ÉDITORIAL – JUILLET 2014

MAESTROS D’ANTAN ! REVENEZ… ILS SONT DEVENUS FOUS ET…

 Notre appel, s’il peut paraître volontairement provocateur et extravagant, est pourtant très sérieux. Il s’adresse au symbole des toreros historiques « les commandeurs » qui ont marqué ce combat parfois titanesque, et même cet art, depuis plus de 200 ans, sans oublier ceux qui, de nos jours, montrent encore leur « señorio en la calle » après avoir fait notre admiration dans le ruedo. Nous rêvons peut-être en espérant qu’une illumination frappera les meneurs de la nouvelle tendance, comme celle de Saint-Paul sur le chemin de Damas. Nous espérons qu’ils comprendront alors que leur comportement est néfaste pour l’avenir de la tauromachie. Nous craignons que pour eux, trop d’enjeux financiers soient en cause pour qu’ils se laissent convaincre, car ils n’analysent la situation qu’à courte vue. Ernest Hemingway derivative « Bullfighting is not a sport. It was never supposed to be, it is a Tragedy ». Le grand reporter-écrivain américain ne recherchait pas cette tragédie (ami de grands toreros de l’époque) mais il l’a vécue.
La corrida doit certes s’humaniser, comme elle le fit avec l’apparition du Peto des chevaux, avec l’amélioration permanente des services de secours, de la vraie bravoure des toros par la difficile sélection. Mais la corrida ne doit pas être dénaturée, sinon elle disparaîtra d’elle-même, de l’intérieur. Notre appel, notre « cri » spontané vient du fait que certains intervenants de ce monde taurin et non les moindres, nous paraissent avoir perdu tous leurs repères qui marquaient cette admirable « profession », ce mystérieux microcosme.  Le terme « hombria » (au sens figuré : honradez, decencia), nous paraît le mieux adapté pour caractériser le comportement que les toreros doivent avoir et ont, tant dans le ruedo que « en la calle » (cela concerne aussi les empresas).

Deux évènements viennent de nous démontrer malheureusement que « chez ces gens-là », il n’existe plus de limite dans leur comportement mercantiliste et qu’ils sont en train de perdre toutes les racines et le « sublime » du combat de l’homme et du toro.

Le 24 juin, nous apprenions avec tristesse, la mort à Barcelone, suite à un cancer, de Luis Maria GIBERT, Président de la Fédéracion de Entidades Taurinas de Cataluña. Cet homme a lutté de toutes ses forces, sans craindre l’opprobre et la haine que son initiative de lancer l’Initiative Législative Populaire demandant la protection de la « Fiesta de los Toros » en Espagne, déclencherait dans les milieux politico-anti-taurins, particulièrement en Catalogne. Il a entrepris, avec ses amis, une démarche longue et délicate pour recueillir les 500 000 signatures nécessaires et lancer ce processus démocratique permettant après discussions et négociations, que le Congreso de los Diputados soit amené à étudier et à prendre position sur trois points principaux :

  • la Tauromachie fait partie du patrimoine historique et commun de tous les Espagnols ;
  • sa préservation est de la compétence de tous les Pouvoirs Publics ;
  • les dits Pouvoirs Publics sont responsables du maintien et de la défense du caractère culturel, historique et traditionnel de la Tauromachie qui protège, tant les « acteurs » directs, que toutes les expressions artistiques touchant à la Tauromachie.

Certes, comme tout texte légal, il restera imparfait aux yeux de certains et il n’aboutira peut-être pas à la motivation initiale de Luis Maria GIBERT : le retour de la corrida dans les arènes catalanes, mais il apporte une obligation aux responsables politiques vis-à-vis de la corrida. Cette loi fut adoptée, en grande pompe médiatique, avec la présence ce jour-là des figuras du moment en barrera, dans les tribunes des « Cortes », et des représentants des grandes Empresas avec des déclarations dithyrambiques se réjouissant de ce succès. Cette tristesse devant le décès de cet homme, encore jeune, qui s’est dévoué à cette noble et difficile tâche, est d’autant plus douloureuse, que comme le faisait remarquer l’éditorialiste non conformiste Paco MARCH « Comment se peut-il qu’à l’exception d’un seul (Serafin MARIN), aucun matador de toros, pourtant si actif sur Twitter, n’ait envoyé ses condoléances à la mort de Luis Maria ». Un aficionado catalan lui répondit par internet, avec rage et humour : « parce qu’ils supposaient qu’il n’y aurait ni photo, ni glamour, pour s’habiller d’habit de gala ». Ces remarques concernent aussi les organisations professionnelles et les Empresas. En effet, nous n’avons eu aucune déclaration publique et officielle du monde taurin hors quelques lignes sur certains sites taurins, comme un « service minimum ». Oui ce n’est plus de la tristesse, c’est à nouveau de la colère qui est suscitée devant ce comportement qui nous indigne. Quand nous écrivions ces lignes, nous écoutions les larmes aux yeux, le fameux paso doble taurin « Puerta Grande » composé par l’épouse de L.M. GIBERT, Emilia CHECA, que ces figuras ont souvent écouté pour magnifier leur comportement dans le ruedo ou pour accompagner leurs sorties triomphales.

Si nous venons de parler de colère, nous allons maintenant aborder à nouveau le « ridicule » que suscite en nous la dernière initiative des membres principaux du G5. Le monde taurin au pouvoir base tout sur le marketing et la communication. Il invente les prétextes les plus divers et insolites, profitant du fait qu’il a la mainmise sur le toreo et sur les sites de communication spécialisés, pour nous inonder de ses messages d’une grande banalité, sensés améliorer son image. Un grand Torero des années 80 qui faisait lui-même sa communication avec le public dans et hors les ruedos, affrontant souvent des ganaderias exigeantes, déclarait récemment en privé : « Antes se hablada de cojones y cruzarse en el piton contrario, ahora es todo communicacion y marketing ».
Cette remarque, spontanée, est venue tout naturellement d’un torero qui a tout gagné en se jouant la vie dans le ruedo tout en gardant son sourire légendaire…

Vous connaissez la dernière ? Le 27 septembre prochain, dans le « PALACIO DE VISTALEGRE » à Madrid, se déroulera le grand évènement « The Maestros ». Les 3 figuras, MORANTE, EL JULI et TALAVANTE affronteront 6 toros (à préciser). Ce spectacle sera accompagné musicalement par le Grand Orchestre Symphonique de la Communauté Autonome de Madrid. Cet évènement a été annoncé en grande pompe au Musée Reina Sofia de Madrid lors d’une conférence de presse dirigée par Paola DOMINGUIN, fille de Luis Miguel et Lucia BOSE et filleule de Pablo PICASSO (excusez du peu). Cela ne vous rappelle rien :
– le titre choisi : Pourquoi pas « The Masters »,
– le lieu retenu : Palacio de VISTALEGRE : ce n’est plus une Plaza de Toros,
– les références artistiques : Musée Reina Sofia et Orchestre Symphonique.
Señores por favor :  tout le monde n’est pas Juan BELMONTE, Ignacio SANCHEZ MEJIAS ou Luis Miguel DOMINGUIN pour s’inviter (ou s’immiscer) dans le monde des intellectuels que ces toreros ont côtoyé. Nous ne contesterons pas à MORANTE, EL JULI et TALAVANTE le qualificatif de « Maestros » qu’ils ont acquis dans le ruedo, mais leurs initiatives ne sont pas destinées à relancer la corrida vers un nouveau public mais à s’autoproclamer pour faire parler d’eux, alors qu’ils disposent des qualités évidentes pour le faire autrement. Après leur immixtion « hostile » dans le fonctionnement de la Real Maestranza, ils veulent en fait tout simplement tout maitriser : les cartels, les toros, les finances… Attendons-nous à d’autres initiatives et craignons qu’ils entraînent la corrida dans une impasse où nous assisterons à des guerres intestines en quête de pouvoir, alors que nous avons besoin d’unité et de sincérité. Le 1er semestre 2014 a déjà enregistré 15 corridas de moins en Espagne dans les arènes de 2ème et 3ème catégorie, alors que 2013 était déjà catastrophique.
Nous ne doutons pas de la capacité de ces 3 figuras à triompher dans la Plaza de Vistalegre ce jour-là, mais nous pensons que leurs conseillers en communication sont à côté de la plaque dans cette stratégie ou peut-être nous cachent-ils d’autres objectifs pour l’avenir.

Notre conclusion sera à la fois joyeuse et triste. La Feria d’ISTRES est devenue une manifestation taurine référence dans le Sud-Est, grâce à la qualité de ses cartels qui remplissent les arènes du Palio et au travail de fond effectué pendant plusieurs mois auprès des aficionados. Cette année, nous avons apprécié dans leur diversité, les tauromachies d’Enrique PONCE, Juan BAUTISTA, Manuel ESCRIBANO et JOSELITO bien sûr. De plus, nous sommes particulièrement heureux de l’alternative de CAYETANO ORTIZ des mains de JOSELITO, accompagné de MORANTE comme témoin. Cartel ô combien prestigieux. La sortie en triomphe de Gaëtan dans ces arènes combes, restera dans sa mémoire et nous réjouit. JOSELITO nous a fait régaler dans sa tauromachie très personnelle que nous avons retrouvée avec nostalgie. Il a bien précisé que sa présence était exceptionnelle et qu’il n’était pas question qu’il revienne dans le circuit. Nous pensons que, très lucide, il a raison.  Malgré tous ces points positifs, nous sommes particulièrement consternés par la présentation des armures des toros de Domingo HERNANDEZ-GARCIGRANDE le 15 juin. Ne gâchez pas tant d’efforts, cela méritait mieux !!!

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Edito n° 15 – Juillet 2014