Edito n° 3 – Août 2024

POURQUOI ?

Les arènes espagnoles et françaises enregistrent des entrées satisfaisantes pour les organisateurs depuis le début de la temporada 2024. L’aficion se réjouit de voir ce public facile sur les gradins qui démontre son intérêt pour la corrida. Par contre, elle reste plus réservée quant au contenu de trop de ces corridas. Si le danger est toujours présent, elles ressemblent plus à un divertissement qu’au célèbre « bullfighting » dont parlait Ernest Hemingway. Cela tient aux deux éléments majeurs de la corrida : les toros et les toreros, sans oublier les organisateurs.

La temporada de despedida du Maestro Enrique Ponce apporte peu d’émotions aux aficionados épris de ce combat d’exception, hormis les références au passé et aux fidèles partisans du torero de Chiva. Les antis Morante qui n’avaient rien compris au génie inégalable du torero de la Puebla du Rio Guadalquivir doivent enfin se rendre compte des effets défavorables du moment difficile qu’a connu le Maestro sur le niveau moyen de la temporada actuelle qui manque de competencia. À mes yeux, les premiers du classement de l’escalafon se satisfont de leur position. Les cartels majeurs des ferias sont faits dès le début de la saison. Nous avons même connu les cartels de la San Isidro avant ceux de la Feria de Séville ne laissant que des miettes pour les toreros ambitieux. Je ne demande pas aux toreros de prendre des risques démesurés pour nous intéresser, même si cet aspect est inscrit dans les fondements de la tauromachie. Pourtant, ils savent démontrer leur réel potentiel certains jours clés de leur temporada où ils se mettent à leur niveau comme Andrès Roca Rey vient de le démontrer ce 22 août à Bilbao avec une des meilleures faenas que je lui connaisse.

Après avoir parlé avec plusieurs ganaderos espagnols, je pense avoir compris pourquoi la qualité des camadas de plusieurs grands élevages a baissé de niveau : l’année catastrophique du Covid pour le monde taurin en est la cause majeure. Avec peu de spectacles, les éleveurs ont dû sacrifier plusieurs toros de 4 et surtout 5 ans restés au campo. Cet effet a été très sensible pour ces élevages qui avaient préparé plus de dix corridas au campo pour lidier dans la temporada 2020. Pour rattraper dès 2021 ces manques, il a fallu accepter plus de jeunes mâles novillos et utreros de 2020 pour alimenter le marché taurin de 2023, 2024 et 2025.

Si on examine les toros lidiés en 2023, on note :

  • Victoriano del Rio + Toros de Cortes :         120 toros soit 20 corridas
  • Domingo Hernandez + Garcigrande :            120 toros soit 20 corridas
  • Nuñez del Cuvillo :                                       90 toros soit 15 corridas
  • Victorino Martin :                                          79 toros soit 13 corridas
  • Jandilla :                                                        66 toros soit 11 corridas
  • ….

Cela représentera plus de 10 toros combattus en 2021 par cette catégorie d’élevage. Il est à craindre une augmentation supplémentaire en 2024. Cela démontre un certain laxisme dans ces ganaderias pour approuver un nombre de vaches, de becerros et de novillos dans un objectif final quantitatif. En même temps, plusieurs ganaderias, cotées dans le passé, ont décidé, après avoir sacrifié des toros et même des novillos piqués en 2020 et 2021, de se limiter à lidier des becerros et utreros puisque leurs corridas de 4 et 5 ans sont refusées par les organisateurs et les apoderados des toreros principaux qui acceptent même de lidier dans des arènes de 3ème catégorie.

Cela me paraît une explication plausible mais c’est surtout le manque de qualité de trop de toros qui ne correspond plus au niveau habituel de ces élevages. Nous y constatons trop souvent, trop de lots avec 1 à 2 toros acceptables dans les critères nécessaires de toro brave pour ces ganaderias : trop de corridas, pas assez de bravoure et de mobilité.

Cette situation est préoccupante mais ma déception et mes soucis sur l’avenir concernent aussi la Feria de Béziers après celle que nous venons de vivre. Nous avons constaté à nouveau que la qualité des toros de Jandilla reçus à Béziers est de plus en plus décevante, donnant des corridas sans émotion malgré la qualité des toreros qui les ont affrontés avec leurs mérites et déterminations respectifs.

Je ne reprendrai pas dans le détail les faits mentionnés dans le « Billet d’Humeur » de Michel Bousquet que j’approuve sur le fond, d’autant plus que j’ai entendu d’autres commentaires furieux. Je regrette notamment l’annulation de la corrida du 16 août par absence de moyens et d’organisation alors que l’annonce de l’orage entre 16 H 30 et 17 H 30 était sur la majorité des sites météo dès la veille au soir et confirmée le matin.

Cette corrida attendue de Santiago Domecq, meilleur élevage actuel, aurait pu améliorer l’image de notre Feria, suivie du très bon comportement des toros de Margé dans la corrida de clôture du 18 août. Ce sont des erreurs qui devront être rattrapées à l’avenir si notre Feria et nos arènes ne veulent pas perdre l’image qu’elles ont mis des années à se gagner.

De plus, je regrette l’absence de spectacles musicaux et festifs de qualité dans nos arènes. Ils font partie de la marque indélébile des arènes biterroises.

Pour conclure, je rappelle depuis plus de 5 ans dans mes éditos, la nécessaire action d’une Commission Taurine et d’une aficion qui doivent intervenir avec une réelle volonté de dialogue avec l’Organisation et la Municipalité pour prendre en compte cette nécessité de qualité pour notre cité. Il en va de l’image globale de nos arènes et de la Feria, dans l’intérêt de tous.

Addendum : J’étais à St-Gilles ce 24 août pour la Corrida Provençale avec une forte présence de public et de médias nîmois soutenant leurs toreros Rafi et Solal. La presse spécialisée espagnole a titré « Importante dimencion de Cristian Parejo en Saint-Gilles ». Il a reçu le trophée de la Chaquetilla d’Or coupant 3 oreilles aux toros d’une bonne corrida de Blohorn.

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU