Édito n° 1 – Juin 2024

POURQUOI ?

Je vous ai annoncé dans le 111ème édito d’avril 2023, ma décision de mettre fin à ces parutions sur le site de notre UTB. La demande pressante de nos sociétaires m’a décidé à reprendre cette publication que je vais essayer de maintenir mensuelle. Cette décision n’était pas préparée. Je ne souhaitais pas jouer le rôle de vieux acteurs ou toreros qui ont annoncé plusieurs fois leur despedida. Cette demande de plusieurs sociétaires et certaines circonstances m’ont poussé à prendre cette décision.

Ce n’est pas l’actualité de cette temporada 2024 qui me passionne. Le comportement des toros, notamment à la San Isidro, est très décevant, sans vraie bravoure ou par leur absence de continuité. Leur physique, trop souvent fuera de tipo, notamment au niveau de leur trapio ou de leur poids, me paraît la cause majeure de cette situation guidée par les vétérinaires officiels. Quelle peine d’entendre Juan Pedro Domecq s’excuser publiquement du comportement de ses toros. Je prends un peu de recul pour voir l’évolution de la temporada en cours.

Mon choix était motivé par l’étonnement de la récente lecture du philosophe Fabrice HADJADJ « Écologie tragique – Le Taureau par les cornes ». L’auteur, de tradition juive, fut militant maoïste athée avant de se convertir soudainement au catholicisme en 1999 dans des circonstances similaires de celles du Diplomate-Académicien Paul Claudel 100 ans plus tôt, un jour de Noël.

Ce livre amène le lecteur à de nombreuses réflexions, à la fois philosophiques et bibliques de l’auteur. Il faut noter ses références aux Écritures de l’Ancien Testament, à la « Cité des Dieux » de Saint-Augustin, jusqu’aux Épîtres de Paul et pourtant, sans oublier de donner une importance au Sphinx de Gizeh et à Nietzsche, pour nous amener aux conceptions des écologies.

Dès le début, on est étonné lorsqu’on prend connaissance de la couverture du livre avec son sous-titre « Le taureau par les cornes » et la présence centrale du dessin représentant un taureau montrant ses signes de sauvagerie. On sent l’intérêt chez l’auteur des symboles de cet animal sujet de notre admiration d’aficionado, relié à l’écologie à la base de l’actualité de nos temps modernes. Notre époque où nos antis confondent volontairement Écologie, Animalisme et Véganisme. Nous savons que le problème est plus complexe.

Dès le chapitre deuxième, le titre « Aux cornes menaçantes », sous-titre « Nietzsche et Saint-Paul Toréadors » attire notre attention. Notre philosophe nous fait remarquer que l’historique philosophe allemand (mort en 1900 après 10 ans de déficience mentale) devenu vieux, revient sur son livre « La naissance de la tragédie ». Il éclaire les premiers pas de sa pensée « Ce qu’il me fut alors donné de concevoir ? (quelque chose de terrible et périlleux) » un problème aux cornes menaçantes (pas nécessairement un taureau sauvage) en tout cas un problème nouveau… » « le problème de la science » elle-même.

Paul, dans l’Épître aux Corinthiens, entre aussi dans l’arène. La course est course et combat : « Si je cours, ce n’est pas sans but et si je me bats, ce n’est pas en frappant dans le vide ».

Revenons plus précisément à l’écologie que l’on qualifie de plusieurs adjectifs :

« Écologie Humaine » qui prendrait une écologie fondée sur l’anthropologie chrétienne qui raccorderait des exigences environnementales et des préoccupations sociales.

« Écologie Conservatrice » qui refuse le progressisme sociétal

« Écologie tragique », formule plus percutante choisie par Fabrice Hadjadj. C’est admettre une tension irréductible à la vie qui se partage entre l’ordre et le chaos, la beauté et la mort. Le philosophe rappelle qu’il y a ceux qui veulent sauver la planète – point de vue orgueilleux – et ceux qui veulent simplement préserver l’environnement – trop modestes. Ceux qui pensent qu’une planète sans l’homme serait plus agréable. Il faut cesser de donner la vie pour préserver les autres espèces. Hadjadj rappelle que la création n’a de sens que pour l’homme qui en prend soin. Il s’élève contre ceux qui idéalisent excessivement la nature. Il rappelle l’exemple des chimpanzés capables des pires atrocités sur leurs congénères. N’oublions pas celui des toros au campo qui s’unissent pour se révolter et pour achever de leurs cornes le chef du troupeau.

« L’écologie tragique » n’est pas la religion cosmique des anciens où l’homme se perdait dans le « grand tout ». Pour Hadjadj, l’écologie tragique articule l’exigence de la sauvagerie et la certitude de la fin. Son exigence n’est pas de durer mais de donner : « La vie se donne. Sitôt qu’elle ne songe qu’à la conserver, elle se perd ». Son modèle n’est pas la jungle mais le jardin. Ou l’arène.

En titrant son épilogue « A Puerta Gayola » – la Porte de la Geôle – il l’accompagne du poème de René Char :

Il ne fait jamais nuit quand tu meurs
Cerné de ténèbres qui crient
Soleil aux deux pointes semblables
Fauve d’amour, vérité dans l’épée
Couple qui se poignarde unique parmi tous

En effet, le philosophe termine son livre par un éloge de la corrida, exemple même d’une écologie tragique : elle met en scène un fait originaire. Face à face, entre l’homme et la nature, sans masquer la part de violence et la mort. Dans l’arène se déploie un art, à la fois indéfendable et irrésistible, comme dit Orson Welles. Ernest Hemingway écrit à ses lecteurs des States, après les corridas de Pamplona « Bullfighting no is a sport, is a tragedy ». L’auteur nous décrit magnifiquement, avec sa culture millénaire, sa langue simple mais éblouissante, cette Puerta Gayola. Je considère qu’il a tout compris. Il a su relier à son texte des citations pleines de profondeur et de lumière.

« La fanfare se tait. Le public retient son souffle. Le torero s’est mis à genoux devant la porte du toril. Il étale sa cape devant lui, à la manière d’un tapis rouge. Il attend qu’on ouvre. Son torse est labouré d’inspirations profondes. Il lutte contre la panique, essaie de dominer son cœur qui voudrait bien déguerpir de sa poitrine. Quel énorme boulet de canon va sortir ? Il ne sait pas. Quelle foudre épaisse vouée à l’embrocher ? »

Pour appuyer son affirmation sur l’écologie tragique de la corrida, il nous rappelle que la corrida actuelle est basée sur un élevage pour l’ensauvagement !! « De par l’élevage qui la fonde, elle en introduit la pratique exemplaire de l’Écologie tragique ». Cet élevage ne vise pas la domestication mais l’ensauvagement. L’éleveur du taureau de combat veille à ce que l’animal ne soit pas manso mais bravo, moins manso que sauvage. Un herbivore féroce est la quadrature du cercle pour nos prairies policées. Plus il se débat, plus il secrète des beta-endorphines, si bien qu’il se sent moins bien sous les caresses que sous les banderilles ! Vous retrouverez ces données plus techniques dans le livre d’Antonio Purroy « Le mouvement animaliste et la tauromachie » qui devrait paraître prochainement traduit en français.

« Le toro de lidia est un grand conservateur de l’environnement. C’est un grand écologiste sans le savoir, un vrai écologiste ». « En même temps, le toro de lidia qui habite dans la dehesa, est un écosystème agropastoral de grande valeur environnementale créé sous l’influence de la main de l’homme ». La densité moyenne de cet élevage est estimée à 0,35 animaux par hectare, ce qui convient parfaitement au maintien et à la conservation de cet espace. Vous voyez bien que les attaques virulentes des animalistes et des végans n’ont rien à voir avec la position des écologistes contre la corrida.

La nature devient une matière dont nous ne pouvons détruire et piller la planète. Le philosophe écarte l’Écologie Complotiste, philosophie des post-modernes pour lesquels « l’homme doit disparaitre (Manifeste Cyborg). Il n’est qu’une parenthèse néfaste dans l’histoire de la vie ».

Ce livre est complet et les connaissances taurines de l’auteur, tant psychologiques, philosophiques que techniques, sont étonnantes. Je tenais à vous le présenter, tant par sa qualité littéraire et philosophique que pour sa conclusion, sa défense de « l’existence du combat » dans la corrida, de l’homme et de ce toro dont j’espère que les ganaderos arriveront à maintenir les caractéristiques essentielles.

Madrid m’a inquiété mais les Victoriano del Rio et les Juan Pedro Domecq d’Istres m’ont rendu l’espoir.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU

ÉDITORIAL AVRIL 2023

C’EST LE MOMENT !!!

Nous vivons de nos jours en France une époque très agitée où notre système public, prisonnier de l’effet trop souvent détestable des réseaux sociaux et des médias bien pensants, ne fait plus ressortir des hommes susceptibles d’entraîner notre population vers des objectifs créatifs qui puissent développer positivement notre société. Certains me diront que les causes de cette situation sont connues mais je leur répondrai qu’elles sont très mal gérées, par obscurantisme ou manque de courage. Ces raisons sont différentes mais nous périclitons avec des conséquences négatives similaires. Nous vivons à la dérive comme les naufragés du « Radeau de la Méduse » de Géricault, à la recherche de sauveteurs. Dans ces circonstances, je vais me limiter à mes inspirations tauromachiques.

En premier, je m’interroge sur l’intérêt pour les lecteurs des 110 éditos qui ont paru sur notre site. Ont-ils été clairs pour vous ? J’ai voulu vous apporter à la fois mes interrogations et mes propositions concernant la situation de notre passion, avec mon expérience de près de 60 ans d’aficion vécus sur la plupart des territoires où s’est implanté depuis des siècles le « culte » du combat de l’homme et du toro de l’Antiquité jusqu’à nos jours, dans nos terres du Sud et dans les territoires d’Amérique Latine. Elles concernent bien sûr les intervenants actifs des ruedos et des campos, les managers financiers, mais aussi notre comportement d’aficionados qui ne doivent pas se contenter d’être des consommateurs. Nous ne sommes pas les personnages principaux de ces ruedos mais nous devons faire en sorte qu’on ne nous les vole pas au profit d’intérêts uniquement lucratifs, incapables de résister aux volontés destructrices des motivations des « nouveaux philosophes ».
Ces cinq dernières années ont failli mettre les corridas à genoux en France, tant pour des circonstances sanitaires externes que par l’agressivité de nos adversaires soutenus par les mass-médias qui ont confirmé trop souvent leur médiocrité intellectuelle mais surtout leur manque d’éthique. Heureusement, devant cette situation extrême d’adversité, nous avons su réagir, tant chez les aficionados de base, que dans les organismes créés pour positionner progressivement la corrida et sa légalité. Ce fut difficile mais ils ont su s’implanter grâce à l’appui de personnages majeurs, tant dans le passé qu’aujourd’hui. Nous avons pu résister à la fois aux conséquences de la pandémie comme à celles des attaques frontales de nos ennemis qui veulent nous détruire et que nous avons pu repousser pour le moment.

Je veux associer à ce comportement positif, celui des toreros français qui ont su « monter au front » pour démontrer que leur monde n’est ni artificiel, ni criminel mais qu’il correspond à l’engagement d’hommes qui ont l’ambition et l’héroïsme, comme leurs prédécesseurs, d’affronter cet adversaire exceptionnel qu’ils vénèrent : le toro bravo.
J’espère que nous saurons rester vigilants. Nos amis espagnols n’ont pas suffisamment résisté à des motivations politico-nationalistes de leurs adversaires. Ils ont malheureusement laissé s’installer cette démarche électoraliste dans des zones où les corridas étaient une tradition ancestrale primordiale. Pourtant, toutes les instances juridiques, sans oublier le Tribunal Suprême, confirment la légalité de la corrida sur tout le territoire espagnol, même en Catalogne, aux Baléares, aux Asturies et en Galice où des élus, parfois même minoritaires, ont continué leur agression envers la tauromachie. Cette situation est due au comportement du monde empresarial et même ganadero qui n’a agi trop souvent que pour protéger ses intérêts à courte vue, sans s’associer à l’aficion qui de son côté n’a pas su se structurer. Elle a malheureusement des conséquences chez nous. Cependant, nous devons remercier ceux qui ont instauré depuis cinq ans des compétitions régionales de novilladas, parfois télévisées. Elles ont permis aux jeunes de toréer en Espagne dans des conditions respectables.
En ce qui me concerne, vous pouvez remarquer que dans mes éditos, depuis près de 10 ans, je n’ai pas changé de position, tant sur nos fondamentaux que sur l’évolution déficiente du monde taurin, mais aussi sur les qualités défendues par certaines organisations ainsi que sur les personnalités de nombreux toreros « anciens et modernes » dans les ruedos. Je constate qu’à Béziers, dans sa majorité, l’aficion locale a amélioré son attitude et son rôle éducatif et culturel vis-à-vis du public et notamment de la jeunesse. Par contre, elle n’a pu jouer son rôle qu’occasionnellement, en ce qui concerne la politique d’organisation des arènes, tant à la Commission Taurine que dans ses relations de communication avec l’aficion et la population en général. Je signale cependant l’exception positive de la période 1980-1990 où des Biterrois se sont impliqués positivement dans le fonctionnement. Les responsables savent-ils ce que nous aimons, ce que nous souhaitons, ce qui peut attirer plus de monde dans nos arènes du Plateau de Valras pour promouvoir à nouveau la corrida à Béziers. Je ne puis que rappeler la volonté populaire pour sa construction en 1897 après l’incendie « Palazy », pour affronter les conséquences de la dure crise viticole de 1907, celles de la guerre 14-18 sur l’édifice devenu inutilisable. C’est chaque fois les Biterrois qui l’ont construit, sauvé et remis en état de fonctionnement pour une reprise exceptionnelle de trois corridas pour la temporada 1921.

Je ne citerai pas les noms des personnages majeurs de la cité, solidaires dans la Société des Arènes qui a sauvé notre monument de la démolition et permis le renouveau sous l’adage « Béziers, par Béziers, pour Béziers ».

N’oublions pas la création par la municipalité de la Feria en 1968, alors que nous étions au plus bas aux arènes. Elle a redonné une corrida et deux novilladas avec picador dès 1969 jusqu’à l’inoubliable mano a mano Paco Camino/Paquirri de 1971. Elle a créé un évènement festif annuel qui a entraîné les foules d’aficionados et de touristes dans notre ville qui profitèrent aussi au commerce local et au renom de notre cité.
Tous les problèmes n’ont pas les mêmes solutions mais l’histoire de notre passé confirme que, lorsqu’il y a eu urgence, la volonté des Biterrois a permis de redonner la vie. Qui pouvait imaginer qu’en 2023, l’aficion de notre ville puisse être à l’origine, à partir des années 2000, de la prise d’alternative de matadors de toros de quatre jeunes Biterrois ? Tout est parti début 90, d’un groupe d’aficionados Biterrois passionnés et dévoués. Ils avaient su détecter les prémices d’un talent exceptionnel dans la jeunesse de Sébastien Castella. J’ai pu apprécier le travail de son mentor Claude Naquer, banderillero Biterrois, dans les capeas, les tientas et sa première novillada d’Aignan (Gers) en 1997. Robert Margé a ensuite permis de favoriser l’activité de Sébastien comme novillero « puntero » en Espagne, en France et au Mexique jusqu’à son alternative à Béziers le 12 août 2000.

Progressivement, Sébastien Castella est devenu Figura del Toreo dans les tous les territoires de la tauromachie moderne. L’École Taurine, créée entre-temps, a poursuivi cette période d’initiation de la jeunesse attirée par notre tradition et le succès de Castella. Les résultats ont confirmé l’aficion de trois jeunes de Béziers : Thomas, Gaëtan et Charles qui prirent successivement l’alternative à partir de 2011, sous le nom de Tomas Cerqueira, Cayetano Ortiz et plus récemment Carlos Olsina.

Qui aurait cru il y a 50 ans, que Béziers puisse préparer à l’alternative quatre matadors d’origine locale dont un des plus brillants de l’histoire moderne ?

Je crois avoir déjà tout écrit sur ce que je pense sur la situation de la tauromachie, tant mondiale que locale. Je pense que c’est pour moi le moment d’arrêter mes éditos. Les dernières nouvelles du meilleur chanteur français actuel m’ont amené à lire l’autobiographie « Florent par Pagny » qu’il conclut par « Un Salut ». Le Salut. Le mot me plaît. Il dit au revoir et bonjour
« Il est un éternel recommencement
Il est aussi la chance, l’optimisme, la guérison
Il ferme une porte avec l’avenir » 
Alors je vous dis Salut les « amis », bien sincèrement, bien amicalement, quittons-nous ici sur cette joyeuse perspective de chanter encore ensemble ». J’aime ce « Salut » que je pratique souvent personnellement et que j’avais déjà retenu dans la chanson de Michel Sardou comme titre de l’édition de décembre 2021.
« Salut, Salut, Salut
Et puis merci de m’avoir lu
Bien sûr que l’on se reverra. Salut
 ».
Je ne puis qu’apprécier à sa juste valeur ce « Salut » interprété par ces artistes de talent, épris d’indépendance et de liberté. C’est une manière d’être vis-à-vis de son prochain.
Je me joins humblement à ce Salut à votre attention « a mi manera ».

Le responsable de rédaction : Francis ANDREUÉdito 111 – avril 2023 (photos des 4 toreros : Foto Joe)

RECHERCHE

Du 1er juillet au 17 septembre 2023 exposition JEAN DE LABEL au Musée Taurin de Béziers

Tableaux de Jean de Label, artiste-peintre et journaliste taurin biterrois des années 50, de son vrai nom Henri Cavaillès.

Afin de monter cette exposition, l’Union Taurine Biterroise est à la recherche de familles biterroises qui possèderaient des œuvres de cet artiste aux fins d’exposition durant l’été 2023.

Merci à ceux qui auront la gentillesse de prêter leurs tableaux, de se faire connaître auprès de la Présidente de l’UTB, Marie-Françoise Rouzier – 06 07 56 52 81 ou par mail : uniontaurinebiterroise@gmail.com