Lettre ouverte Post Féria

BILLET D’HUMEUR de Michel Bousquet

Je me résous à écrire ces quelques lignes après avoir clôturé cette Féria 2024 qui me laisse un goût… bizarre. Ni amer, ni doux. Un goût entre fruit de la passion et citron astringent. Un goût de manque et de revenez-y le plus tôt possible. Un goût d’aller voir ailleurs et de ce n’est pas possible d’en rester là.

Enfin du mitigé que j’essaie de rendre positif sans y parvenir totalement.

La faute sûrement aux péripéties de cette dernière corrida et ses suites.

Cet indulto, surement mérité du toro NEPTUNE de Margé mais si rapidement tombé du palco que le doute s’est emparé de nous après la prestation des « lendits » (pour ceux qui ont l’âge dans le callejon).

Les diverses justifications qui ont suivi et suivent encore ne sont pas faites pour rassurer quant à la spontanéité de la décision.

Sans attaque ad personam, justifier la demande véhémente de la grâce par le fait qu’on veut conserver une lignée qu’on possède chez soi et qu’on a envoyé aux arènes avec quasi 100% de risque de la perdre, me parait presque schizophrène.

J’ai de l’admiration pour le travail de la famille Margé, je l’ai souvent dit et sur le plan économique et j’ai souvent dit qu’à leur place, j’aurais encore plus enfoncé le clou, si ma survie en avait dépendu.

J’ai de l’amitié et du respect pour Robert Margé, mais là, j’avoue ne pas comprendre…

Cela m’amène à parler de la présidence, et je le répète, sans attaque ad personam, j’ai compris le désarroi inhabituel de cette hydre à trois têtes, dans cette décision arrivée trop vite sans que la pétition soit forte.

C’est, certainement, un des paramètres qui ouvre cette polémique, comme on les aime ou pas.

Il faut élargir notre vue de cette Féria et ne pas rester sur cet épisode, aussi savoureux soit-il.

D’autres sujets ou détails ont fait que le goût que j’ai essayé de définir est ce qui restera pour moi de l’évènement.

Par exemple, nous n’avons vu qu’un seul picador à l’œuvre dans les arènes tout au long de cette Féria, au lieu de deux, habituellement.

Certes, il semble que cela n’aille pas contre le règlement. Toutefois, la position de notre place de première catégorie souffrira de cette décision qui appauvrit le spectacle au regard des autres places.

De surcroît la nécessité d’enfermer entre deux chevaux un manso perdido, posera quelques problèmes, si cette situation devait perdurer.

Un autre détail m’a particulièrement perturbé, parce que je vieillis ; mais ça nous arrive à tous :  la seule porte principale donnait l’accès aux arènes, lors de la novillade du Tastevin d’argent, que l’empressa n’a pas voulu cette année nommer ainsi. On se demande pourquoi.

Des personnes âgées et des enfants ont attendu inutilement en plein soleil et dans le bruit des bars, pour accéder aux couloirs qui mènent aux vomitoires.  

Deux portes de plus donneraient un accès plus aisé aux arènes et la sécurité ne souffrirait pas plus, surtout pour ce matin festif.

Serait-ce un besoin d’économies ? Si c’est le cas je commence à être inquiet que l’équilibre de la féria repose sur 4heures de vigiles présents à 2 portes ouvertes en plus, pour le confort des spectateurs.

Et qu’on ne vienne pas me parler de sécurité quand on a vu comment se passent les sorties et rentrées des corridas et des spectacles. Le moindre mouvement de foule pourrait conduire à une vraie catastrophe, pour le coup.

Encore aussi les déplacements incessants des spectateurs pendant la lidia, pour aller chercher qui de la bière, qui des sodas, qui de l’eau.

On a envie de leur dire comme à nos petits enfants ou plutôt comme nous disaient nos parents : prenez vos précautions.

On dirait des zombis accros à leur substance.

Si tu ne peux passer 2heures et demi sans boire de la bière ou autre chose, il faut consulter l’ami. Sachant que boire fait pisser et que le balai ainsi se poursuit.

Cela devient très désagréable alors que la gestion des déplacements, par les portiers contrôlés par l’empressa, pourrait régler ça en fermant les buvettes pendant la lidia par exemple.

Enfin le clou du spectacle, je n’ose pas écrire du cercueil de l’amateurisme…  L’annulation de la corrida du 16, pour cause de piste inondée.

Ce n’est pas comme s’il ne pleuvait jamais à Béziers autour du 15 août.

Certes, depuis trois ans il faisait beau, mais tout de même les orages du 15 août ne sont pas une légende urbaine.

Les « rabanelles » annoncées sont bien arrivées sur les arènes et sur la ville. Elles n’ont pas épargné ce rond magique signalé sur les cartes comme lieu culturel voué aux arts lyriques et à la corrida.

La pluie s’en fiche de l’opéra et des toreros.

Ainsi un excès de confiance, ou un trop gros crédit accordé à une bonne étoile, transforme une fête attendue avec le meilleur cartel ou presque de cette féria et avec le meilleur élevage ou pas loin du moment, en une frustration et un agacement de voir cette féria réduite et tronquée encore plus qu’elle ne l’était par le spectacle équestre, aussi noble et beau soit-il.

Je n’ose pas écrire le mot d’amateurisme, mais quand on sait que les grands prix automobiles prévoient les précipitations secteur par secteur sur les grands prix sans trop se tromper aujourd’hui ; déplacer 10 000 personnes et les renvoyer chez eux se faire rembourser parce que tu n’as pas déployé des bâches en croyant au père Noël… Comment dire avec des mots que vous compreniez facilement…

J’ai toujours préféré oublier le négatif en sortant des arènes en ne gardant que ce que j’avais aimé dans le moment passé.  Cela remplit moins mon petit disque dur et je continue à aimer ça de cette façon… depuis 1956, ce n’est pas d’hier.

Parce que cette année si je ne le fais pas, je risque de partir à Dax l’année prochaine, alors que je ne l’ai jamais fait de ma vie, en bon Biterrois chauvin que je suis.

Mais il faut que tous nous nous retrouvions pour parler, sans agressivité, de ces gestes manqués, les uns vis-à-vis des autres. Et que chacun fasse un pas vers l’autre, vers les autres, pour se retrouver autour de la passion qui nous réunit afin qu’elle nous soude un peu plus au lieu de nous diviser.

Le respect de chacun par chacun doit être le vecteur de ce nouvel élan d’aficion qui semble se confirmer et nous impose aussi d’être pédagogue pour ces nouveaux arrivants qui s’enthousiasment aux arènes.

Leur expliquer par nos applaudissements nourris par exemple, qu’une pique bien donnée à un toro qui pousse sous le fer, ça ne se siffle pas.

Je n’avais jamais éprouvé le besoin auparavant de partager mes sentiments à la fin de la fête annuelle dans notre ville.

Cette année je vous livre ce billet, car je suis sûr qu’il nous faut avoir plus de respect les uns pour les autres.

Que ceux qui organisent soient respectés pour leur prise de risque ;

Que ceux qui payent soient respectés pour leur engagement financier qui fait vivre les autres.

Et surtout, s’il y a des erreurs, qu’elles soient expliquées sans langue de bois et sans langage diplomatique.

Faute avouée, à moitié pardonnée dit-on. Encore faut-il choisir ses mots.

Pour ma part j’ai essayé de le faire, sans blesser personne, et en me mettant à la place des protagonistes, autant que faire se peut.

A eux maintenant de faire le chemin qui leur incombe pour que nous allions dans la même direction ensemble.

Les combats à venir ne vont pas manquer et ils seront durs, à n’en pas douter. 

Essayons de retrouver une unité plus profonde autour d’une passion commune, avec le respect auquel chacun a droit.

                                                                                         Michel BOUSQUET