORO BRAVO, est réaliste. Il ne faut pas minimiser, même s’ils ne sont qu’une minorité, le comportement de ces individus et de ces groupuscules activistes, caractérisés par l’intimidation ainsi que leur obscurantisme malheureusement appuyé parfois par la presse régionale (?) (un comble !).

Nous choisirons de cibler notre analyse sur le comportement des aficionados avant, pendant et après la corrida, car ils jouent un rôle important dans son évolution actuelle qui nous préoccupe. Nous commencerons par les « fondamentaux » :
– Bravoure et embestida du toro
– Courage, technique et expression artistique du torero.
Il faut savoir les apprécier dans leur ensemble et leur complexité. Les divergences entre les « TORISTES » et les « TORERISTES » (notre édito de mars 2013), existent depuis longtemps, surtout depuis l’apparition de la tauromachie « moderne » et des toreros historiques dans cette évolution : Juan Belmonte et Joselito « El Gallo », même si les deux maestros avaient une grande amitié que la rivalité de leurs partisans ne put rompre… Nous regrettons que, depuis quelques années, ces différences de goût compréhensibles, se soient « extrémisées », surtout par des prises de position regrettables de certains toristes qui ont jeté des anathèmes et émis des critiques extrêmes pleines de préjugés. Ils se manifestent aussi par des vociférations dans les gradins qui troublent la lidia et la faena, dans un but inavoué d’être protagonistes. Nous avons constaté heureusement en France, ces derniers temps, que certains maîtres à penser de ce courant se sont rendus compte que les extrêmes, comme dans tous les secteurs de la société, desservent la cause qu’ils veulent ou qu’ils sont sensés défendre. Surtout que dans ce cas, ils ne sont pas toujours les plus connaisseurs ou les « mas entendidos », même s’ils sont parfois de bonne foi.

Arrêtons ces querelles stériles, même si certains y trouvent leur plaisir et leur raison d’être. Cela ne peut que nous desservir. Le bon aficionado doit, en premier, savoir apprécier le comportement du toro brave, pendant toute la durée de son combat dans le ruedo, soit pendant les 3 « tercios ». Le toro doit d’abord « délivrer » son agressivité première, démontrer son « alegria » et son galop pour répondre aux cites des banderilleros et ensuite aux sollicitations dominatrices et déterminées du torero avec la muleta, par des charges puissantes et « franches » (ce qui ne veut pas dire naïves et sans race), pendant 10 minutes.

En effet, le public aficionado, au sens large, demande cette « longue » faena plus ou moins artistique, plus ou moins dominatrice, que le torero ne réussira que si ses qualités de courage, de technique et son inspiration lui permettent de se mettre en valeur, mais aussi si le toro accepte de combattre jusqu’à la « fin ».

Pour arriver à cette « quintessence », l’aficionado devrait savoir, ou comprendre, que le Tercio de Piques s’il peut nous permettre d’admirer la puissance et la combativité du toro bravo en répondant à « l’appel » du piquero, n’est pas une fin en soi. Certes la « pique » est un moment spectaculaire, émotionnant et émouvant qui peut démontrer la capacité de combattre cet animal hors norme qui « dépasse » le rationnel et que nous admirons. Mais l’aficionado ne doit pas oublier que la pique n’est, à l’origine, qu’un « moyen » pour permettre au torero de faire avec sa muleta une faena efficace mais aussi si possible artistique, pour préparer une estocade franche et efficace. Si un toro qui a pris 3 piques, même spectaculaires, en venant de plus de 10 mètres avec volonté et puissance, s’arrête par la suite, se défend sur place incapable de charger et de répondre aux cites du torero et parfois de ne plus s’intéresser au combat, il y a une erreur quelque part. Qui est responsable ? Le Ganadero, le Torero, le Président, la Presse spécialisée, l’Aficionado ?
Tous sont responsables.
– Oui bien sûr, le Ganadero est responsable, prisonnier entre les exigences des professionnels, les goûts du grand public et de l’aficion. Il a « loupé » sa sélection, ses croisements et ses toros ne vont plus « a mas » durant la faena.
– Oui, le Torero est responsable car ses exigences ont perturbé la « sélection » du toro bravo et sa cuadrilla n’a pas su mener la lidia.
– Oui, le Président peut être responsable lui aussi s’il n’a pas su doser le tercio de piques, figé droit dans ses bottes !
– Oui, la presse taurine n’informe pas bien et même désinforme le public. Nous avons actuellement plus de glamour, de « sensationnel » que de « fondamentaux », notamment sur internet sans oublier les pages de la presse écrite remplies de rédactionnels taurins, plus publicitaires qu’informatifs.
– Oui, l’aficionado a aussi sa part de responsabilité dans l’évolution du monde taurin actuel :

  • il demande des faenas de 40, 50 passes devant des toros qui en permettent 15 ;
  • il demande (ou accepte) des faenas standardisées des figuras, quel que soit l’adversaire affronté, sans valoriser la difficulté de certains toros ;
  • il n’exige pas, notamment pour les cartels de figuras en France, une présentation des toros en adéquation avec l’importance des arènes, ce qui enlève de l’importance, de l’émotion au spectacle ;
  • il se laisse imposer des cartels standards ou des mano a mano artificiels qui ne laissent pas de place à des toreros jeunes, ambitieux qui peuvent faire évoluer un système figé, faire « bouger les lignes »…

Conséquences :
Les figuras se maintiennent entre elles dans les cartels des grandes arènes françaises ou espagnoles (1 ère et 2ème catégorie) qui se remplissent, alors que les cartels des autres corridas, trop marginali sées (à l’exception de certaines arènes spécialisées ou Las Ventas de Madrid) attirent le plus souvent un faible public.

L’aficionado, par son action auprès des empresas, de la presse spécialisée (trop conformiste), des municipalités et, en France, dans les Commissions Taurines, doit faire pression sur les responsables du système pour reconsidérer leur manière de gérer le monde taurin qui apprécie parfaitement le maintien du statu quo. Il leur permet, sur l’instant, de maintenir leur pouvoir et protéger leurs finances du moment et leur influence. Mais quid du lendemain ? Par les temps qui courent, dans une civilisation de plus en plus déstabilisée, l’aficion doit rester vigilante, ne pas perdre son temps dans des querelles stériles qui n’intéressent que des marginaux et donnent parfois des arguments à nos vrais adversaires. Elle doit se concentrer, se regrouper pour la défense des fondamentaux qui permettront à la corrida de se maintenir dans une époque difficile, tant au niveau économique qu’existentiel. La solution n’est pas dans la critique systématique, car la corrida est un spectacle difficile, avec des imprévus et des impondérables qui ne sont pas maîtrisables. Ce n’est pas une « science exacte ». Pour autant, il ne faut pas accepter ce qui dès le départ est basé sur des critères inacceptables, qui ne conviennent qu’à ceux qui en profitent.

L’aficion et surtout ses représentants ou ses porte-parole ne doivent pas se laisser endormir par des « faveurs » faciles qui ne coûtent rien à ceux qui les « distribuent » mais qui profitent ensuite de leur « passivité » pour conforter leur pouvoir et maintenir le système. Plus l’aficion se réunit pour défendre ses valeurs et notre tradition, plus elle sera forte pour repousser ceux qui veulent les détruire ou ceux qui veulent profiter de la situation.

Nos adversaires, quels qu’ils soient, savent que c’est dans nos divisions qu’ils trouveront leur force. Les exemples dans le monde taurin français sont multiples et vérifiables. Certains ont su très bien le faire, avec des effets malheureusement négatifs pour l’aficion. Il ne s’agit pas de tout « fondre dans un même moule » mais de conserver la lucidité indispensable pour défendre nos fondamentaux. Car les détenteurs du pouvoir savent parfaitement flatter les « ego » pour mieux les utiliser sans qu’ils s’en rendent compte. De même, ne tombons pas dans les extrémismes car face à nous, nous avons un mélange de courants aux motivations et tendances « philosophiques » très étranges, qui se réunissent parfois sur des objectifs plus ou moins avouables. L’HISTOIRE se renouvelle.

L’aficion doit pouvoir vivre sa passion basée sur des goûts différents, mais doit savoir se réunir sur des idées fortes qui sont l’essence même de notre raison d’être « aficionados ».

Edito n° 8 – Novembre 2013

ÉDITO OCTOBRE 2013

APRÈS L’ÉTÉ 2013…

Nous sommes forts inquiets de l’évolution du monde taurin qui, certes, n’a jamais été un paradis où la probité et l’angélisme régnaient. Le romantisme a quitté la tauromachie depuis longtemps mais, de nos jours, l’évolution est franchement préoccupante car 3 ou 4 personnes bloquent le système dans leur unique intérêt et leurs discours, parfois idéalistes, ne trompent que ceux qui veulent bien l’écou­ter. Ils ne laissent « passer » que ce (ou celui) qui leur convient car cela ne leur fait pas d’ombre et que « certains » pourraient être utilisés plus tard dans le cadre de nouveaux accords. Les toreros figuras et leurs représen­tants utilisent les techniques de marketing comme pour lancer un nouveau parfum ou une nouvelle voi­ture. Nous avons constaté les effets négatifs du système même si, soit par intérêt, servilité ou « compa­gneurisme », certains veulent nous faire croire qu’ils ont vu des « choses » extraor­dinaires. Les « montages », les mano a mano, les encerronas ont continué à marquer l’été taurin. Ils n’ont rien apporté, bien au contraire, car la répétition enlève toute surprise, lasse les vrais aficionados et même le grand public.

Si l’on veut entrer dans le détail, il est regrettable de constater que les figuras qui devraient être des loco­motives du système, ne le tirent pas vers le haut pour améliorer la situation face à la crise. Le statu quo leur va très bien. Les manœuvres enfantines de marketing qui ont fleuri dernièrement sur le net (place gratuite pour les jeunes, toreo de salon public avec les enfants, entrevistas…) ne trompent personne et n’ont aucune efficacité, car tout doit se résoudre dans les ruedos et non dans les « oficinas » de relations publiques.

El Juli qui avait démarré en trombe la temporada, a vu malheureusement son élan stoppé par la bles­sure de Séville dont il a tardé à se récupérer. Il est revenu sous la pression pour retrouver son état de grâce antérieur… Le reste de sa temporada (notamment juillet, août et septembre) a montré « Julian » avec son envie de rester le « leader » et le « patron » du système, triompher dans certaines arènes sans convaincre vraiment. Son toreo dominateur a perdu la sérénité et l’élégance qu’une figura de son rang doit conserver pour être le grand torero qu’il est, surtout devant des toros triés sur le volet.

Manzanares, de son côté, n’a pas connu la grande temporada que nous avons vue il y a 2 ans, avant ses blessures à répétition à la main de 2012. Lui aussi a perdu sa sérénité et surtout la « dimen­sion » de son toreo. Même sa très belle faena des Vendanges à Nîmes, pleine de majesté et d’esthé­tisme, n’a pas eu la profondeur que l’on pouvait attendre du magnifique torero d’Alicante devant un extraordinaire Garci­grande qui alliait une grande noblesse et un galop impressionnant qui ont donné à la faena une grande émotion.

La crise économique, très sensible en Espagne, accentue le phénomène car le gâteau à se partager est plus petit. L’intérêt des 5 « grands » est de maintenir l’équilibre existant et de ne donner un ticket d’entrée qu’à ceux qui ne gênent pas et qui en plus, pourront servir à l’avenir.

Malgré ce, nous avons noté des éléments positifs :

La montée en puissance de Perera dont les qualités techniques et la maîtrise devant le toro sont impressionnantes même si sa tauromachie manque « d’âme » et de « sentimiento » que l’on peut exiger d’un tel torero, surtout devant les ganaderias qu’il affronte. Sans vouloir diminuer sa tauromachie, c’est un numéro de « dompteur » sans la touche artistique et l’émotion que l’on peut en attendre. Le maestro Paco Ojeda, dans son époque de gloire, avait un rayonnement, une majesté que le torero d’Extremadura n’arrive pas à nous transmettre, même si sa tauromachie est inspirée de celle du torero de Sanlucar « ojala lo consiga » ! (pourvu qu’il y arrive)

Enrique Ponce nous a fait rêver à Bilbao et espérer qu’il veuille, avec la même ambition, se mêler à la lutte pour reprendre le leadership. Il est vrai que pour lui, le coso de VIstalegre (de Bilbao) a été un lieu de prédilection tout au long de sa carrière, avec un public qui « attend » le maestro de CHIVA avec admiration et chaleur. Il faut espérer que pour la temporada prochaine, PONCE revienne avec des intentions conquérantes car il pourrait « faire bouger les lignes » et pousser le reste de ses collègues vers l’excellence. Il n’est qu’à voir son effet dans la Goyesca d’Arles où ses deux compagnons au cartel ont montré une volonté et une détermination, certainement motivés par sa présence au paseo à leurs côtés.

Nous retenons aussi la temporada d’Antonio Ferrera qui démontre que sa technique, sa maîtrise, jointes à son « pundonor » et à son ambition retrouvée, nous font espérer un renouveau inattendu. Comment oublier ses deux actuations devant les Adolfo Martin de la San Isidro. COLOSSAL. L’apoderamiento par Raul Gracia « El Tato » paraît avoir changé la mentalité du torero de Badajoz qui nous avait habitués à plus d’instabilité…

Manuel Escribano, la révélation 2013, tant en France qu’en Espagne, a été stoppé brutalement dans sa temporada par la très grave blessure infligée par un toro de Flor de Jara. Les mois d’août, septembre et octobre auraient pu lui permettre de confirmer cette année magnifique, en faisant le paseo à Arles, Nîmes (où il n’a jamais toréé même novillero ?), Albacete, Logroño, Zaragoza… même si Madrid n’avait pas encore prévu sa confirmation d’alternative que l’on pouvait espérer dans de bonnes conditions durant la Feria d’Octobre ? Découvert accidentellement par le grand public grâce à la substitution du Juli à Sévilla, le torero de Gerena a démontré que le système ne fonctionne pas puisqu’il écarte, depuis près de 10 ans, des talents et des ambitions qui peuvent faire évoluer le « marché » (excusez-nous d’employer un terme aussi déplacé mais malheureusement conforme à la réalité). Escribano, outre ses qualités « toreras », a la faculté naturelle de transmettre avec le public car son envie, sa joie de toréer ajoutées à son esthétisme, ne peuvent qu’impacter sur le spectateur. Il faut espérer que Manuel se rétablisse complètement de cette gravissime blessure afin, qu’en 2014, il puisse confirmer et se repositionner dans l’escalafon, comme pouvait le laisser espérer sa temporada. Il est de ceux, non atteints par le conformisme, dont nous avons besoin pour faire évoluer les choses, si on leur laisse le temps et les lieux pour le démontrer.

En ce qui concerne les toreros français :

Sébastien Castella continue à sa place dans le monde taurin, installé avec les « premiers ». Il est regrettable que le comportement des 6 toros affrontés le 16 août à Béziers ne lui ait pas permis d’atteindre dans sa ville les sommets qu’il espérait pour un telle journée, dans laquelle il avait beaucoup investi pour en faire un événement important dans sa carrière.

Jean Baptiste (Bautista) a démontré cet été, tant à Béziers qu’à Arles, qu’il était un excellent torero dont le classicisme et la pureté, qui s’appuient sur une technique éprouvée, sont remarquables, sans oublier sa régularité avec l’épée.

Les toreros restent des êtres « supérieurs » qui osent s’affronter à la bête extraordinaire qu’est le Toro Bravo, malgré les dérives de certains élevages. C’est leur entourage professionnel et leur volonté de fermer le système, afin de garantir aux uns et aux autres la maîtrise de leur « négoce » qui, avec la complicité passive ou active des médias, sont à l’origine de l’évolution que nous dénonçons.

La crise économique et ses conséquences (400 corridas ou novilladas de moins qu’en 2007-2008) ne font qu’accentuer leur volonté de maîtrise de la tauromachie en Europe. Cette « stabilité » recherchée à tout prix ne peut être que négative pour le public, l’aficion et le monde taurin dans son ensemble. L’aficionado a aussi sa part de responsabilité dans cette situation. Nous en reparlerons prochainement.

n° 7 – Octobre 2013

ÉDITO AOÛT 2013

LES TOROS DE LA SAN FERMIN 2013

Les organisateurs de la Casa de Misericordia de Pamplona ont toujours recherché, par leurs corridas de San Fermin, un toro avec des armures imposantes, parfois excessives à nos yeux, qui correspondent parfaitement à l’état d’esprit de l’aficionado navarrais et plus généralement à l’aficionado du nord de l’Espagne. Il est un fait que l’aficion et même les « pastores » du ganado bravo navarrais et basques sont habitués à approcher le toro à pied, à l’affronter parfois et à le courir dans les encierros sans autre arme qu’un baston pour les « pastores » ou un journal plié dans une main pour les « coureurs ».

Notre regretté ami Claude Pelletier, magnifique et passionné aficionado-revistero bayonnais, trop tôt disparu, faisait le commentaire suivant : cette caractéristique des traditions basques et surtout navarraises, influe dans la conception du toreo et dans l’attitude exigeante du public et de l’aficion populaire de cette région vis-à-vis des toreros. Ils savent ce que c’est d’approcher le toro, de l’affronter sans autre arme que leur fameux courage. Au contraire, l’aficion andalouse, moins populaire à ses débuts, était plus marquée par les jeux du toro avec le cheval réservé la noblesse et à la bourgeoisie, plus tournée vers l’expression artistique des toreros qui, plus tard, l’affrontèrent avec cape et muleta, même au campo.

Un de nos amis, Antonio Purroy Unanua, ingénieur agronome à l’Université de Pamplona, nous faisait remarquer il y a 30 ans, que contrairement à la situation préoccupante de la faiblesse des toros dans de nombreuses arènes, le toro à Pamplona ne tombait pas. Il estimait, preuves scientifiques à l’appui, que le fait de le faire courir dans l’encierro le matin de la corrida, le déstressait. Selon ses études, le manejo traditionnel du toro avant la corrida (camion, corrales, chiquero) provoque un stress énorme au toro bravo qui engendre des toxines qui atteignent la musculature du toro et peuvent provoquer les chutes et les génuflexions dans le ruedo, dont les aficionados ont beaucoup souffert pendant des années. Nous faisons confiance à l’analyse de notre éminent aficionado scientifique sur ces faits et il faut reconnaître qu’ils se sont souvent confirmés dans les San Fermin des années 1960 à 2000.

Le problème a changé puisque, depuis cette date, de nombreux ganaderos font courir les toros au campo dans d’affreux torodromes poussés par des cavaliers qui sont censés faire de ces toros des athlètes qui ne tomberont pas dans l’arène. Ce que nous constatons avec plaisir de nos jours. Cette modernisation est pour nous une arme à double tranchant. Il faut noter qu’en même temps, les mêmes ganaderos ont décidé de mettre des fundas pour les cornes des toros avant leurs 4 ans, afin de les protéger des accidents et des combats.

Nous estimons, avec d’autres, que cette nouvelle pratique est plutôt néfaste au comportement du toro qui, si l’on ajoute l’herradero, les traitements et prises de sang imposés par les services vétérinaires, la pose et dépose des fundas, le toro de 4 ans, avant d’être combattu, passe minimum 6 fois dans le mueco . Toutes ces manipulations ne peuvent qu’altérer la naturalité du comportement d’un toro bravo, animal très sensible à ces emprisonnements.
Tous ces éléments tendent à « déformer » la bravoure du toro.

Si nous revenons à la San Fermin 2013, nous avons assisté à un comportement désolant des toros, à l’exception de certains toros de Dolorès Aguirre, de certains Miura et surtout de deux excellents Fuente Ymbro. Par contre, les encierros de Pamplona n’ont jamais été aussi rapides, notamment avec des toros entraînés à courir sans but particulier pour la plupart (hors Miura et Dolorès Aguirre).
Nous estimons que l’apparition du torodrome dans l’élevage du toro bravo, s’il a un effet apparent sur la force du toro, sans oublier l’amélioration de l’état sanitaire et de l’alimentation, a des conséquences négatives. Le toro court comme un athlète mais n’embestit pas, ne charge pas comme un toro bravo qui, dans l’arène, doit attaquer franchement et répondre à la sollicitation du torero avec fixité et bravoure. Regardez bien le comportement de ces toros modernes qui se déplacent, courent de manière démotivée, sans manifester la codicia (l’envie exacerbée par la bravoure) typique du toro bravo.
A Pamplona, nous avons noté, cette année, des comportements qui nous amènent à penser qu’après cette course au sprint, apparemment autrefois salutaire, le toro se trouve enfermé dans le chiquero, séparé de ses congénères, frustré après une course qu’il est habitué à faire dans le campo plusieurs fois par semaine, en groupe, sans but véritable. Les téléspectateurs que nous étions, avons vu que la plupart des toros de Pamplona, en dehors des exceptions mentionnées, ne chargeaient pas mais couraient comme désintéressés autour du torero, sans donner d’émotion malgré leur trapio, « saliendo solo de los muletazos con la cara alta » (sortent seuls de la muleta avec la tête haute). A force de courir derrière la muleta, certains s’arrêtent, « se rajan » parce qu’ils ne veulent plus jouer.

Les trophées ont été nombreux, mais hors exception, ils ont été attribués généreusement, sur pétition d’un public festif, moins exigeant qu’autrefois devant ce spectacle trop souvent banal. Le toro doit se déplacer dans le campo pour boire, s’alimenter, changer de territoire, conduit si nécessaire par les vaqueros ; avoir un « exercice » naturel. Pour éviter la faiblesse, il faut d’abord nourrir les toros progressivement pendant 4 ans, mais les mères elles aussi doivent avoir une alimentation équilibrée pour bien « porter » et ensuite nourrir les jeunes. Le torodrome n’est pas une solution naturelle. Il enlève au toro sa spontanéité, sa liberté, son instinct sélectionné, dans l’approche de son adversaire qu’il affronte dans le ruedo des arènes. Mais, ne vous y trompez pas. Viva Pamplona, viva San Firmin, viva !

P.S.  Antonio Purroy Unanua, devenu une personnalité importante en Navarra, est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le toro bravo.

ÉDITO n° 6 – Août 2013