ÉDITORIAL – AOUT 2015

 mouchoirsLES OREILLES ET LES TROPHÉES

L’actualité attire notre attention sur l’attribution des trophées par les présidences et leurs répercussions par les médias taurins, pour ne pas dire la Com du mundillo moderne. Afin de lever toute ambiguïté, il est précisé dans l’article 82 du Règlement taurin espagnol, que les prix ou trophées décernés lors des corridas sont :
– oreilles,
– salut au tiers,
– vuelta al ruedo,
– sortie en triomphe par la Porte principale des arènes.
Le président pourra exceptionnellement estimer et concéder que la queue du toro soit coupée et attribuée au torero. Il est précisé que si la première oreille est attribuée à la demande majoritaire du public, la deuxième dépendra du jugement exclusif du président qui prendra en compte la demande du public, le comportement du toro, la bonne direction de la lidia, la faena tant à la cape qu’à la muleta et l’estocade. Mais pourquoi des oreilles et des queues comme récompenses ! Cette coutume apparaît à la fin du XVIIIème siècle dans les Real Maestranza de Caballeria, pour donner un signe de propriété au torero à pied méritant en lui attribuant tout ou partie de la viande de son toro.
La première attribution d’oreille connue officiellement à Madrid est celle qui fut décernée en 1876 dans la Plaza de Toros de Goya, à Chicoro qui venait de tuer Medias Negras de Benjumea en présence du roi Alphonse XII. Le triomphe du torero fut total après une faena complète, saut à la garrocha, pose de banderilles qualifiée d’admirable et après un stupéfiant volapié, le toro mourant instantanément, sin puntilla. Le public en délire, enthousiaste, demanda que la dépouille de Medias Negras lui soit attribuée. Après l’acceptation de la présidence, le torero coupa lui-même l’oreille du toro devant le public frénétique, créant un spectacle sans précédent dans la Plaza de Toros de Madrid. Le début d’une ère nouvelle s’écrivait. Cette pratique s’est institutionnalisée et incluse dans le règlement taurin comme vu ci-dessus.
L’attribution de trophées a pris de l’ampleur dans le temps. C’est ainsi que le fameux José Gomez, El Gallo, fut le premier à couper une oreille à la Real Maestranza de Sevilla en 1915. Le comble arriva en 1939 où un jeune novillero sévillan du quartier de San Bernardo fut tellement exceptionnel et provoqua un tel enthousiasme du public que le président dut lui concéder 2 oreilles, la queue et jusqu’à deux pattes du novillo. Il devait devenir le grand Pepe Luis Vazquez décédé en 2013. Ces pratiques étaient excessives mais spontanées. Elles correspondaient à l’enthousiasme d’un public, d’un peuple pour qui la corrida était un exutoire naturel de sa joie, de sa passion et de ses tragédies, dans ces époques difficiles qu’a connues l’Espagne.
Dans l’actualité, certains éditorialistes et journalistes taurins sérieux, dénoncent le recours abusif à ces récompenses par le monde des empresas et des apoderados influents, avec la complicité de certains médias qui utilisent l’annonce des trophées dans leur politique de communication pour leurs spectacles ou leurs protégés. Toujours aussi compétent et indépendant, le madrilène Paco Aguado ose même écrire : « La tyrannie informative des oreilles » et dénoncer « la progressive dégénérescence de la chronique des toros ».

Nous avons déjà dénoncé les titres trompeurs – trapaceros – de certains chroniqueurs (si on peut les appeler ainsi) qui ne font allusion qu’aux « triomphes historiques » et aux « apothéosiques sorties a hombros » qui se basent uniquement sur des chiffres qui ne reflètent pas la véritable substance du toreo et cherchent seulement l’effet publicitaire. Ces comptes-rendus et ces titres, notamment sur les sites internet spécialisés, ressemblent trop à des « tableros deportivos » qui comptabilisent les scores et les goales et nous rappellent les classements de la Liga. Personnellement, si je regrette et dénonce cette pratique des médias serviles et intéressés, je ne remets pas en cause le principe de l’attribution des trophées aux toreros à la fin de leur faena. Si elle est utilisée avec indépendance et clairvoyance, tout en mettant la faena du torero en valeur, elle permet de valoriser auprès du grand public la substance de la corrida ainsi qu’une échelle de valeur de la performance des toreros dans le ruedo. Tel qu’il est rédigé, le Règlement taurin français, comme l’Espagnol, est suffisamment précis pour permettre au président de doser ses décisions en tenant compte de la ferveur populaire qui, dans certains cas, peut s’imposer à lui. Il faut qu’il soit suffisamment lucide, serein et expérimenté pour montrer son autorité aux cuadrillas (elles comprennent vite votre compétence, votre fermeté réelle et votre crédibilité).

Le président doit aussi veiller au respect de l’ordre public, tant dans le ruedo que dans les gradins. Les techniques modernes facilitent la communication avec les alguaziles et les responsables du maintien de l’ordre. Le président ne doit pas chercher à être le protagoniste de la corrida mais il doit l’accompagner, tout en maintenant l’éthique indispensable à ce spectacle si particulier. Il est évident que les présidents ont des sensibilités différentes qui peuvent ressortir dans leurs jugements sur les toros et sur les toreros. Ils doivent cependant tenir compte du point de vue du public mais ne doivent pas être sous sa pression ni sous celle de l’empresario.

Cela nous amène à parler de la présidence de la Feria de Béziers 2015. Comme en 2014, M. le Maire a décidé de la confier à une seule personne. Nous aurions donc dû voir une présidence qui maintienne ses critères d’appréciation durant les 5 spectacles majeurs, en gardant sa sensibilité personnelle pour octroyer les trophées. Au contraire, j’ai regretté des différences entre chaque corrida, surtout au niveau des oreilles octroyées :
– Comment décerner 1 oreille à Pablo Hermoso après 3 pinchazos et une à Perera le même jour après une estocade nettement caïda d’un banal Jandilla ? Dans ces conditions, ces oreilles ne pouvaient être attribuées qu’après des pétitions nettement majoritaires et insistantes du public et être compatibles avec l’esprit du règlement. Ce ne fut pas le cas.
– La présidence (certes ce n’est pas la seule), a primé excessivement les estocades a recibir (à la mode) même mal exécutées, mal positionnées ou peu effectives.
– L’oreille du premier novillo d’Andres Roca Rey n’a pas été attribuée, malgré une pétition très nettement majoritaire et bruyante.
– Sébastien Castella s’est vu attribuer les 2 oreilles du 5ème Garcigrande alors que sa faena à son premier était nettement supérieure, à nos yeux, devant un beau toro plus exigeant dont Sébastien sut tirer la quintessence.
– A la fin de l’excellente faena complète d’Escribano face au bon 4ème de Margé, la Présidence a laissé monter au maximum la pétition unanime du public. Alors qu’elle paraissait vouloir montrer les deux mouchoirs en même temps pour attribuer les oreilles comme le public s’y attendait, elle n’a accordé incompréhensiblement qu’une oreille ( ?). Encore une décision qui perturbe le public car incompatible avec les précédentes.

Ces décisions incohérentes (laxisme et fermeté) ne justifient pas de recourir à la présidence unique, tout du moins en ce qui concerne l’unité des critères et la crédibilité des jugements de l’Autorité vis-à-vis du public. Ces commentaires, bien entendu, n’ont rien à voir avec la personne du président désigné qui a peut-être subi la pression de certains assesseurs, qui ne doivent être que des conseillers. Le public des arènes de Béziers est très divers : spectateurs biterrois manquant de références extérieures, touristes le plus souvent occasionnels et aficionados expérimentés minoritaires. Il est bon de ne pas le troubler par des décisions contradictoires. Certes pour les amateurs affirmés, le plus important est le contenu des faenas mais le public a besoin d’une confirmation officielle de ses sensations, par des décisions présidentielles cohérentes. Sinon, nous n’améliorerons pas les connaissances de notre public, surtout que nous pâtissons de plus en plus de l’absence des aficionados régionaux confirmés pour les consolider (notre édito de septembre 2014). A cet effet et dans un souci de cohérence des décisions, il faut noter l’initiative positive prise par la Fédération des sociétés taurines de France, pour la formation des présidences et pour l’attribution des trophées dans les arènes françaises.
Nous reviendrons sur le bilan de la Feria de Béziers pour la synthèse de fin août, notamment après la Semana Grande de Bilbao.

Pour conclure, nous tenons à souhaiter un bon rétablissement à Saul Jimenez Fortes après sa très grave blessure à la face à Vitigudino, en espérant qu’elle ne lui laissera pas de séquelles pénalisantes. C’est un très bon torero de la nouvelle génération, avec beaucoup d’aficion et d’une grande sincérité, mais ses graves blessures commencent à être préoccupantes.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Edito n° 28 – Août 2015

ÉDITORIAL – JUILLET 2015

VALOR Y AGUANTE – HONOR Y HONRA

Le torero doit posséder ces qualités de base pour se faire une place dans le monde exigeant de la Tauromachie. Certains me diront que j’ai oublié « el ARTE ». En fait, j’estime que l’expression artistique joue un rôle majeur en tauromachie mais elle ne peut s’exprimer vraiment que si les critères antérieurs sont respectés.
VALOR (courage) – Lorsqu’un « taurino » parle avec un collègue qui lui vante les qualités d’un jeune torero prometteur, sa question finale est : « pero tiene valor ? ». Le courage naturel est une condition obligatoire pour faire une vraie carrière de torero. Par son aficion, par son travail, sa capacité à assimiler les conseils pour améliorer sa connaissance du novillo, le jeune torero va acquérir le bagage indispensable pour affronter finalement le toro avec sa personnalité. Mais, si « no tiene este valor », il lui sera difficile d’avoir cette maitrise pour exprimer ses qualités techniques et artistiques. Ce COURAGE est fondamental pour que le torero démontre sa capacité d’AGUANTE, substantif du verbe « aguantar » (supporter).
L’AGUANTE désigne en tauromachie la force intérieure qui permettra de supporter la charge du toro sans broncher, dans l’immobilité totale, avec même parfois un orgueil méprisant. Cet AGUANTE a un double intérêt pour le torero : elle lui permet d’imposer sa maitrise à la bravoure du toro et de démontrer sa domination avec plus d’impact sur le public.
HONOR y HONRA – Pour distinguer ces deux mots qui pour certains sont synonymes, nous ferons appel à l’écrivain hispano-français, Michel del C
astillo, imprégné de la tradition, de la culture et de la langue de son pays natal. En Espagne, il existe deux mots : on peut obtenir des « HONORES » (des honneurs), on ne gagne pas la HONRA qui est le plus intérieur de la personne. « No tienne honra » « il ne possède aucun sens de la dignité ». La Honra peut même dégénérer chez certains dans la démesure de l’orgueil (hybris) et peut avoir des effets positifs mais aussi négatifs (ser mas : être plus).

Dans le monde taurin actuel, nous avons souvent l’occasion d’admirer le courage des toreros, indispensable dans leur profession. Malheureusement, la Dignité (Honra) y est souvent absente, tant chez les toreros que dans leur environnement : empresas, apoderados, banderilleros… Exemple récent : j’apprécie depuis ses débuts, les qualités du matador de toros madrilène Lopez Simon, basées notamment sur le Courage et l’Aguante. Après une très bonne carrière comme novillero et une alternative de luxe à Séville en 2012, les temporadas 2013 et 2014 n’ont pas donné le résultat escompté. Récemment apodéré, il venait de connaître deux grandes tardes de toros héroïques à Madrid, coupant 2 oreilles tant pour la Goyesca du 2 mai que le 24 mai pour la San Isidro. Je regrette que ce grand espoir de la tauromachie ait démontré que s’il possédait la majorité des valeurs précitées, il n’a malheureusement pas démontré la dignité (honra, honradez) que l’on pouvait attendre de lui. Il est vrai que l’exemple vient d’en haut…
Dans un premier temps, après ses succès madrilènes, il rompt les relations avec ses nouveaux apoderados, sans raisons apparentes… Dans un deuxième temps, après avoir envoyé un certificat médical à La B
rede prétextant son impossibilité d’y toréer le 20 juin à 18 H suite à sa blessure de Madrid, il fait le paseo le même jour à Istres à 11 heures pour remplacer JM Manzanares, dont l’absence était connue depuis plusieurs jours. Il triomphe et indulte un toro de Zalduendo. J’estime son comportement et son manque de dignité inacceptables. C’est malheureusement la marque de l’évolution du monde taurin qui ne le glorifie pas. J’approuve totalement la réaction du Maire de La Brede, face à ce comportement inadmissible et je demande aux organisateurs complices de fait « MAS HONRA » à l’avenir. Le monde taurin se porterait mieux si l’on y rencontrait plus souvent cette vertu, sinon il va à sa perte.

Les Ferias traditionnelles toristas de Pamplona et Céret correspondaient parfaitement pour illustrer ces valeurs. Elles ont eu un succès populaire important enregistrant tous les jours le « lleno ». Par contre, le résultat émotionnel et artistique espéré, ne l’oublions pas, n’a été atteint qu’en de rares occasions.
P
amplona connaît de nos jours des encierros qui battent tous les records de vitesse avec des toros entraînés à courir (notre édito d’août 2013) dans les « torodromes » des ganaderias. « Pero toros de calle o toros de plaza ? » (Paco Aguado). En effet, le résultat dans le ruedo a été décevant. Les ganaderias ont présenté pour certaines des toros d’âge excessif : près de 6 ans pour certains. Pourquoi ? Seuls les Jandilla présentèrent les toros qui permettaient, ce dont profita normalement Lopez Simon avec 3 oreilles exagérées (bien que par rapport aux 2 de Juli ?). Les ganaderias de Joselito, Victoriano del Rio (à l’exception du toro de Castella), Fuente Ymbro, Escolar Gil (à l’exception du 6ème d’Ureña), Conde de la Maza, Garcigrande… ont très déçu. quant à Miura, il a présenté une corrida déséquilibrée (3 et 3), très exigeante, à part le 2ème pour Bolivar.

En ce qui concerne les toreros :
– les membres du G4 ont été décevants malgré quelques oreilles « faciles ». Sin
HONRA, ni AGUANTE, ils ont rempli leur contrat avec leur métier et leur habileté. Nous avons noté positivement Lopez Simon, Jimenez Fortes (injustement traité par le Président), Sébastien Castella qui a permis à son premier de briller malgré sa faiblesse, Miguel Abellan pour sa volonté et son entrega, Eugenio de Mora pour son métier et son envie de revenir au premier rang après une bonne San Isidro. Quant à Manuel Escribano, outre ses prises de risques, il a montré devant ses deux adversaires qu’il avait la technique, le courage, la dignité, valeurs que le public unanime a encouragées et que la presse a reconnues.
A C
éret, les Adolfo permettaient (4) de triompher, les Juan Luis Fraile ont surpris agréablement certains qui ne les connaissaient pas, alors que les Dolorès Aguirre ont déçu.
Robleño surtout, devant son public Céretan, a pu se mettre en valeur devant les Adolfo
Martin, Encabo a démontré son professionnalisme et Perez Mota a confirmé qu’il s’acclimatait à ces toros, même s’ils sont un peu à « contra estilo » pour lui. Mais quand on n’a pas d’autres solutions pour toréer…
Pour conclure, ces deux ferias ont déçu, tant pour les toros que pour les toreros, notamment les figuras, à l’exception de Sébastien C
astella. Mais nous pouvons faire confiance aux organisateurs « honrados » de ces deux ferias, pour nous ramener des corridas plus convaincantes l’année prochaine.

Nous ne pouvons terminer sans mettre en avant des points positifs :
– la corrida de Bañuelos à
Eauze qui dépasse son succès de 2014. Les « toros du froid » (1100 m) méritent toute notre attention mais ne leur exigeons pas un poids excessif ;
– la domination écrasante du jeune Andrès R
oca Rey chez les novilleros. Non protégé en début de saison par rapport aux « señoritos » des puissants apoderados-empresas, il est à même tous les jours de lutter pour garder le puesto de n° 1, sans oublier l’esthétisme de son toreo. Tiene VALOR, AGUANTE, HONRA y… ARTE.

ENTRÉE DU MUSÉE TAURINNous ne pouvons que nous satisfaire que Béziers ait un véritable Musée taurin, tant au niveau de son cadre historique que dans la mise en valeur des collections de l’Union Taurine. Il fait l’unanimité et son inauguration, en présence de Sébastien Castella qui a offert son habit goyesque à sa ville, fut triomphale. La nouvelle salle réservée aux Goya étonne même les habitués et met encore plus en valeur les 40 eaux-fortes de l’édition Loiselet de 1876, récemment restaurées et ré-encadrées.

Nous aurions préféré terminer sur ces bonnes notes mais nous sommes obligés de regretter le comportement de la presse. Les sites taurins spécialisés nous inondent d’une communication mensongère non signée, notamment dans les titres. Seules quelques signatures d’éditorialistes bien connues sont fiables. Malheureusement, la presse locale a un comportent similaire. Elle s’est fait remarquer dernièrement par certains titres trompeurs et une communication très ciblée.  « Que poca honradez »
Par contre, vous pouvez voir sur le site TOROFIESTA.com – http://www.torofiesta.com/index.php?option=com_content&view=article&id=4065:2015-07-16-22-05-41&catid=1:nouvelles – l’intégralité de la magnifique exposition « Habits de lumières » du couturier taurin Justo ALGABA au Musée Taurin de Béziers.*

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Édito n° 27 – Juillet 2015

* 7 rue Massol, du mardi au dimanche de 10 à 18 heures jusqu’au 15 octobre.

ÉDITORIAL – JUIN 2015

Après lecture de l’édito dans la rubrique « ACTUALITÉS TAURINES »,  article et diaporama sur l’inauguration du nouveau Musée Taurin du Biterrois (15/06/2015).

CRITÈRES

La corrida de toros que nous connaissons au XIXème siècle est le résultat de l’évolution en Espagne des Jeux du Toro, de son affrontement avec la noblesse à cheval et au XVIIème siècle, des combats de l’homme à pied dans les plazas, tels qu’ils apparaissent dans la Toromaquia de Goya. Plus tard, il a paru nécessaire aux maestros eux-mêmes de codifier les usages de l’arène, pour que ce combat ancestral se transforme progressivement en un spectacle moins anarchique, plus maîtrisé et plus spectaculaire qui a permis aux aficionados de mieux le comprendre. Après le maître Pepe Hillo à la fin du XVIIème siècle, le fameux matador andalou Francisco Montes « Paquiro » est à la base de cette évolution qui a pu faire dire au célèbre commentateur taurin Ventura Bagnes « tout ce qui l’a précédé, n’a été que la préparation de sa venue, tout ce qui l’a suivi, une pure conséquence de son apport ». Si l’on excepte l’apparition du « Peto » qui permit plus tard (1928) la protection des chevaux, des picadors et de la « cruzeta » pour limiter les dégâts de la pique (1992), indispensables dans un monde moins sauvage et plus sensible, toutes les autres modifications ne sont que des détails qui ne changent rien aux principes de base de la corrida.
L’aficionado a évolué dans ses sensibilités, sa connaissance, mais il est indispensable que cette partie du public, qui peut avoir des avis différents sur la corrida, reste fidèle aux CRITÈRES de base de la tauromachie :
– la bravoure du toro de combat qui ne se résume pas à une agressivité sauvage désordonnée (genio) mais sous-entend un instinct offensif pendant les trois TERCIOS ;
– le comportement du torero avec son courage, sa technique et son ambition de triompher. Son objectif est bien entendu de « tromper » le toro pour dominer sa force brute mais il est souhaitable qu’il ne recherche pas à tromper le public et la Présidence dont la fonction est de faire respecter le règlement taurin et l’éthique dans tous les aspects de la lidia du toro bravo.
Le Président, à mes yeux, sans chercher à tenir le rôle principal, doit aussi participer à l’éducation du public en résistant parfois à des pressions, qu’elles viennent des professionnels ou du public qui n’a pas suffisamment de CRITÈRES pour faciliter son jugement.
Le rôle de l’aficionado expérimenté et averti, est aussi d’aider à éduquer ce public novice par ses réactions, son comportement, ses commentaires, éventuellement ses conseils mais aussi ses silences. Certes, tous les aficionados n’ont pas les mêmes conceptions pour apprécier le combat du toro ou les agissements du torero. Et pourtant, cela nous parait évident si l’on reste fidèle aux CRITÈRES de base qui sont :
– la définition du toro bravo,
– la technique et la sincérité du torero, tant durant la faena qu’au moment de la mise à mort.
Le reste n’est qu’une nuance attachée à la personnalité, à la sensibilité, en essayant de ne pas se faire aveugler, en acceptant aussi d’évoluer car la corrida est un spectacle vivant, avec ses conséquences, depuis des siècles : l’évolution du toro, l’évolution de la technique qui s’appuie sur l’expérience acquise et transmise par les toreros aux nouvelles générations. Cela ne s’invente pas, cela se peaufine et s’adapte à la personnalité du torero, à son courage et à son expression artistique. Que les aficionados et surtout le public en général n’oublient pas que les critères, eux, n’ont pas évolué, les différences paraissant importantes alors qu’il ne s’agit que de détails. Ils causent parfois, il est vrai, des divergences importantes mais qui ne doivent pas aveugler l’aficionado averti qui doit rester lucide (difficile…).

Si nous allons à l’actualité taurine, nous ne rentrerons pas dans les détails des grandes ferias traditionnelles qui se déroulent de la mi-mai à la mi-juin en Espagne (San Isidro) et en France les Pentecôte nîmoises et vicoises. Les Figuras n’ont pas trop marqué ces ferias, soit par absence de toro, soit par la présence du vent qui peut perturber parfois la qualité des spectacles et la sérénité des toreros. Nous ne pouvons ignorer cependant la volonté de Talavante et de Manzanares malgré… Seul Sébastien Castella, très concentré sur sa profession et ses responsabilités, a démontré à la fois une maîtrise, une sérénité nouvelle dont les effets sont particulièrement positifs sur son toreo. Toutes ses actuations sont empreintes de la même classe, même devant les Adolfo inadéquats de Madrid. Seuls les jeunes toreros ambitieux : Saul Jimenez Fortes, Lopez Simon, Juan del Alamo, Joselito Adame et Manuel Escribano, qui a si peu toréé pendant 10 ans et les « Revenants » : Eugenio de Mora, Morenito de Aranda, Miguel Abellan, Daniel Lluque (malgré une épée inacceptable), sans oublier Rafaelillo pour sa faena devant les Miura, ont démontré l’importance que représente pour eux un triomphe devant un grand toro de Madrid et son public qui devient très changeant, oubliant parfois « LES CRITÈRES ».
Les figuras du G4 et leurs acolytes qui leur permettent de « remater » les cartels dans les arènes inférieures, y ont fait le maximum pour défendre leur position devant des adversaires collaborateurs et au « trapio » trop souvent « anovillado ». Ils n’ont convaincu que la presse spécialisée « collaboratrice » et les publics ridicules. A mes yeux, ils ont marqué le pas dans cette phase importante de la temporada. Nous restons très préoccupés par le comportement et les motivations de la F.I.T. (Fondation Internationale de la Tauromachie) du mexicain Bailleres et de ses collaborateurs européens, tant au niveau de la gestion de leurs arènes que des toreros et novilleros qu’ils apodèrent, avec une médiatisation et des déclarations excessives qui manquent de sérieux et que reprend servilement cette presse spécialisée.

En France, les Ferias de Nîmes et de Vic ont déçu, à de rares exceptions, tant au niveau de la présentation des toros (à Nîmes) que de leur comportement (à Vic). Par ailleurs, je reste très déçu du comportement des publics de ces deux arènes prestigieuses. Ils ignorent complètement les CRITÈRES de base de la corrida car ils les ont oubliés. Il en est de même pour certaines Présidences, pourtant certaines avaient de l’expérience (même à Vic).
En ce qui concerne Béziers, la présentation des cartels de la Feria 2015 ne suscite pas de remarques particulières. Par contre, la dernière Commission Taurine Extra-municipale a été anormalement violente par instant. C’est inacceptable. Nous reviendrons sur Boujan à la fin de la temporada pour examiner le futur de ces arènes du Biterrois.

Nous tenons à attirer votre attention sur le fait que le 15 JUIN 2015 est une grande date pour l’Union Taurine Biterroise qui, dans le cadre d’un partenariat avec la Ville de Béziers, déplace à l’Espace Riquet (7, rue Massol), le siège de l’association et y présentera les pièces de ses collections, mises en valeur dans un cadre de qualité qui devient le Musée Taurin de Béziers. Vous aurez des surprises !

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Édito n° 26 – Juin 2015

EDITORIAL MAI 2015

TENGO RABIA

Je connaissais Destierto, toro de cinq ans, n° 130 de l’élevage des Frères GALLON, pour l’avoir vu au campo à plusieurs reprises dès juin 2014. Sa morphologie conforme à ses origines et ses armures, avaient attiré mon attention sur ce magnifique colorado. Je savais que, finalement, il devait être combattu à St-Martin de Crau dans la corrida de 6 élevages français pour représenter les couleurs Vert et Noir des éleveurs de Mas Thibert. Retenu à Béziers, je n’ai pu assister à cette corrida mais, le soir même, j’ai appris qu’il avait été désigné meilleur toro de la Feria de la Crau 2015. Quelle ne fut pas ma surprise et la Rabia (colère), après avoir parlé avec plusieurs professionnels français et regardé la vidéo, très complète sur internet, de constater que la Présidence n’avait pas honoré ce Toro, au minimum d’une Vuelta al Ruedo posthume et pourquoi pas d’un Indulto. Toro complet, avec 3 piques magnifiques prises de loin au galop et une faena de muleta de Morenito de Aranda où l’on a pu apprécier ses embestidas de classe, tant à droite qu’à gauche, malgré une « vuelta de campana » aux banderilles (très mal lidié après ces 3 piques) dont il s’est ressenti momentanément.

Nous avons eu droit ces dernières années à des vueltas et des indultos pour beaucoup moins que ça…, mais la Présidence de St-Martin n’a pas laissé la vie sauve à ce Toro qui pouvait servir de reproducteur. Que Rabia ! devant le peu de sensibilité taurine, de connaissance du Toro, d’aficion tout simplement. Certains disent que c’était le premier de la corrida et que la Présidence devait « gérer » les récompenses. Plusieurs éleveurs taurins camarguais expérimentés présents au callejon se sont écrié « Es de Vaca » ! Expression utilisée par les professionnels pour signifier que le toro doit servir de semental (mis sur les vaches). Cela aurait été le cas s’il avait été tienté au campo.

Que Rabia ! Ma seconde colère concerne le comportement des 3 Toreros qui ont gâché le lot très bien présenté de Nuñez del Cuvillo combattu pendant la Feria de Séville. Cinq toros sur six se sont comportés idéalement pour leur permettre de briller et de triompher. Même Jose Maria Manzanares, avec toujours autant d’esthétique, de majesté, de sens du temple, n’a pas apporté à sa faena la profondeur que méritaient ses deux Cuvillo. Certes, il aurait certainement coupé des oreilles s’il les avait bien tués mais dans sa faena il s’est contenté d’accompagner la merveilleuse charge de ses adversaires, sans la dominer, sans la conduire vraiment. Ses échecs à la mort ce jour-là sont peut-être dus à son manque de domination. Ses deux compagnons de cartel sont complètement passés à côté. Rivera n’est plus à sa place dans ces cartels d’arènes de Première Catégorie. David Galvan (jeune torero très protégé depuis 4 ans par le monde taurin, empresas et figuras) n’est pas encore à la hauteur de ce que prédisent certains spécialistes. Dommage pour le ganadero (quel lot exceptionnel) et pour le public de la Maestranza. Quel gâchis !

« Tengo mucha Rabia » devant le véto des toreros du G4 contre l’empresa de Séville. Ils jouent un jeu déplorable contre l’intérêt de l’aficion et de l’ensemble de la Planète du Toro. Je sais que je vais mettre les pieds dans le plat mais pour démontrer la raison de leur conflit (si elle est réelle), qu’ils mettent sur la place publique le montant de leurs cachets encaissés à Séville, Madrid, Bilbao et dans toutes les grandes arènes européennes, sachant que les arènes de Séville n’ont que 12 500 places depuis leur réforme. Vous auriez peut-être des surprises.

L’aficionado paie très cher son droit d’assister à une corrida dans la plupart des plazas. Il faut qu’il comprenne pourquoi. Quand il en aura assez de trop payer pour assister à des spectacles parfois peu brillants, il risque lui aussi de mettre un Véto à la majorité des arènes et donc aux toreros, même aux figuras.
Comment ne pas regretter l’absence de Talavante à Séville, quand vous voyez son extraordinaire faena à un bon toro de Teofilo Gomez pendant la Feria d’Aguascalientes au Mexique. Difficile à décrire. Dépêchez-vous, elle est encore sur internet. Qu’auraient-ils fait devant les magnifiques Nuñez del Cuvillo de Séville ? Qu’auraient-ils fait devant l’admirable embestida de toro bravo Turulato de Fuente Ymbro, désigné Toro de la Feria par le jury des vétérinaires officiels de Séville ? Ce sont de grands toreros, tant au niveau technique qu’artistique. Ils peuvent, certains jours, atteindre un niveau exceptionnel dans l’expression de leur tauromachie. Ils auraient triomphé et enthousiasmé le public. Pourquoi se lancer dans une lutte sans merci contre un organisateur, peut-être imparfait, mais qui leur a permis par le passé, de se faire connaître grâce au prestige de la Real Maestranza, en toréant les meilleures ganaderias, sélectionnées par eux-mêmes, qui leur ont permis de valoriser leur « production artistique » et professionnelle dans l’ensemble du monde taurin.
« Tengo Rabia » !

Heureusement, nous pouvons retirer quelques points positifs de la Feria de Séville :
– La corrida du Dimanche de Pâques avec la despedida du Maestro Espartaco ;
– Le lot de Nuñez del Cuvillo déjà cité ;
– 3 grands toros de Fuente Ymbro qui méritaient mieux ;
– 3 excellents toros de Victorino, dont l’extraordinaire Mecanizado, toréé avec maîtrise en entrega par un grand Antonio Ferrera : vuelta al ruedo du toro et meilleure faena de la Feria ;
– Excellent Sébastien Castella pour une faena pleine de temple, de douceur, de maîtrise, devant un toro d’El Pilar, un peu faible. Le soutien du public de la Maestranza obligea même la musique à jouer… Malheureusement, son échec à l’épée ne lui permit pas de remater la faena à sa juste valeur ;
– Jose Maria Manzanares, dans un style différent de ses habitudes, a prouvé son professionnalisme en triomphant devant le décevant lot de toros de Victoriano del Rio qui nous avait habitués à mieux en 2012 et 1013 ;
– Manuel Escribano qui avait pris la responsabilité d’affronter dans la même feria, les Victorino Martin et les Miura, a confirmé qu’il avait sa place dans les cartels des grandes ferias, n’en déplaise à certains esthètes amoureux d’un classicisme théorique de la corrida. Il est vrai que ce type d’aficionados qui s’auto-qualifient « d’élites », reprochaient par le passé au Maestro Damaso Gonzalez (dans un style différent) d’être disgracieux. Ils confondaient et leurs successeurs spirituels confondent l’esthétique avec le poder, le temple, l’entrega, dont le torero d’Albacete était la définition même ;

Félicitations à :
– Pepe Moral, ex novillero puntero, qui confirme sa bonne temporada 2014. Enhorabuena ;
– Davila Miura qui a démontré, après plusieurs années d’arrêt, que son aficion et sa technique étaient intacts. Sa maîtrise lui a permis d’affronter très honorablement ses difficiles toros de Zahariche ;
– Nazare, Adame, Borja et Javier Jimenez qui ont fait, avec leurs moyens, l’effort pour plaire au difficile mais connaisseur public de la Maestranza car ils avaient la chance d’y faire le paseo, EUX !

Nous mettons en exergue le comportement exceptionnel de Curro Javier de la cuadrilla de Manzanares, tant pour sa lidia toujours méticuleuse et templée au service de son maestro, que par ses magnifiques poses de banderilles très justement appréciées du public de Séville et des jurys qui lui ont attribué tous les prix de la Feria 2015. Nous n’oublions pas dans nos éloges, DIego Ventura, qui a confirmé qu’il est devenu indubitablement le Rejoneador le plus poderoso et le plus spectaculaire.

J’aurais beaucoup d’autres choses à dire qui m’agacent « et que me dan rabia » dans ce monde taurin, mais nous resterons sur ces points positifs.

P.S. Gala taurin du 2 mai  à Béziers :
– Bon comportement général des toros de Roland Durand, Pages-Mailhan et Blohorm.
– Application et volonté des toreros (chacun avec ses qualités) malgré certaines défaillances à l’épée, mais ils toréent peu…
– Absence regrettable de plusieurs clubs taurins et aficionados biterrois.
– Présence sympathique et majoritaire des aficionados Arlésiens et Beaucairois qui ont bien soutenu leurs toreros, EUX…

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – édito n°25

EDITORIAL- AVRIL 2015

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TORERIA

Ce début de temporada 2015 a été marqué par plusieurs évènements qui caractérisent le monde de la corrida dans lequel nous vivons. La communication a pris une place majeure, certes nécessaire, mais qui donne, malheureusement trop souvent, une image trompeuse.

Je souhaite préciser la signification du terme Toreria, dont l’utilisation par les médias taurins modernes est parfois abusive, mais aussi restrictive. Le Dictionnaire de la Real Academia Espagnole en donne deux significations qui, au premier abord, paraissent différentes mais en fait se complètent :
1/ El Gremio de los toreros : le Giron des toreros,
2/ Maestria, Garbo y Valor (de los toreros) qui peut se traduire par Aisance (et Brio), Elégance (physique mais aussi mentale) et Courage des toreros.
A mes yeux, celui dont le comportement dans le ruedo mais aussi en la calle ou au campo, ne suit pas ces critères (aisance, brio, élégance et courage), ne peut revendiquer vraiment cette qualification de Toreria. J’ai souhaité apporter ces précisions car elles correspondent parfaitement à ma vision du TORERO et aussi parce que je regrette l’utilisation actuelle de ce terme dénaturé par certains chroniqueurs taurins.
a tauromachie actuelle de Morante de la Puebla, dont le talent et la technique sont incontestables, répond à cette recherche d’esthétique et d’effet artistique récupérée par ces communicants plus aptes à se gargariser d’un terme idéalisé, plutôt que de nous faire ressentir les fondamentaux de sa tauromachie si complexe. Je crains que cette pratique idéaliste ne rende service, ni au public, ni à l’aficion, ni au Torero lui-même.
De nos jours le terme Toreria, utilisé de manière trop répétitive, est souvent mal adapté et même entaché de snobisme.

La détermination, la classe et le Recibir de Jose Maria Manzanares face à son deuxième Domingo Hernandez d’Arles, la faena et la magnifique estocade d’Eugenio de Mora à Madrid le dimanche de Pâques, la décision et la maestria d’Espartaco à La Real Maestranza pour sa vraie despedida et même la volonté de Padilla pour forcer avec ses collègues l’ouverture de la Porte du Prince pour honorer l’actuation et la carrière du maestro d’Espartinas, comme il l’avait fait pour la despedida de Jose Maria Manzanares dans ces mêmes arènes en 2006 : ESO ES TORERIA, TAN BIEN. (cette liste n’est bien entendu pas exhaustive).

Je vous souhaite de voir dans de vieux films se déplacer dans le ruedo, ou vestido de paisano, tant le grand Manolete que Luis Miguel Dominguin. Vous avez peut-être eu la chance de rencontrer S.M. El Viti sur la Plaza Mayor de Salamanca ou Paco Camino dans les rues adjacentes à la Real Maestranza, torero dans la vie comme dans leurs triomphes des années 70 à Las Ventas. Oui, on peut dire du comportement naturel de ces toreros exceptionnels « QUE TORERIA » !

ET LA TEMPORADA ?
– Ces dernières semaines, nous avons constaté que lorsque l’empresa monte un cartel attendu, le public accourt aux arènes. Que ce soit :
– à Las Ventas pour l’enceronna torista de Fandiño,
– à Malaga le samedi de Pâques pour le grand coup de com du G4,
– à Sevilla le dimanche pour la traditionnelle corrida de Pâques qui annonçait la despedida du maestro Espartaco, qui donnait l’alternative à Borja Jimenez avec JM Manzanares.
Le résultat n’a pas atteint les espérances des toreros, tant à Las Ventas qu’à Malaga, alors que la despedida d’Espartaco a rendu à la Maestranza le succès de ses dimanches de Pâques. Le risque de ces spectacles montés avec une grande communication, est de voir le public se comporter plus en consommateur qu’en aficionado, comme ce fut le cas à Madrid où une partie importante du public répercuta sa déception sur Fandiño, alors qu’il venait voir un évènement. En fait, l’échec venait surtout de l’organisation et des représentants de Fandiño dans le choix des toros, tant pour leur trapio que pour leur comportement par rapport à l’espérance du public.

– Dès les premières Ferias, la volonté du Juli de justifier ses paroles et ses actes, s’est confirmée surtout à Valencia. Perera et Talavante nous préparent certainement une grande temporada dans des styles très différents mais qui ne nous laisseront pas indifférents. Notre Sébastien Castella parait particulièrement motivé par son changement d’apoderado qui lui apporte encore plus de stabilité mais aussi de responsabilité. Ses triomphes à Mexico, en Colombie, Équateur et aux Fallas de Valencia ont démontré une grande sécurité et maîtrise dans son toreo qui n’enlève rien à son succès, bien au contraire. Tout porte à penser que 2015 devrait être pour lui une grande temporada. C’est une suite normale et nécessaire pour un torero indépendant qui doit marquer sa saison de jalons importants pour avoir l’appui évènementiel des médias et de l’aficion. Sevilla : 3 corridas, Madrid : 3 corridas dont les Adolfo Martin, Puerto de Santamaria : seul devant 6 toros. D’autres suivront… Enrique Ponce, autre indépendant, paraît très motivé et préparé pour une grande temporada, comme on ne l’avait pas vu depuis longtemps.
En ce qui concerne les jeunes et les revenants, nous remarquons : Jimenez Fortes à Valencia, Luque même si les Victoriano Del Rio décevants ne lui ont pas permis le succès retentissant mérité, Juan Del Alamo qui a confirmé ses temporadas antérieures par ses 3 oreilles d’Arles, sans oublier Eugenio de Mora, 1 oreille (pourquoi pas 2) à Madrid.

– Dans un autre registre, il est incontestable que les figuras ne tiennent pas à faciliter l’arrivée de jeunes matadors de toros dans leurs cartels. L’empresa de Madrid regrettait, au moment de monter la feria de San Isidro, de n’avoir pas pu y inclure de confirmations d’alternative. Nous constatons que Nîmes a suivi pour Pentecôte la même politique, contrairement aux années précédentes. Qui commande ?
Mont-de-Marsan vient d’annoncer ses cartels de la Feria de la Madeleine 2015 qui ne laissent de place que pour le jeune régional Thomas Duffau. Certes, les organisateurs de Dax paraissaient avoir d’autres intentions, confirmées par l’annonce officielle : apparition dans des cartels de qualité de Pepe Moral, Perez Mota, Juan Leal, Juan del Alamo, Manuel Escribano et Léa Vicens. Intéressants malgré l’absence de Sébastien Castella et Juan Bautista comme à Mont-de-Marsan ?
Nous ne comprenons pas que les autres grandes Ferias françaises n’arrivent pas à échapper au dictat des Figuras qui ne donnent pas de chance aux jeunes valeurs qui, pourtant, peuvent apporter de la variété à leurs cartels, sans baisser la qualité tout en diminuant des budgets élevés. Espérons que d’ici la fin de la temporada, ils pourront nous démontrer tout à la fois, qu’ils sont inventifs et indépendants.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – édito n°24 avril 2015

EDITORIAL – MARS 2015 (SÉVILLE 2015)

SEVILLE 2015

CRUZANDO EL CHARCO *

Cette expression populaire est encore utilisée par les Espagnols qui traversent l’Atlantique pour les Amériques et vice versa. J’ai eu l’opportunité récemment de « cruzar  el charco » avec comme destination l’Équateur, dans le cadre d’un voyage taurin et touristique. Je me suis rendu compte qu’en dehors, comme chez nous, de quelques exaltés minoritaires ou de « people » en mal de message, les problèmes rencontrés par la Tauromachie dans les pays andins résident dans le comportement des « politiques » toujours à la recherche d’une majorité électorale en s’appuyant sur des énigmatiques alliés potentiels.
Comment expliquer que dans ce pays, le président Rafael Correa ait fait interdire la mise à mort dans les corridas, uniquement à Quito et sa province de Pichincha, suite à un vote dévoyé, repoussé par toutes les autres provinces du pays. Cette décision a entraîné une polémique dans le monde taurin et depuis deux ans, l’arrêt « momentané… » de la Feria de Quito dont les arènes de 15 000 places se remplissaient pendant la Feria du Christ du Grand Poder. C’était un évènement touristique et culturel international qui attirait de nombreux aficionados et touristes américains et européens qui se déplaçaient pour le côté taurin et le magnifique centre historique de Quito. N’oublions pas les environs où l’on trouve la plupart des ganaderias de Toro Bravo à près de 3 000 mètres surplombées par « l’allée des volcans » : Cotopaxi, Cotacachi, Antisana, Cayambe Nevado… à plus de 5 000 mètres ainsi que la magnifique Laguna du cratère éteint du Quilotoa à près de 4 000 mètres.

Comment expliquer cette décision quand on voit et écoute le public des arènes d’Ambato, ville située à 2 500 m, surplombée par le volcan actif Tungurahua.  La Feria qui se déroule pendant le Carnaval à la mi-février accueillait Sébastien Castella, Joselito Adame, Manuel Escribano, Diego Urdiales accompagnés de toreros locaux. Près de 10 000 aficionados chantant debout avec ferveur leur hymne national avant le paseo, provoquent une grande émotion qui se transmet au spectateur étranger que nous étions, au milieu de ce peuple qui défend ses traditions.

Cette décision présidentielle n’est que de la politique politicienne. Ce n’est pas par ce biais que Correa règlera le problème réel des populations indigènes qui vivent pauvrement dans les magnifiques et impressionnantes zones volcaniques (quand les secousses telluriques et les éruptions volcaniques ne viennent pas les perturber). Pourtant, le président, profitant de la « manne » pétrolière, a pris des décisions efficaces importantes durant son premier mandat pour améliorer les conditions de vie de ses compatriotes. Qu’il ne les ternisse pas par des « dictats » populistes intellectuellement et socialement inexplicables.
C’est malheureusement le même type de comportement que celui du Maire de Bogota, Gustavo Petro, qui a interdit depuis deux ans les corridas formelles dans les arènes de la capitale colombienne. Toutes les décisions de l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle lui ont donné tort. Malgré tout, il se montre irrespectueux, tant vis-à-vis des Institutions que de l’Aficion de son pays. Cependant, les dernières injonctions de la Cour qui ont repoussé son recours en nullité, lui ont intimé l’ordre de remettre les arènes en état avant la fin 2016. Cela permettrait de redonner vie aux corridas en 2017.

« Cruzando el Charco », nous remarquons que les dangers qui menacent la corrida de l’extérieur ont les mêmes origines que chez nous. L’Aficion dans les pays sud-américains concernés : Colombie, Pérou, Équateur et Venezuela, est pourtant bien vivante.
En Équateur, les pueblos maintiennent aussi les traditionnelles fêtes des toros qui se déroulent à plus de 3 000 mètres dans les régions volcaniques, le plus souvent dans des corrales en bois avec des toros media-casta. On peut les voir en troupeaux importants côtoyant les lamas et même parfois les alpagas et les vigognes, au pied du fameux Chimborazo qui culmine à 6 238 mètres avec son sommet couvert de neiges éternelles et de glaciers. Ce volcan majestueux est un symbole important pour les tribus indigènes et le peuple du plus petit pays d’Amérique du Sud. Le diamètre terrestre étant plus important en Equateur, ils l’appellent « el punto mas cercano del sol ». Il inspira en 1822 au Libertador Simon Bolivar, un poème étrange « Mi delirio sobre el Chimborazo » qui démontre son impact quasiment mystique dans les Pays Andins.

Revenu chez nous, j’ai constaté que, malgré les beaux discours et les débats du Congrès International de la Tauromachie d’Albacete organisé par la Région Castilla-La Mancha, peu de choses changent et même reviennent à la case départ.
La Feria de Sevilla est à nouveau « contrariée » par les méandres de la guerre entre le G4 (sans Manzanares) et l’empresa Gaonera-Pages. Il y a trop de zones d’ombre dans cette affaire et nous ne voulons pas reprendre des arguments déjà exprimés dans nos prises de position antérieures. Laissons aux aficionados la liberté de choisir leur camp, d’autant plus que la situation est le résultat de conflits ambigus qui nous échappent. Cela devient lassant et même désespérant. De son côté, le gouvernement espagnol n’a pas encore sollicité le Tribunal constitutionnel sur la validité de la décision d’interdire les corridas en Catalogne, alors que la position du Congrès des députés espagnols est sans équivoque. Ce silence est regrettable car une nouvelle fois la Corrida est prisonnière du jeu des politiques.
Les élus espagnols auront-ils le courage de suivre l’appel d’André Viard au Congrès d’Albacete, au nom de l’Observatoire National des Cultures Taurines ? Il les a incités à commencer la démarche auprès de l’Unesco pour protéger la Corrida en demandant l’inscription de la Tauromachie au Patrimoine Culturel de l’Humanité, afin d’éviter de nouveaux déboires causés par un éventuel changement de majorité politique.
Qui mieux que l’Espagne peut prendre l’initiative de cette démarche pour protéger « notre » culture inscrite dans deux continents majeurs de la planète ?  Espérons toujours…

A bientôt pour commenter les premières corridas d’Olivenza, avant les Ferias du « Levante » : Castellon et Valencia, toutes caractérisées par des cartels très conformistes.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Edito n° 23 – Mars 2015

* Traduction littérale : en traversant la mare