TORISTE ET TORERISTE
Cette classification, par une terminologie empreinte d’exagération et même d’extrémisme, est censée distinguer les amateurs de corridas selon leur goût :
- par les ganaderias et les corridas dites « dures » pour les toreros « vaillants » (toristes)
- par les ganaderias et les corridas dites « faciles » pour les toreros vedettes ou « artistes » (toreristes).
Cette séparation, qui divise les aficionados, nous paraît regrettable car basée sur un malentendu. Le Toro bravo est cet animal exceptionnel qui, par son agressivité naturelle génétiquement « améliorée » par la sélection, combat l’homme (le torero) dans le milieu fermé de l’arène depuis des siècles. La vraie bravoure le pousse vers un combat « loyal » atteignant parfois « la noblesse », quand son agressivité ne se transforme pas en « genio » ou en « mansedumbre » ;
L’aficionado doit savoir apprécier le comportement du Toro pendant les trois phases de la corrida qui ont été codifiées au XVIIIème siècle, notamment par les « historiques » Pedro Romero, Pepe Hillo et Francisco Montes « Paquiro ». Ces hommes ont voulu affronter la force brute, parfois violente, avec progressivement l’objectif de l’approcher, de maitriser sa charge, de la conduire et si possible, de la « templer » pour conclure sa faena par l’estocade.
Le but du Torero ne doit pas être de se battre avec le Toro. Cette lutte avec la force de l’animal serait perdue d’avance. Il doit utiliser sa connaissance, sa technique acquise et améliorée dans le temps par le travail et l’intelligence de générations de Toreros. Cette technique s’exprimera différemment selon les caractéristiques du Toro et surtout les capacités du Torero, son intelligence, son courage et sa sensibilité.
Comment caractériser les Toros?
Si nous voulons rester sur des références des arènes biterroises, le Toro Bravo n’est pas seulement l’historique Mirlito de Miura en 1983 ou certains de ses congénères de Zahariche qui ont marqué la décennie de 1990 à 2000, mais aussi l’extraordinaire Cara Alegre de Valdefresno indulté par Yvan Garcia en 2006 ou son frère de camada combattu le même jour par Antonio Ferrera.
De même pour le Toro complet d’Alvaro Domecq toréé par Victor Mendes en 1992. Nous ajouterons volontiers le magnifique « castaño » de Gracigrande pour David Mora (meilleur toro de la feria 2012), sans oublier « Peleon » des Héritiers de Salvador Guardiola dont les qualités exceptionnelles furent mises en valeur par Emilio Oliva et son picador Michel Bouix lors du Festival des Clubs Taurins en 1992.
Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive mais démontre la diversité des encastes de référence. Ce n’était pas des Toros pour « Toristes » ou pour « Toreristes » mais des authentiques Toros Bravos. Certes les aficionados ont parfaitement le droit d’apprécier des combats, des faenas des Toreros de type différent, suivant leur sensibilité. Mais ils ne doivent pas oublier que l’essentiel dans la corrida est l’émotion, qu’elle vienne du Toro (s’il est brave) du Torero (« Artiste » ou « Gladiateur ») et surtout de la symbiose des deux. C’est le seul critère valable qui justifie notre aficion.
Si les aficionados se mettent d’accord sur ce principe, le respect entre les deux tendances est possible en refusant les extrémismes des « ayatollahs » ou l’aveuglement de certains esthètes. Si nous restons lucides, nous pouvons maintenir vivante, au XXIème siècle, notre passion, tant face aux « anti » de l’extérieur, qu’aux effets néfastes des manœuvres à l’intérieur du système.
Les aficionados sont condamnés à « vivre ensemble » leur passion s’ils veulent que la Corrida continue, car ces querelles ne profitent qu’à ceux qui les suscitent.
1er mars 2013 – n° 2