ÉDITORIAL – JUILLET 2015

VALOR Y AGUANTE – HONOR Y HONRA

Le torero doit posséder ces qualités de base pour se faire une place dans le monde exigeant de la Tauromachie. Certains me diront que j’ai oublié « el ARTE ». En fait, j’estime que l’expression artistique joue un rôle majeur en tauromachie mais elle ne peut s’exprimer vraiment que si les critères antérieurs sont respectés.
VALOR (courage) – Lorsqu’un « taurino » parle avec un collègue qui lui vante les qualités d’un jeune torero prometteur, sa question finale est : « pero tiene valor ? ». Le courage naturel est une condition obligatoire pour faire une vraie carrière de torero. Par son aficion, par son travail, sa capacité à assimiler les conseils pour améliorer sa connaissance du novillo, le jeune torero va acquérir le bagage indispensable pour affronter finalement le toro avec sa personnalité. Mais, si « no tiene este valor », il lui sera difficile d’avoir cette maitrise pour exprimer ses qualités techniques et artistiques. Ce COURAGE est fondamental pour que le torero démontre sa capacité d’AGUANTE, substantif du verbe « aguantar » (supporter).
L’AGUANTE désigne en tauromachie la force intérieure qui permettra de supporter la charge du toro sans broncher, dans l’immobilité totale, avec même parfois un orgueil méprisant. Cet AGUANTE a un double intérêt pour le torero : elle lui permet d’imposer sa maitrise à la bravoure du toro et de démontrer sa domination avec plus d’impact sur le public.
HONOR y HONRA – Pour distinguer ces deux mots qui pour certains sont synonymes, nous ferons appel à l’écrivain hispano-français, Michel del C
astillo, imprégné de la tradition, de la culture et de la langue de son pays natal. En Espagne, il existe deux mots : on peut obtenir des « HONORES » (des honneurs), on ne gagne pas la HONRA qui est le plus intérieur de la personne. « No tienne honra » « il ne possède aucun sens de la dignité ». La Honra peut même dégénérer chez certains dans la démesure de l’orgueil (hybris) et peut avoir des effets positifs mais aussi négatifs (ser mas : être plus).

Dans le monde taurin actuel, nous avons souvent l’occasion d’admirer le courage des toreros, indispensable dans leur profession. Malheureusement, la Dignité (Honra) y est souvent absente, tant chez les toreros que dans leur environnement : empresas, apoderados, banderilleros… Exemple récent : j’apprécie depuis ses débuts, les qualités du matador de toros madrilène Lopez Simon, basées notamment sur le Courage et l’Aguante. Après une très bonne carrière comme novillero et une alternative de luxe à Séville en 2012, les temporadas 2013 et 2014 n’ont pas donné le résultat escompté. Récemment apodéré, il venait de connaître deux grandes tardes de toros héroïques à Madrid, coupant 2 oreilles tant pour la Goyesca du 2 mai que le 24 mai pour la San Isidro. Je regrette que ce grand espoir de la tauromachie ait démontré que s’il possédait la majorité des valeurs précitées, il n’a malheureusement pas démontré la dignité (honra, honradez) que l’on pouvait attendre de lui. Il est vrai que l’exemple vient d’en haut…
Dans un premier temps, après ses succès madrilènes, il rompt les relations avec ses nouveaux apoderados, sans raisons apparentes… Dans un deuxième temps, après avoir envoyé un certificat médical à La B
rede prétextant son impossibilité d’y toréer le 20 juin à 18 H suite à sa blessure de Madrid, il fait le paseo le même jour à Istres à 11 heures pour remplacer JM Manzanares, dont l’absence était connue depuis plusieurs jours. Il triomphe et indulte un toro de Zalduendo. J’estime son comportement et son manque de dignité inacceptables. C’est malheureusement la marque de l’évolution du monde taurin qui ne le glorifie pas. J’approuve totalement la réaction du Maire de La Brede, face à ce comportement inadmissible et je demande aux organisateurs complices de fait « MAS HONRA » à l’avenir. Le monde taurin se porterait mieux si l’on y rencontrait plus souvent cette vertu, sinon il va à sa perte.

Les Ferias traditionnelles toristas de Pamplona et Céret correspondaient parfaitement pour illustrer ces valeurs. Elles ont eu un succès populaire important enregistrant tous les jours le « lleno ». Par contre, le résultat émotionnel et artistique espéré, ne l’oublions pas, n’a été atteint qu’en de rares occasions.
P
amplona connaît de nos jours des encierros qui battent tous les records de vitesse avec des toros entraînés à courir (notre édito d’août 2013) dans les « torodromes » des ganaderias. « Pero toros de calle o toros de plaza ? » (Paco Aguado). En effet, le résultat dans le ruedo a été décevant. Les ganaderias ont présenté pour certaines des toros d’âge excessif : près de 6 ans pour certains. Pourquoi ? Seuls les Jandilla présentèrent les toros qui permettaient, ce dont profita normalement Lopez Simon avec 3 oreilles exagérées (bien que par rapport aux 2 de Juli ?). Les ganaderias de Joselito, Victoriano del Rio (à l’exception du toro de Castella), Fuente Ymbro, Escolar Gil (à l’exception du 6ème d’Ureña), Conde de la Maza, Garcigrande… ont très déçu. quant à Miura, il a présenté une corrida déséquilibrée (3 et 3), très exigeante, à part le 2ème pour Bolivar.

En ce qui concerne les toreros :
– les membres du G4 ont été décevants malgré quelques oreilles « faciles ». Sin
HONRA, ni AGUANTE, ils ont rempli leur contrat avec leur métier et leur habileté. Nous avons noté positivement Lopez Simon, Jimenez Fortes (injustement traité par le Président), Sébastien Castella qui a permis à son premier de briller malgré sa faiblesse, Miguel Abellan pour sa volonté et son entrega, Eugenio de Mora pour son métier et son envie de revenir au premier rang après une bonne San Isidro. Quant à Manuel Escribano, outre ses prises de risques, il a montré devant ses deux adversaires qu’il avait la technique, le courage, la dignité, valeurs que le public unanime a encouragées et que la presse a reconnues.
A C
éret, les Adolfo permettaient (4) de triompher, les Juan Luis Fraile ont surpris agréablement certains qui ne les connaissaient pas, alors que les Dolorès Aguirre ont déçu.
Robleño surtout, devant son public Céretan, a pu se mettre en valeur devant les Adolfo
Martin, Encabo a démontré son professionnalisme et Perez Mota a confirmé qu’il s’acclimatait à ces toros, même s’ils sont un peu à « contra estilo » pour lui. Mais quand on n’a pas d’autres solutions pour toréer…
Pour conclure, ces deux ferias ont déçu, tant pour les toros que pour les toreros, notamment les figuras, à l’exception de Sébastien C
astella. Mais nous pouvons faire confiance aux organisateurs « honrados » de ces deux ferias, pour nous ramener des corridas plus convaincantes l’année prochaine.

Nous ne pouvons terminer sans mettre en avant des points positifs :
– la corrida de Bañuelos à
Eauze qui dépasse son succès de 2014. Les « toros du froid » (1100 m) méritent toute notre attention mais ne leur exigeons pas un poids excessif ;
– la domination écrasante du jeune Andrès R
oca Rey chez les novilleros. Non protégé en début de saison par rapport aux « señoritos » des puissants apoderados-empresas, il est à même tous les jours de lutter pour garder le puesto de n° 1, sans oublier l’esthétisme de son toreo. Tiene VALOR, AGUANTE, HONRA y… ARTE.

ENTRÉE DU MUSÉE TAURINNous ne pouvons que nous satisfaire que Béziers ait un véritable Musée taurin, tant au niveau de son cadre historique que dans la mise en valeur des collections de l’Union Taurine. Il fait l’unanimité et son inauguration, en présence de Sébastien Castella qui a offert son habit goyesque à sa ville, fut triomphale. La nouvelle salle réservée aux Goya étonne même les habitués et met encore plus en valeur les 40 eaux-fortes de l’édition Loiselet de 1876, récemment restaurées et ré-encadrées.

Nous aurions préféré terminer sur ces bonnes notes mais nous sommes obligés de regretter le comportement de la presse. Les sites taurins spécialisés nous inondent d’une communication mensongère non signée, notamment dans les titres. Seules quelques signatures d’éditorialistes bien connues sont fiables. Malheureusement, la presse locale a un comportent similaire. Elle s’est fait remarquer dernièrement par certains titres trompeurs et une communication très ciblée.  « Que poca honradez »
Par contre, vous pouvez voir sur le site TOROFIESTA.com – http://www.torofiesta.com/index.php?option=com_content&view=article&id=4065:2015-07-16-22-05-41&catid=1:nouvelles – l’intégralité de la magnifique exposition « Habits de lumières » du couturier taurin Justo ALGABA au Musée Taurin de Béziers.*

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Édito n° 27 – Juillet 2015

* 7 rue Massol, du mardi au dimanche de 10 à 18 heures jusqu’au 15 octobre.