ÉDITORIAL JUILLET 2020

MA LIBERTÉ DE PENSER

Les jours que nous vivons n’incitent pas à la fête ni à la joie exubérante qu’elle nous procure. C’est plutôt la mélancolie des souvenirs mais aussi la colère que je ressens sans oublier la crainte. Comment réagir devant les déclarations écœurantes et mensongères qui sont véhiculées par les médias serviles, même parfois régionaux, sans oublier ceux dont la déstabilisation est la raison d’être. Mon entourage m’incite à rester plus distant à l’égard des ignominies que nous vivons ou devant celles que nous entendons ou lisons, mais je ne puis m’y résoudre. J’ai décidé : Ils ne m’enlèveront pas ma liberté de penser. Certes, Florent Pagny le chantait dans des circonstances très personnelles mais son cri est parfaitement adapté aux sentiments que génèrent chez moi les vicissitudes que certains nous font vivre.

Évidemment, je ne les confonds pas avec les conséquences directes de la pandémie du Coronavirus que nous subissons depuis plusieurs mois. Elle devrait nous inciter à conserver au mieux nos activités tout en respectant la vie et le comportement de nos proches mais aussi du monde qui nous entoure. Les failles du comportement humain dans la vie de tous les jours sont connues mais elles se sont amplifiées dans ces circonstances.

Sans vouloir m’immiscer dans les débats politiques français et espagnols, il faut reconnaître que les dirigeants ont montré pour certains, leur incapacité à anticiper pour faire face aux effets connus mondialement dès décembre 2019 ; pour d’autres, leur malhonnêteté à reconnaître la situation en ajoutant la désinformation consciente qu’ils ont pratiquée. Il faut noter que le monde taurin est frappé de plein fouet, à tous les niveaux, tant les organisateurs que les toreros, mais ce sont surtout les cuadrillas et les ganaderos qui passent un moment tragique, particulièrement en Espagne.
Je ne fais pas une idée fixe mais nous constatons que ce sont les mêmes inféodés à la pensée de leur maître, le vice-président Iglesias, qui osent imposer un traitement discriminatoire et insultant à ces catégories taurines en refusant de leur appliquer les mesures exceptionnelles mises en place au niveau national et professionnel pour les autres catégories sociales comparables à la leur. Les leaders de Podemos, Etchenique et Iglesias, s’étonnent publiquement et accusent avec véhémence les subalternes qui osent manifester et crier des insultes à l’adresse de la ministre du Travail Yolanda Diaz qui les excluent des mesures en faveur du groupe des autres travailleurs intermittents du spectacle alors qu’ils cotisent à la sécurité sociale. Elle refuse de prendre en compte leur cas créant des problèmes graves à la subsistance de leurs familles. Ils ont osé se plaindre de cette manifestation bruyante, notamment des insultes proférées contre la ministre, alors que les mêmes ont toujours justifié les affrontements violents dans le cadre de leurs luttes pour défendre leurs droits contre les pouvoirs du moment, sans oublier le comportement et les discours de leurs leaders historiques. Ce sont avec les Catalanistes indépendantistes, les anti-taurins les plus exacerbés, pour des motivations différentes contre la tauromachie hispanique à qui Podemos nie la qualification de Culture à la Tauromachie, de la bouche du vice-président Pablo Iglesias. Certains détails sont encore plus démonstratifs mais je m’interdis de rentrer dans la politique politicienne. Le ministre socialiste de la Culture, Jose Manuel Uribes, après deux mois de luttes, vient enfin de reconnaître des lacunes dans l’ensemble du dossier des aides au toreo. Il gagne du temps mais reconnaît enfin leurs erreurs.

Le maestro Luis Francisco Espla, toujours aussi libre et défenseur de son indépendance, a déclaré récemment Nous avançons lentement vers le Bolivarisme absolu, ennemi du toreo, que le pica como un sarnazo (qui le démange comme une croûte). Cette déclaration a le mérite d’être claire. Elle correspond à la sensation que ressent tout le monde taurin espagnol devant cet acharnement d’Iglesias contre la tauromachie.

Le président de la Fondation du Toro de Combat, Victorino Martin, a répondu à ces menaces de censure contre les toros : Abandonnez vos rêves totalitaires dans lesquels la culture se façonne au goût du pouvoir.
Pour le moment, toutes ces réactions sont sans effet car le président du gouvernement Pedro Sanchez a beaucoup de problèmes à résoudre et doit s’appuyer sur le groupe Podemos qui, de son côté, cherche à récupérer les voix du Parti communiste qui vient de se séparer d’Izquierdo Unida. Ces tendances extrémistes chez nos voisins me préoccupent car je crains qu’elles puissent se conclure par des affrontements que certains semblent espérer car ils se plaisent dans cet état d’urgence.

Je préfère tourner mes espoirs vers la France où le travail de longue haleine de l’Union des Villes Taurines et de l’Observatoire National des Cultures Taurines confirme leur légitimité. Le nouveau chef du gouvernement, Jean Castex, a fait des déclarations sur France TV qui tendent vers le droit à la différenciation des traditions grâce à une loi qui garantirait la liberté des territoires pour perpétuer leurs coutumes, cultures, particularités et langues. Attendons, sachant que la jurisprudence pour le moment nous protège malgré les vociférations d’animalistes illuminés et des bien pensants qui n’on rien à voir avec leurs idées de protection de la planète. Il est indispensable que la ville de Nîmes, reconnue comme première arène française, revienne officiellement dans le cadre de l’UVTF qu’elle n’a quittée que pour des raisons internes à la cité et à certains clubs taurins. La municipalité renouvelée lors des dernières élections se grandirait en revenant à ses origines et pèserait de son poids lors d’éventuelles futures négociations.
Ces réactions cartésiennes me confirment dans la nécessité de conserver notre tradition dans le cadre de la légalité. Pourtant le problème n’existe pas en Espagne qui a confirmé la corrida par le Tribunal constitutionnel en 2016 face au délit des Cortes Catalanes, malheureusement sans effet par défaillance d’empresa. Il faut craindre des incidents violents. Les Bolivariens ont gagné à Cuba, Caracas, Quito et Bogota est en danger. Ils n’ont rien à perdre. Les démocrates espagnols doivent s’efforcer de rétablir la modération dans un pays qui a gagné près de 50 ans de paix après 120 ans de guerres violentes et inconsidérées. Je crains que les extrémistes rêvant de revenir au chaos, puissent à nouveau détruire l’équilibre si durement acquis. Soyons conscients que sans eux, notre tauromachie ne subsistera pas. Pourtant notre Béziers montre sa détermination malgré les difficultés précitées. L’empresa et la municipalité ont le grand mérite de créer un évènement culturel défenseur de nos traditions autour de la date traditionnelle du 15 août : Le Sud est à Béziers avec des évènements taurins majeurs : 15 août : grande corrida de toros – 16 août : exceptionnel Festival taurin caritatif, sans oublier la novillada du 16 août au matin.

Dans mon éditorial d’octobre 2016 j’avais eu recours au talent de Jacques Brel qui a su illustrer les bases de Don Quijote de la Mancha, écrit par Miguel de Cervantès, personnage mythique de l’Espagne du début du XVIIème siècle. Le célèbre auteur et chanteur de tant de succès inoubliables finit La Quête qui clôture la recherche permanente de l’Homme de la Mancha :

« Pour atteindre à s’en écarteler
Pour atteindre l’inaccessible étoile »

Lorsque je fais appel aujourd’hui à ce héros, je ne cherche pas à comparer sa recherche d’excellence avec la volonté de liberté de penser.
Je ne suis pas devenu mégalo mais je reste admirateur du personnage créé par Miguel de Cervantès dans cette Mancha que j’ai parcourue pendant 20 ans. Cette admiration fut bien mieux exprimée par le Maestro Ignacio Sanchez Mejias dans sa conférence de 1929 à la Columbia University de New-York (édito de juin 2020) où il représente notre héros dans un monde imaginaire et symbolique dont j’ai retenu ce passage :

Don Quijote fue el primero en descubrir que el mundo tenia la forma del ruedo, que el mundo era redondo por los cuatro costados. Y, como sabia torear, cuando vio que el toro le comia el terreno, lo cambio de tercio a medio : mas claramente, lo paso de la mitad vieja del mundo a la otra mitad : lo trajo al Nuevo Mundo. Y eso solo lo puede hacer quien sera capaz de torear a todos los toros en todos los terrenos. Don Quijote lo hizo y, en el esfuerzo, se abrieron sus heridas y se derramo casi toda su sangre.
La sangre de Don Quijote, regando a mas de medio mundo, ha hecho brotar su arte, su arte de ser, de ser siempre, de ser y estar, de estar eternamente, por los siglos de los siglos, dormido y despierto, sin vacilaciones, dormido y despierto, a toda hora y en todo lugar »…

« Don Quijote fut le premier à découvrir que le monde avait la forme du ruedo, que le monde était rond des 4 côtés. Et comme il savait toréer, quand il vit que le toro lui mangeait le terrain, il le changeât du tercio vers le milieu : il l’amena au Nouveau Monde. Cela seul celui qui est capable de toréer tous les toros dans tous les terrains, est capable de le faire. Don Quijote le fit et dans son effort ses blessures s’ouvrirent et il perdit presque tout son sang. Le sang de Don Quijote irrigant plus de la moitié du monde, a fait pousser son art, son art d’être, d’être toujours, de ser y d’estar, d’être éternellement, pour les siècles des siècles, endormi et éveillé, sans états d’âme, endormi et éveillé, à tout heure et en tout lieu ».

Ser : exprime un état permanent
Estar : exprime un état passager (notion spatio temporelle)

Le responsable de rédaction : Francis ANDREU – Édito86 – Juillet 2020